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Alors, on émerge ?

Par empontie - Publié en mai 2017
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Franchement, les économistes sont vraiment pas sympas avec le continent africain. Tout au moins au plan des trouvailles en matière de vocables. Pendant des années, nous avions des pays en voie de développement (PVD). Super. En voie, hein ? Ce qui signifiait bien, littéralement, que le développement n’avait pas commencé et était sur le point d’arriver. Ou pas. Une manière d’affirmer que lesdites contrées étaient vraiment à la traîne.

Que les programmes de développement, pourtant lancés depuis des lustres, ne faisaient pas mouche. Du tout. Bref, copie à revoir. Et, côté image, naître dans un PVD, ça vous enferme bien dans la catégorie « pauvre laissé pour compte » qui n’a même pas posé un orteil sur le développement. Mais haut les cœurs ! Plus tard, le PVD, suivant une évolution pas bien comprise, ou simplement la volonté positive tout à coup de parler du vase à moitié plein, plutôt qu’à moitié vide, s’est mué en PE (pays émergent). Soudain, les mêmes nations (pas toutes, d’ailleurs) qui étaient en voie de se développer émergent ! Selon l’acception stricte du terme, on « émerge » en effet d’un endroit ou d’une situation pas terrible, en général.

Comme d’un profond sommeil ou d’une banquise glaciale lorsque l’on est un iceberg. Mais en gros, on est dans un état pas encore bien abouti. D’ailleurs, les programmes politico-économiques qui utilisent ce terme de plus en plus galvaudé, lui collent une date en ligne de mire : 2025, 2035… Bref, si on compte sur ses doigts, c’est pas gagné ! Le chemin semble interminable. Et c’est quand même un peu dur d’être enfermé dans des concepts si peu rassurants. Certes, les crises multiples, le pouvoir d’achat en berne, les grands chantiers lancés toujours pas opérationnels… tout ça freine le développement.

Mais bon, confiner durant des décennies des pays dans des catégories aussi « condamnées », ça ne dope pas vraiment l’espoir ou les investissements. Le mieux, dans le genre, ce sont les PPTE (pays pauvres très endettés). Alors, là, no way avant 2060, et encore… Moi, je pense que l’on pourrait trouver des noms de catégories plus encourageants, si on le souhaitait vraiment. Les grands savants de l’économie mondiale n’ont qu’à se creuser un peu les méninges, que diable ! Résultat, dans les quartiers, de Djibouti à Libreville, on se moque un peu d’être catalogué ceci ou cela. On vit son quotidien au mieux, on a des projets, on avance. Témoin, cette scène rigolote sur la Croisette de Libreville il y a quelques années, au moment où le mot « émergence » faisait son entrée dans le langage politique. Un groupe de jeunes en bord de mer regarde une belle fille passer et commente son décolleté plongeant : « Waouh ! ça, c’est de l’émergence, hein ? Bravo ! » Une autre manière de dire…