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Abidjan Bouger ! Bouger !

Par - Publié en décembre 2017
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Bus connectés sur les routes, navettes sur la lagune, réformes du permis de conduire, sécurité… Le quotidien des citadins se transforme. En attendant le grand chantier du métro.
 
Un jeudi d’octobre, en fin d’après-midi, les quais de la lagune, à la sortie du quartier du Plateau, connaissent une affluence inhabituelle. « Ils vont prendre les bateaux-bus pour rentrer chez eux », explique un chauffeur de taxi. C’est la nouveauté dans le paysage des transports à Abidjan. Des navettes sillonnent désormais la lagune, offrant une alternative à la circulation étouffante dans une ville en plein boom économique, où 1,2 million de personnes se déplacent chaque jour. La libéralisation de l’activité à la fin Le 30 novembre, les présidents Macron et Ouattara ont posé ensemble la première pierre du futur métro d’Abidjan. de l’année 2016 s’est traduite par l’arrivée de nouveaux acteurs privés, la Compagnie ivoirienne de transport (Citrans) et la Société de transport lagunaire (STL). Leurs services relient les communes de Cocody, Treichville, Plateau et Yopougon pour un coût du trajet entre 150 et 500 francs CFA (entre 23 et 75 centimes d’euros), selon la compagnie. Sous la forme dite construction-exploitation-transfert (Bot), les deux entreprises ont pour mission d’offrir un « service public de qualité aux voyageurs ».
Citrans a démarré son activité avec 18 navettes. La compagnie s’est engagée à « apporter des facilités d’attente et de grandes commodités dans les gares », selon son directeur général Zoumana Bakayoko, notamment avec des bateaux-bus équipés d’« un système de gestion intégré qui permet à l’usager d’avoir en temps réel sur son portable l’heure d’arrivée des navettes ».
De son côté, la STL, filiale du groupe Snedai, espère, avec 16 bateaux, « transporter 50 000 personnes par jour à raison de rotations toutes les 30 minutes », en vue de « faciliter la mobilité des Ivoiriens », selon son promoteur, figure de la scène politique, Adama Bictogo, qui ajoute : « Les gares aussi sont prêtes. Nous respectons les engagements pris vis-àvis de l’État. Lorsque la STL atteindra son point de pleine croissance, nous disposerons de quarante bateaux-bus sur la lagune, dont cinq en réserve. » Des navettes équipées d’un accès wi-fi dans la classe VIP, qui devront, par la suite, desservir les stations balnéaires, Assinie ou Bassam.
La Société des transports abidjanais (Sotra), détenue à part majoritaire par l’État ivoirien, reste dans le jeu. Avec 30 000 passagers par jour, elle doit, dopée par la nouvelle concurrence dans le secteur, monter en puissance. 
 
Alternative aux « wôrô-wôrô » 
Contrairement à ses deux rivales, la Sotra gère également le réseau de bus urbain, dans lequel elle a introduit depuis avril 2016 l’accès wi-fi : une centaine de Wibus circulent dans la commune de Cocody, à titre expérimental. Des minibus qui disposent de 27 places assises, d’un cadre confortable et qui offrent la connexion Internet, pour 400 francs CFA (60 centimes d’euros) le trajet. Une initiative qui doit s’étendre à d’autres communes de la ville. Ces bus proposent une alternative aux taxis « wôrô-wôrô », mais aussi aux services VTC (voiture de tourisme avec chauffeur) de type Uber qui ont récemment émergé. La Sotra, déterminée à utiliser le numérique pour renouveler son image et améliorer son offre, envisage d’autres innovations, telles que des systèmes de paiement électronique et d’informations pour les voyageurs.
Depuis 2014, un nouvel opérateur a fait son entrée dans le secteur des transports. Quipux Afrique, filiale d’un groupe brésilien, a fait ses preuves en Amérique latine en déployant des solutions numériques pour moderniser les transports et leur système de gestion. Il a entamé son expansion africaine par la Côte d’Ivoire. La « méthode Quipux » a démontré son efficacité à Treichville, dans l’un des 30 centres de gestion intégrée (CGI) mis en place à travers le pays. Avec plus de 500 employés, la filiale a opéré un changement radical pour les conducteurs ivoiriens. « On a entièrement repris en main les permis de conduire », souligne Mabana Koné, chef d’opération CGI à Abidjan. Plus exactement, l’entreprise a mis en place et exploite un système regroupant les activités du secteur des transports terrestres.
« Nous avons pris en charge la gestion des permis, des cartes grises pour tout type de transport. Nous nous occupons des nouveaux candidats, ou du renouvellement. » Progressivement, professionnels de la route et particuliers sont enregistrés dans une database biométrique, d’une capacité de stockage de 60 téraoctets, qui centralise les données de tous les CGI. Lesquelles sont ensuite remises au ministère des Transports, qui disposera ainsi de données fiables sur les usagers de la route dans le pays. « Des éléments qui permettent d’anticiper sur les politiques adoptées », souligne Ibrahima Koné, directeur général de Quipux Afrique.
Deux cents personnes en moyenne sont accueillies chaque jour au CGI de Treichville, le premier centre installé, dès juillet 2014. « Au début, nous avions beaucoup de demandes, mais, avec l’ouverture des autres antennes, l’affluence s’est réduite. » D’autant que certains CGI sont « spécialisés » : pour les entreprises, pour les agents de la Banque africaine de développement au sein même de l’institution, pour la population huppée à Cocody… À leur arrivée, les personnes sont filtrées à l’accueil, puis orientées vers les guichets correspondants, où elles attendent, patiemment, que leur numéro s’inscrive sur les écrans dans la salle d’attente. Au comptoir, un homme vient effectuer un renouvellement de permis. Les guichets sont équipés d’appareils photo et de scanners pour prendre les empreintes digitales. Les données sont transmises en temps réel à la database.
Pendant que les conducteurs effectuent la visite médicale, qui vise à vérifier leurs aptitudes et qui comprend une prise de sang – le groupe sanguin fait partie des informations inscrites sur le permis –, les agents du ministère des Transports, présents sur chacun des sites, se livrent aux vérifications d’usage, avant que les employés ne procèdent à la création et à l’impression du titre. « Tout est effectué en direct. L’usager récupère son titre dans un délai maximal de 24 h. » Sous réserve que tout soit en règle, et après avoir acquitté au guichet la somme de 13 500 francs CFA (environ 20 euros) pour un renouvellement, contre 50 000 francs CFA (75 euros) auparavant. Un gain de temps et d’argent pour l’usager comme pour l’État. La solution assure une meilleure transparence des fonds et évite les fraudes, grâce à l’indication du numéro du véhicule sur le document. À quelques mètres du centre de Treichville, se trouve celui du contrôle des opérations, installé dans l’immeuble Félix Houphouët- Boigny. Sur les écrans, les images des différents CGI du pays, filmés par 143 caméras réparties sur dix sites, dont cinq à Abidjan. « Ce service a pour mission d’assurer la sécurité des sites, le matériel et les usagers, tout en veillant au respect du bon usage des opérations », explique Olivier Daple, coordinateur du centre. « Une façon également de montrer à notre client, l’État ivoirien, nos compétences en matière de gestion de la mobilité du trafic. » Par la suite, si le projet en cours de validation par les autorités est adopté, Quipux pourrait également participer à fluidifier la circulation sur les routes du pays à travers son centre de surveillance.*
 
Le Métro démarre enfin
En attendant, le projet très attendu du métro d’Abidjan démarre enfin. Après plusieurs reports, le chantier a été inauguré le 2 décembre dernier, par les présidents Ouattara et Macron. « Un projet qui nous est mutuellement cher », avait déclaré le président français après son tête-à-tête avec son homologue ivoirien reçu à l’Élysée, en septembre dernier. Une rencontre à l’issue de laquelle la France a accordé une aide supplémentaire à la Côte d’Ivoire de 2,1 milliards d’euros, dont les deux tiers sont destinés au financement du métro. Les travaux de la ligne 1 (sur 37,9 km de long) seront réalisés par un consortium franco-coréen. Le contrat de construction a été accordé à la Société de transports abidjanais sur rail (Star), aux capitaux détenus par un consortium composé des français Bouygues (33 %) et Keolis (filiale de la SNCF, 25 %) et des coréens Hyundai Rotem (33 %) et Dongsan Engineering (9 %), pour un coût estimé à 1,4 milliard d’euros. Le métro assurera le transport de 300 000 passagers par jour et traversera l’agglomération d’Abidjan d’Anyama (au nord) à l’aéroport international Félix-Houphouët-Boigny (au sud), en passant par le stratégique  quartier d’affaires du Plateau. Outre la diversification de l’offre de transports, ce métro doit « résoudre le problème des embouteillages à Abidjan, qui engendrent des pertes importantes pour l’économie ivoirienne », souligne l’ancien ministre des Transports, Gaoussou Touré.*