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Faire face à la menace

Par - Publié en novembre 2020
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ISSOUF SANOGO/AFP
ISSOUF SANOGO/AFP

Pour contrer les opérations meurtrières des djihadistes, l’armée cherche à améliorer son efficacité sur le terrain. Tout en s’intégrant dans des opérations régionales.

Le Niger, dont la superficie équivaut à deux fois celle de la France, est sous la menace de plusieurs groupes djihadistes éparpillés dans l’immensité désertique qui caractérise son territoire. Sa frontière septentrionale, avec la Libye et son État failli, est livrée aux bandes criminelles de la traite humaine et du trafic de stupéfiants. Aux confins méridionaux, qui jouxtent son grand voisin, le Nigeria, les incursions de contrebandiers et de criminels se multiplient. Dernière en date: le rapt, dans la nuit du 26 au 27 octobre 2020, de Philip Walton, ressortissant américain, dans le village frontalier de Massalata. À la limite orientale, côté Tchad, Boko Haram harcèle l’armée, rackette les villageois et rançonne les pêcheurs du lac Tchad. Dans l’Ouest, en bordure du Mali et du Burkina Faso, les assauts du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, affilié à Al-Qaïda), que dirige le Malien Iyad Ag Ghali, et de l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS), d’Adnane Abou Walid el-Sahraoui, sont quasi quotidiens. Ils ciblent autant les populations civiles que les positions de l’armée ou ses patrouilles mobiles. Entre décembre 2019 et août 2020, plus de 150 soldats nigériens ont été tués dans des attaques terroristes. Malgré ce bilan macabre, Issoufou Katambé, ministre de la Défense, est formel: «Il n’y a pas de menace domestique. Les attaques terroristes sont menées par des assaillants venant des pays voisins. Il n’y a pas de sanctuaire djihadiste chez nous», assure-t-il.

La détérioration des conditions sécuritaires coûte cher au Trésor public. Sur un budget de 3,4 milliards de dollars, l’État a mobilisé, en 2019, plus de 630 millions de dollars pour la Défense et la Sécurité. C’est dire le manque à investir. Malgré sa réputation d’armée putschiste (quatre coups d’État entre 1974 et 2010), l’institution militaire a réussi à soigner son image ces dernières années, grâce à son engagement dans les opérations de maintien de la paix sous l’égide des Nations unies ou dans des opérations régionales avec le G5 Sahel et la Force multinationale mixte (FMM). La combativité et le professionnalisme de ses soldats ont redoré son blason. Elle a retrouvé grâce auprès des partenaires. Cependant, deux affaires menacent de ternir à nouveau son image.

Une enquête de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH), en août 2020, accuse l’armée de l’exécution sommaire de dizaines de civils dans le Liptako Gourma, zone de confluence des trois frontières (Burkina, Mali et Niger). Issoufou Katambé défend l’honneur de l’institution et récuse les conclusions de l’enquête, tout en affirmant avoir «transmis le rapport de la CNDH aux juridictions compétentes». La seconde affaire est tout aussi infamante. Un audit commandité par le président Issoufou, en 2019, a dévoilé malversations et surfacturations dans des opérations d’acquisition d’équipements militaires au profit des forces de défense entre 2017 et 2019. Montant détourné: 76 milliards de francs CFA (137 millions de dollars). La justice s’est saisie de l’affaire, et le président assure qu’il n’y aura pas d’impunité. Un minimum pour la mémoire des soldats fauchés par l’hydre terroriste.