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CARTHAGE L’HISTOIRE EN MARCHE

Par fridah - Publié en février 2016
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Malgré l’urbanisation accélérée de cette zone résidentielle prisée, la cité antique aux très ombreux vestiges ente de préserver son patrimoine.

Carthage, l’antique métropole qui a inspiré Chateaubriand, Flaubert mais aussi le dessinateur Philippe Druillet, demeure bien plus célèbre que Tunis, sa voisine, capitale de la Tunisie depuis le XIIe siècle. Pourtant, il ne reste plus rien de la puissante rivale de Rome, ou si peu ; mais ce peu, couplé aux légendes et aux récits de voyageurs, confère aux lieux surplombant le golfe de Tunis un charme indicible. Du haut du sommet de la colline de Byrsa, le ciel paraît plus large et la mer aussi. Aujourd’hui, Carthage, zone résidentielle prisée qui tient à distance de son centre des quartiers populaires comme celui d’El-Yasmina, est un immense jardin qui abrite des demeures cossues et une dizaine de sites éparpillés dans le parc archéologique éponyme. Plus de la moitié de la surface de la ville est consacrée à la protection des vestiges dont une grande partie demeure inexplorée. Pourtant, depuis la fin du XIXe siècle, son sol ne cesse de restituer des pans d’histoire enfouis depuis des millénaires. Les Pères blancs et les nombreux colons, amateurs d’archéologie, ont mis au jour des sites majeurs comme le Tophet punique ou la Villa de la volière et fourni des musées français comme le Louvre en artefacts uniques. Après l’indépendance en 1956, les chercheurs tunisiens de l’Institut national du patrimoine (INP), épaulés par la coopération internationale, ont pris le relais.
Le quartier Magon, la basilique Saint-Cyprien, les thermes d’Antonin, les vestiges puniques de la colline de Byrsa, le théâtre, les citernes de la Maalga, auxquels le visiteur accède avec un billet unique, témoignent de la grandeur de la cité et illustrent, à travers les strates géologiques, l’apportdes civilisations qui s’y sont succédé. Classée au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1979, la cité fondée par la reine Elyssa fuyant Tyr, en 814 av. J.-C., pourrait perdre ce label et devenir patrimoine en péril.
Depuis l’insurrection du 14 janvier2011, Carthage a été la proie de constructions anarchiques, de vols de pièces archéologiques dont celui de l’inestimable statuette de Ganymède en 2013, et a vu son environnement se dégrader. Mais cela n’est vraiment perceptible qu’aux riverains. « Il a fallu batailler près de deux ans pour que les ports puniques, site protégé, ne servent plus de mouillage à des petites embarcations qui détruisaient le littoral », raconte Zied el-Hani, l’ancien maire. La ville, qui a partiellement échappé à la destruction exigée par Scipion l’Africain pour la soumettre, est peu à peu défigurée par les constructions en béton. Depuis les années 1960 et bien que les permis de construire soient difficiles à obtenir, l’expansion urbaine grignote inexorablement la colline de Byrsa et ses environs. Depuis quelques années, les services du patrimoine opèrent des fouilles systématiques mais « il est impossible d’évaluer les dommages dus aux constructions antérieures aux années 1980 », précise l’archéologue, Youssef Cherif. Mais Carthage reste Carthage, un lieu de conquête et de perte du pouvoir. Sur ces rives, Saint Louis a perdu la vie et le dernier monarque de Tunis, Lamine Bey, son trône. Les différents locataires du palais présidentiel, emblème de la République, aiment à rappeler que le pays, grâce à l’influence de la civilisation carthaginoise, s’adosse à plus de 3 000 ans d’histoire et que c’est précisément là qu’est née l’une des premières démocraties de l’humanité.
L’église aussi avait été sensible à cette symbolique de puissance et a érigé, en 1830, trente ans avant le protectorat, la cathédrale Saint-Louis, qui avait le statut de primatiale d’Afrique, au sommet de la colline de Byrsa. Désacralisée, elle est devenue l’Acropolium, un espace qui jouxte le musée, dédié aux expositions et à la musique dont l’Octobre musical est une manifestation très courue. La culture a pris le pas sur la politique et fait de la cité antique une agora artistique. En juillet et août, le Festival international est un clou de la saison estivale tandis que le centre Mad’Art cible les jeunes avec des spectacles de pointe et des avant-premières ou des cycles de films. Carthage fait sa mue. Cafés et restaurants animent l’avenue Bourguiba tandis que les boutiques chic proposent des interprétations modernes de l’artisanat tunisien ou des marques internationales. En dépit des difficultés de gestion du territoire, la cité est sortie de sa léthargie depuis la chute de Ben Ali. Devenue pôle de vie, elle s’est démocratisée en toute liberté.

 

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- SIDI-BOU-SAÏD RADISSON BLU GALERIE GORGI Dans ce village, que Flaubert désignait sous le nom de Mégara, la galerie AGorgi (ex-galerie Ammar Farhat), nichée dans une discrète ruelle, donne le ton de l’art contemporain en Tunisie. Avec une vocation de dénicheuse de talents, Aïcha, fille du plasticien Abdelaziz Gorgi, créateur en 1988 de cet espace, poursuit une démarche de valorisation de la création artistique et de contribution à l’histoire des arts plastiques. 3, rue Sidi-el-Ghemrini. agorgi.com