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une image, une histoire

Téhéran, 4 novembre 1979
PRISE D’OTAGES

Par Belkacem Bahlouli - Publié en octobre 2015
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Neuf mois après le retour triomphalde l’ayatollah Khomeiny à Téhéran, et sept mois après la proclamation de la République islamique, des centaines d’étudiants prennent d’assaut la représentation diplomatique des États-Unis dans la capitale iranienne. Ils y capturent 52 employés.CE BRAS DE FER DURERA 444 JOURS et coûtera sa réélection au président Jimmy Carter.

IL EST À PEINE 11 HEURES du matin et déjà quelque 400 étudiants se réclamant du groupe des « Partisans de la ligne de l’Imam » se massent devant l’ambassade des États-Unis, à Téhéran, ce 4 novembre 1979. Plus de neuf mois ont passé depuis la fuite du shah Mohammad Reza Pahlavi, le 16 janvier, suivie du retour triomphal de l’ayatollah Khomeiny deux semaines plus tard. Les « étudiants islamiques » exigent l’extradition du shah, soigné aux États-Unis, ainsi que la restitution de sa fortune.

Devant l’ambassade, c’est le chaos. Bien qu’elle soit solidement gardée par les Marines, la pression est telle que les employés décident de détruire les documents sensibles. Voyant de la fumée s’échapper du toit de l’édifice, les étudiants forcent le barrage au mépris de toutes les règles internationales. Si la majeure partie du personnel réussit à prendre la fuite, desdizaines de personnes sont bloquées à l’intérieur. Au final, 52 diplomates et employés sont capturés et deviendront les protagonistes de la plus célèbre prise d’otages de l’histoire.

Le 6 novembre, à Téhéran, le gouvernement Bazargan, soupçonné de vouloir négocier, démissionne. Le Conseil de la révolution prend le relais. Le 14 novembre, le président américain Jimmy Carter refuse l’extradition du monarque et ordonne le gel des avoirs iraniens placés dans les banques américaines ; le département d’État expulsera, lui, 200 diplomates. Parallèlement, un subterfuge orchestré par la CIA et les services secrets canadiens en janvier 1980 – dont la trame sera racontée en 2012 dans le film Argo de Ben Affleck – permet l’évasion spectaculaire d’une demi-douzaine d’otages, durcissant ainsi davantage le conflit. Téhéran, en représailles, ordonne à tous les journalistes américains de quitter le pays. Washington rompt sur le champ toutes relations diplomatiques et impose une série de sanctions économiques. Carter déclare alors que « si ces mesures n’aboutissent pas, ce sera l’intervention militaire ».

Le 25 avril, l’opération commando Eagle Claw, destinée à libérer les 52 captifs, échoue : trois des huit hélicoptères tombent en panne et un quatrième entre en collision avec l’un des avions de l’US Air Force stationnés sur la piste de la base clandestine située en plein désert iranien, tuant huit militaires. Pour souligner l’échec du « Grand Satan », Khomeiny – qui y voit une punition divine – ordonne d’exhiber les otages les yeux bandés. Le 27 juillet, le souverain déchu décède au Caire, où il avait trouvé refuge ; le président Sadate lui offrira des funérailles nationales au grand dam des Iraniens.

Depuis Téhéran, Khomeiny cherche à étendre l’influence du chiisme en Irak – pays qui l’avait accueilli pendant près de quatorze ans au cours de son exil, et qui l’avait expulsé pour ses activités contre le régime baassiste –, et réclame le soulèvement de la population. Le 20 septembre, Saddam Hussein, l’homme fort de Bagdad, lancera une guerre contre l’Iran. Elle durera huit ans.

Pendant ce temps, de longues négociations, facilitées par l’Algérie, aboutissent le 20 novembre à une série d’accords. Trop tard pour Carter : en pleine campagne présidentielle, son manque de résultats est sanctionné et Ronald Reagan remporte l’élection. Le 16 janvier 1981, un accord définitif est adopté à Alger et approuvé le 19 janvier. Les otages sont libérés le 20 janvier 1981 au terme de 444 jours de captivité, une demi-heure après la prestation de serment de Reagan.

L’épisode est encore prégnant en Iran comme aux États-Unis. En témoigne la longueur des négociations sur le nucléaire iranien, bouclées en deux temps, à Genève en 2013 puis à Vienne en juillet dernier. L’accord, signé par cinq pays, sonne comme un traité entre Téhéran et Washington. Sans rétablir toutefois des liens rompus depuis trente-cinq ans, il va permettre à ce pays mis au ban des nations de revenir sur le plan régional comme international.