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SABRINA OUAZANI l'amoureuse

Par Michael.AYORINDE - Publié en octobre 2011
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L’actrice, en grande amoureuse, n’esquive aucune question, s’empare de chaque sujet abordé avec passion, use des superlatifs… Dans le vaste espace du Bar du comptoir général où a lieu notre rencontre, près du canal Saint-Martin, ce quartier parisien typiquement « bobo », lieu de spectacles et d’événements écolos, humanitaires, engagés, Sabrina Ouazani est à son aise. Les grandes et chaleureuses pièces invitent à se sentir comme à la maison, avec ces meubles de récup, ces chaises d’écoliers et ces canapés de velours usé. Avec ses 22 printemps au compteur (elle aura 23 ans le 6 décembre), on ne la soupçonnait pas engagée sur tant de projets à la fois. Il y a d’abord, bien sûr, La Source des femmes, le dernier film de Radu Mihaileanu (l’auteur du très populaire Le Concert), qui a transformé la Croisette en défilé de beautés orientales au dernier Festival de Cannes, où il était en compétition officielle. Sabrina y tient, dans un casting de rêve qui réunit Leïla Bekhti, Hafsia Herzi, Biyouna et Hiam Abbass, le rôle d’une jeune Marocaine imposant, avec ses compagnes, une grève de l’amour sans précédent à des hommes qui ne voient pas la nécessité d’apporter l’eau au village. Elle confie être tombée amoureuse des femmes rencontrées sur le tournage. « Elles n’ont pas grand-chose mais le peu qu’elles donnent elles le donnent avec le sourire. Après ça, nos petits problèmes parisiens – mon nouveau jean, le bar où je vais sortir… – semblent dérisoires. » Un film presque tourné « entre copines », car Sabrina a retrouvé là Hafsia Herzi, avec qui elle partageait l’affiche, en 2007, de La Graine et le Mulet, d’Abdellatif Kechiche. « On s’apprécie toutes beaucoup, on se connaît, on se conseille… Leïla, c’est une très bonne amie depuis longtemps, même avant qu’on joue ensemble dans Tout ce qui brille. » Quant à Biyouna, « c’est ma maman de cinéma, c’est un amour ! s’exclame-t-elle dans un élan. Elle devrait d’ailleurs jouer le rôle de ma mère dans le court-métrage que je veux réaliser… » Il parlera de quoi, ce film ? « De tout ce dont on est en train de parler : de mon père, de la nostalgie de l’Algérie, de l’immigration en France, des racines, du rapport à l’autre rive de la Méditerranée… » L’Algérie… Ce pays qu’elle connaît si mal et dont elle est si avide, dont elle parle avec des étoiles dans ses yeux sombres. « J’ai soif de marcher là où ont marché mes ancêtres, j’ai envie d’apprendre l’arabe, d’aller à la rencontre des gens… » Elle a bon espoir de tourner à l’automne. Deux jours seulement en Algérie, si elle obtient toutes les autorisations, le reste à La Courneuve, son fief depuis toujours. « La barre de HLM dans laquelle je vivais a été détruite, maintenant je vis toute seule dans mon appartement. Quand s’est posée la question d’aménager à Paris, je n’ai pas hésité longtemps ! La Courneuve, c’est chez moi, j’y ai toute ma famille, mes amis, je m’y sens bien. » Un mélange de gravité et de légèreté émane de Sabrina, un mélange additionné de cette pointe d’accent de banlieue qui ne la rend pas moins suave. L’an prochain, elle fêtera ses dix ans de carrière. Elle avait 13 ans au moment du tournage de L’Esquive, un film qui a jeté un regard novateur sur ces « jeunes de banlieue », trop souvent montrés comme une « espèce à part » dans les médias. Aujourd’hui, elle n’a pas l’impression d’être estampillée « beurette de banlieue ». « Les choses évoluent, on me propose des rôles variés. Mais si un scénario me plaît, ce n’est pas parce que c’est en banlieue que je refuserai. Je foncerai. » Elle est comme ça, Sabrina. Elle fonce. Elle est en tongs pendant l’interview, puis elle se lève. Elle choisit les baskets qui d’un coup font disparaître ce vernis grenat ornant ses orteils. Sabrina, vive, trotte sur les trottoirs parisiens. « Quand j’étais petite je rêvais d’être prof de sport, ou même danseuse ! J’ai fait de la danse classique, du modern jazz, un peu de hip-hop… » Actrice, c’est arrivé un peu par hasard. Par cet appel à casting pour L’Esquive, auquel l’inscrit sa mère. « À partir du moment où je me suis retrouvée face à la caméra, j’ai su que c’était ça que je voulais faire. » Cannes, une nomination au césar du meilleur espoir féminin… tout s’enchaîne. Elle joue chez Danièle Thompson (Fauteuils d’orchestre), Jérôme Bonnell (J’attends quelqu’un), Cédric Klapisch (Paris)… « J’ai une histoire d’amour avec chacun de mes films. Jouer pour Klapisch puis pour les Miller [Je suis heureux que ma mère soit vivante, coréalisé par Claude et son fils, Nathan, NDLR], c’était fou ! » Aussi fou que l’aventure qu’elle vivra en 2009 à l’occasion de Adieu Gary, de Nassim Amaouche. « C’est là que j’ai rencontré Yasmine, cet acteur exceptionnel… » On a bien remarqué ce discret Y tatoué à l’intérieur de son poignet gauche… On n’ose pas trop aborder le sujet. Pourtant, on sait l’histoire d’amour qui a lié Sabrina et Yasmine Belmadi. On sait l’accident de scooter qui a coûté la vie au talentueux comédien, il y a deux ans. « La rencontre avec Yasmine, on ne peut pas en sortir indemne ! » Elle en parle comme de « l’homme de sa vie », comme une gamine illuminée. « C’était une grande leçon de jouer avec lui. Je n’ai jamais vu un acteur aussi généreux… » L’automne de Sabrina Ouazani va être chargé : outre la promotion de La Source des femmes, et son court-métrage, un film avec Omar Sy, De l’autre côté du périph, et la coproduction du film d’un jeune réalisateur français dont elle est « tombée amoureuse. » Toujours l’amour…

Propos recueillis Par Sarah ELKAÏM
Photos : AMANDA ROUGIER pour AM