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Littérature

Eugène Ébodé
Itinéraire d’une muse métisse

Par CATHERINE FAYE - Publié en avril 2021
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FRANCESCA MANTOVANI/ÉDITIONS GALLIMARD - DR

C’est le ROMAN D’UNE VIE. Celle d’une femme lumineuse, confrontée aux regards d’une France coloniale. Une vie que l’art et les amitiés sélectives subliment enfin.

LORSQUE L’AUTEUR met en scène, en 2013, l’icône pacifiste du mouvement afro-américain des droits civiques, Rosa Parks, dans La Rose dans le bus jaune, il a déjà fait la connaissance d’une autre femme hors du commun, dans la vie réelle. Rencontrée à Perpignan au début des années 2000, Madeleine Petrasch, dite Mado, sera l’héroïne de l’un de ses futurs romans. Il en est convaincu. La voici, à plus de 80 ans, au cœur d’un récit de guerre, d’exil, de renaissance et d’épanouissement. À partir des différents témoignages qu’il a pu recueillir, le romancier camerounais retrace son destin singulier. Celui d’une enfant d’Afrique, née à Édéa d’un père suédois et d’une mère camerounaise, confiée à une famille de colons français, brinquebalée au gré des bousculades de l’histoire, exilée en France, mariée au très aimant Marcel, et devenue citoyenne de la capitale de la cerise, Céret, ville frontalière de l’Espagne.

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EUGÈNE ÉBODÉ, Brûlant était le regard de Picasso, Gallimard, 256 pages, 20 €.

La cité catalane est notamment connue pour son musée d’art moderne, fruit des passages et des séjours des plus grands artistes du XX e siècle – Matisse, Chagall, Soutine pour n’en citer que quelques-uns. Et surtout Picasso, ébloui par la beauté et les « hanches de flamme » de Mado, amie secrète et égérie de nombre de ces artistes de renom. Brûlant était le regard de Picasso mêle subtilement l’intime et l’histoire. Au fil du récit sont évoqués la colonisation, les luttes pour l’indépendance du Cameroun, le rôle du continent lors la Seconde Guerre mondiale, l’Afrique-Équatoriale française comme enjeu pour le général de Gaulle (qui a besoin d’une base arrière pour conduire la résistance), ou encore le premier Congrès international des écrivains et artistes noirs, à Paris, en 1956. Ce dixième roman est foisonnant. Il porte le flambeau de la résilience et de l’altérité. Habité par son héroïne, l’auteur de Souveraine Magnifique (Grand prix littéraire d’Afrique noire 2015) et du Balcon de Dieu (2019) se glisse dans la vie d’une femme hors du commun, au fil d’une narration jubilatoire.