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Litérature

David Diop
Chaînes secrètes

Par CATHERINE FAYE - Publié en août 2021
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JOEL SAGET/AFP
JOEL SAGET/AFP

Le premier auteur français à avoir remporté le prestigieux Prix international Booker frappe toujours JUSTE ET FORT. Il nous emmène cette fois-ci en voyage sur les traces d’un savant.

Son précédent roman, au-delà d’un récit sur la Grande Guerre et le parcours de deux jeunes soldats sénégalais sur un champ de bataille français, invitait à une réflexion sur la violence et l’amitié absolue. Barack Obama ne s’y est d’ailleurs pas trompé en recommandant la traduction anglaise de Frère d’âme dans sa traditionnelle sélection de lectures d’été 2021. Il faut dire que les textes poignants de cet enseignant-chercheur, spécialiste de la littérature du XVIII e siècle, interrogent avec passion les méandres de l’âme humaine dans des contextes historiques qui n’en finissent pas de nous troubler. Dans son troisième roman, c’est un jeune homme venu au Sénégal pour étudier la flore locale qui nous prend par la main.​​​​​​​​​​​​​​

JOEL SAGET/AFP
DAVID DIOP, La Porte du voyage sans retour, DR JOEL SAGET/AFP Seuil, 320 pages, 19 €. JOEL SAGET/AF

Botaniste, il caresse le rêve d’établir une encyclopédie universelle du vivant en un siècle où l’heure est aux Lumières. Nous sommes en 1750. Son destin va basculer lorsqu’il décide de se mettre en quête d’une jeune Africaine promise à l’esclavage et qui serait parvenue à s’évader. Son histoire nous est contée à travers les cahiers secrets qu’il a laissés en héritage à sa fille, Aglaé. « J’espère de toute mon âme que tu liras un jour ces lignes qui ouvrent le récit de mon voyage sans nom. Je te laisse le soin de lui trouver un titre », écrit-il en préambule. « La porte du voyage sans retour » est le surnom donné à l’île de Gorée, d’où sont partis des millions d’Africains au temps de la traite des Noirs. C’est aussi le titre de cette aventure inspirée de la vraie vie du naturaliste français Michel Adanson. Systématicien original et auteur de multiples ouvrages et manuscrits issus de ses nombreuses explorations au Sénégal, il meurt pourtant dans la plus grande des solitudes. Mais, son unique enfant, Aglaé, née en 1775, suivra plus tard les traces de ce père singulier. Comme en écho à ce destin, ici aussi les personnages n’en finissent pas de se rejoindre, de s’aimer et de se perdre. Ce n’est donc pas un hasard si l’auteur de ce roman flamboyant cite en exergue l’opéra de Gluck, Orphée et Eurydice : pour rejoindre sa bien-aimée, le héros descend jusqu’en enfer.