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Mamadou Touré
« Lutter contre la précarité, investir sur la formation »

Par - Publié en octobre 2018
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Depuis le 10 juillet 2018, le ministre de la Promotion de la Jeunesse et de l’Emploi des jeunes a pour mission de mettre en oeuvre la politique nationale en matière de promotion de la jeunesse en facilitant l’insertion socioprofessionnelle, l’autonomisation et l’auto-emploi. Secrétaire d’État chargé de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle de janvier 2017 à juillet 2018, Mamadou Touré a également été conseiller technique chargé de la Jeunesse et des Sports à la présidence de la République de 2011 à 2016.

AM : Quel est l’état des lieux de l’emploi en Côte d’Ivoire ?
Mamadou Touré : Depuis 2011, et conformément au plan national de développement (PND), le gouvernement ivoirien s’est lancé dans la lutte contre la pauvreté à travers des investissements massifs dans les secteurs sociaux, la transformation structurelle de l’économie et la promotion de la jeunesse et des femmes. Il est observé que le taux de chômage de la population est en constante baisse depuis 2012, passant de 6,1 %, à 5,3 % en 2014, puis à 2,8 % en 2016. De même, le chômage des jeunes (14-35 ans) décline, passant de 12,2 % en 2012, à 9,6 % en 2015, puis à 3,6 % en 2016. Ce taux relativement bas cache une autre réalité, qui reste pour nous un défi : la précarité de beaucoup de postes. En effet, le taux combiné de chômage et d’emplois précaires tourne autour de 26 %, et plus de 90 % des emplois sont encore dans le secteur informel.
 
Dans un tel contexte, comment comptez-vous gagner le pari de l’emploi jeune ?
C’est une problématique transversale. À ce titre, elle nécessite une meilleure coordination des initiatives en faveur de l’emploi et le développement d’une meilleure synergie, ainsi qu’une forte interactivité avec les acteurs de l’insertion professionnelle. Les pays qui ont gagné le pari de l’emploi des jeunes présentent un secteur de la formation professionnelle performant intégré aux mesures actives de promotion de l’emploi. C’est pourquoi nous allons mobiliser les partenaires techniques et financiers et renforcer la corrélation entre l’emploi et la formation, notamment l’interaction avec la ministre de la Formation professionnelle et tous les autres ministères dans la mise en oeuvre des projets et programmes d’insertion. La mobilisation du secteur privé, dont le dynamisme se renforce dans notre pays, est aussi indispensable.
 
Quelles seront alors vos priorités ?
Consolider la dynamique d’amélioration continue de la situation de l’emploi des jeunes. En substance, nous mettrons l’accent sur le renforcement des capacités des jeunes et acteurs de jeunesse, l’amélioration de l’environnement socio-éducatif et des relations avec la jeunesse, et la redynamisation de l’action en faveur de l’emploi des jeunes, conjuguée au développement d’une politique de vulgarisation de son offre de services dans les territoires.
 
Dans l’immédiat, c’est-à-dire avant la fi n 2018, quels sont vos grands projets ou actions à mener ?
À très court terme, l’important est l’organisation des états généraux de la jeunesse fin octobre prochain, qui rassemblera l’ensemble des acteurs de l’insertion professionnelle, des partenaires techniques et financiers et des jeunes et associations de jeunesse. Il s’agira principalement de faire l’évaluation des politiques d’emplois en faveur des jeunes et de prendre les mesures nécessaires pour obtenir plus de résultats. Nous envisageons également de lancer un audit organisationnel et la réforme de l’Agence emploi jeunes (AEJ).
 
Comment comptez-vous rendre le secteur de l’agriculture et le secteur informel plus attractifs ?
La description de la population active montre que l’agriculture demeure le secteur d’activité le plus pourvoyeur d’emplois avec 49,3 % des postes et enregistre une hausse de près de 6 points par rapport à 2014 (43,5 %). L’emploi est presque exclusivement informel (93,6 %) selon l’enquête nationale sur la situation de l’emploi et le secteur informel de 2016. Il apparaît donc clairement que l’agriculture est un grand secteur d’avenir et est de ce fait un levier stratégique pour réduire rapidement la pauvreté et le chômage des jeunes. Nous comptons développer les initiatives en cours par l’amélioration du cadre légal et réglementaire afin de sortir le maximum de ces futurs emplois du secteur informel. Il s’agira également de promouvoir les initiatives entrepreneuriales des jeunes dans le cadre des actions sociales du gouvernement, en liaison avec les ministères concernés.
 
Et d’une manière plus générale, en matière d’appui et d’accompagnement ?
Une attention particulière sera accordée à l’opérationnalisation du fonds d’appui aux initiatives des jeunes (FAIJ), et au lancement de la deuxième édition de l’opération spéciale « Agir pour les jeunes », avec un objectif de 20 000 jeunes au lieu de 8 000 lors de la première phase. Nous travaillons également sur la définition d’un statut d’autoentrepreneur, avec d’importantes mesures d’incitation à l’attention des jeunes. Il s’agira entre autres d’exonération ou d’allégement de charges fiscales, d’assistance technique, et d’appui à la recherche de marchés et de financements.