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Un carrefour africain

Par - Publié en novembre 2020
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Le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, en plein discours au sommet extraordinaire de Niamey, en juillet 2019. ISSOUF SANOGO/AFP
Le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, en plein discours au sommet extraordinaire de Niamey, en juillet 2019. ISSOUF SANOGO/AFP

Longtemps délaissée, Niamey est devenue, en quelques années, une escale incontournable pour les visiteurs étrangers. Et un espace de dialogue et de réunions internationales. Retour sur une étonnante ascension diplomatique.

L’efficacité de la diplomatie d’un pays se mesure au degré de son impact aux niveaux régional, continental et international. Et sur ces trois paliers, le Niger n’avait que peu d’influence. Il était loin le temps où son président, feu Hamani Diori, était considéré comme père fondateur de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), ou parrain, avec le Tunisien Habib Bourguiba et le Sénégalais Léopold Sédar Senghor, de l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT) – devenue Organisation internationale de la francophonie (OIF) –, née en 1970 à Niamey. Oubliée la période où, feu Idé Oumarou, ancien ministre des Affaires étrangères, ex-secrétaire général de l’OUA entre 1985 et 1989, avait une grande influence dans le continent et au-delà. Comment Niamey a-t-elle cessé d’avoir un rôle clé dans les relations internationales? En cinquante ans d’indépendance, la République a été marquée par le sceau de l’instabilité: quatre coups d’État militaires en un demi-siècle, cela vous ruine une réputation, déstabilise les institutions, désempare les partenaires les plus fidèles et les bailleurs les plus généreux. C’est ainsi que l’on cesse d’être un acteur majeur dans le concert des nations. En arrivant aux affaires, en 2011, le président Issoufou s’engage à restaurer l’image de son pays et rendre à Niamey son statut d’escale incontournable dans le règlement des conflits régionaux, de passage obligé pour les puissants et les influents. Il initie une offensive diplomatique en vue de rétablir la confiance entre le Niger et ses partenaires, mise à mal par l’instabilité politique du pays, la faiblesse de son économie et son éternelle dépendance de l’aide internationale pour boucler ses fins de mois. Pour atteindre cet objectif, il mise sur une plus grande implication du Niger dans les grands agendas régionaux et internationaux. Et opte, avec succès, pour le renforcement des capacités d’accueil de Niamey, celles de son aéroport. En quelques années, plus de 500 accords et conventions sont signés avec des partenaires. Avec un regain d’agressivité de sa diplomatie économique, il obtient une remarquable augmentation des investissements directs étrangers et le renforcement des programmes d’appuis budgétaires. Cette stratégie est payante. En juillet 2019, Niamey accueille pour la première fois depuis l’indépendance du pays, en 1960, un sommet continental. Cette conférence des chefs d’État de l’Union africaine (UA, remplaçante de l’OUA) est un moment historique, puisqu’il donne naissance à la Zone de libre-échange continentale africaine (Zleca), en gestation depuis plus de quinze ans. Dans la foulée, Issoufou Mahamadou convoque plusieurs sommets de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), dont il devient le président en exercice. Sur le plan international, il obtient que le Niger soit élu membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, pendant deux ans, à compter du 1er janvier 2020. À ce titre, le Niger occupe la présidence tournante du Conseil de sécurité, en marge de l’assemblée générale des Nations unies, en septembre. Plusieurs fonctionnaires et diplomates sont désignés dans des organisations internationales, à l’image de Mohamed Moussa, proche collaborateur du président Issoufou, élu en novembre 2016 directeur général de l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA). Ou de Maman Sambo Sidikou, diplomate de haut vol et ancien ministre des Affaires étrangères, avec un brillant CV de fonctionnaire international – ex-directeur de la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (Monusco) et de la Mission de l’Union africaine en Somalie (Amisom) –, désigné en 2018 secrétaire exécutif du G5 Sahel (regroupant le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad pour lutter contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière).

Le pays mise en outre sur une diplomatie «militaire». Ses forces armées participent à de nombreux dispositifs de maintien de la paix dans le cadre onusien, à l’instar des missions pour la stabilisation en Côte d’Ivoire (Onuci), au Mali (Minusma), en Centrafrique (Minusca) ou en RDC (Monusco). Et dans un cadre régional, au G5 Sahel ou à la Force multinationale mixte (FMM), qui regroupe aussi les armées du Cameroun, du Niger, du Nigeria et du Tchad et lutte contre Boko Haram. L’action diplomatique selon le président Issoufou dispose de deux autres bottes: le volet économique et l’engagement écologique. La première a contribué à faire du Niger une destination pour l’investissement privé, qui se chiffre désormais en milliards de dollars. Le second a permis de faire du pays un acteur majeur au cours des dernières conférences internationales sur les changements climatiques (COP). En 2016, à Marrakech, la COP 22 a décidé d’attribuer au Niger le statut de coordinateur de la commission Climat pour la région du Sahel, regroupant 17 pays. La première rencontre des ministres de ses États membres, organisée à Niamey en juillet 2018, a été couplée à la Conférence internationale sur la désertification et l’économie verte. Fruit de ces efforts: l’élaboration du plan d’investissement climat pour la région du Sahel pour la période 2018-2030. Ce processus a permis à Niamey d’accueillir successivement la deuxième rencontre de haut niveau des ministres de la commission, en octobre 2018, et la première conférence des chefs d’État et de gouvernements de la commission, en février 2019.

La multiplication des succès de la diplomatie nigérienne a conforté la confiance des partenaires en la personne du président pour son leadership dans plusieurs dossiers sensibles: dégradation de la situation sécuritaire au Sahel, incertitudes autour de la création de la monnaie unique de la Cedeao, mise en place de la Zleca ou encore pilotage de la commission Climat pour le Sahel. Tout cela a valu au président Issoufou Mahamadou de recevoir de nombreuses distinctions, à l’image de celle décernée par l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI). 


La capitale et ses chancelleries

Pour savoir ce que pèse réellement un pays sur le plan diplomatique, on ne pose pas la question chère à Staline: «Combien de divisions?», mais plutôt «Combien de chancelleries?» Par chancelleries, il faut entendre les représentations étrangères (ambassades, consulats, centres culturels, bureaux d’intérêt, etc.) installées dans la capitale, mais aussi les représentations diplomatiques de ce pays à l’étranger. Les Affaires étrangères n’étaient pas prioritaires dans l’élaboration du budget de l’État. Le président Issoufou a changé la donne et fait de la diplomatie un pilier de la stratégie de développement. Au cours de ses deux mandats, il a bouleversé la carte diplomatique et consulaire avec un élargissement sans précédent des représentations. Le Niger disposait de 28 ambassades à l’étranger, il en dispose aujourd’hui de 40. Le choix des capitales ciblées n’est pas fortuit: de Bamako à Moscou, d’Ankara à Ottawa, de Yaoundé à New Delhi… Niamey accueille désormais de nouvelles ambassades. Le Soudan, l’Italie, le Ghana, la Côte d’Ivoire et la Belgique y ont dressé pavillon. Par ailleurs, la capitale abrite plusieurs nouveaux bureaux de liaisons diplomatiques, notamment celui de la Grande-Bretagne (logé à l’ambassade de France) et celui des Pays-Bas (à l’ambassade de la Belgique).