
Femi Kuti
Afrobeat blues
Dans Journey Through Life, le «fils célèbre» de Fela Kuti évoque avec engagement son saxophone, les douleurs de la vie et les failles de son pays.

«Le saxophone fait partie de ma vie», nous confesse-t-il simplement. Ce dont témoigne ce superbe nouvel album, Journey Through Life, que Femi Kuti a enregistré au Nigeria dans les studios Legacy Plus, érigés pendant la pandémie, en 2020. «Nous pensions ne plus pouvoir nous produire sur scène ni faire de tournée, mais nous devions continuer de faire de la musique», se souvient l’artiste aujourd’hui âgé de 62 ans: «Posséder son propre studio permet de ne pas se précipiter pour des raisons financières et d’être plus flexible en termes d’horaires.» De quoi favoriser l’inspiration d’un afrobeat toujours aussi hybride.
Pourtant, le contexte de Journey Through Life n’était pas des plus sereins: «Ma fille devait subir une opération. Alors j’ai décidé d’enregistrer pour me changer les idées, car je me perdais dans l’inquiétude et l’angoisse…Il a fallu faire pression sur mon esprit et mon raisonnement. Le tout en m’inspirant des nombreuses émotions qui me submergeaient à ce moment-là pour les transformer en musique: la tristesse, le courage de ma fille… J’ai pensé qu’il était également important de chanter sur des sujets qui me sont plus personnels et qui ont toujours été importants au cours de mon cheminement de vie.» D’où le titre de cet album, au sein duquel brille «After 24 Years», qui dénonce sans ménagement les failles de son pays durant ces deux dernières décennies. Le musicien explique qu’il s’agit d’une réponse au «Sorry Sorry», présent sur l’album Shoki Shoki (1998), où il affirmait que la classe politique et les soldats ne faisaient qu’un. «Et “Sorry Sorry” avait raison, car la situation est pire encore aujourd’hui qu’à l’époque où les soldats étaient au pouvoir.»
Femi Kuti se souvient d’avoir «imaginé un son» pour sa mère lorsqu’il avait 5 ans. Il le jouait sur la batterie de son père, qu’il regardait inlassablement composer avant de donner forme à ses morceaux en studio. Depuis, le fils du Black President se dévoue totalement à la musique en respectant le militantisme familial. En témoignent ici les morceaux «Politics Don Expose Them» ou «Corruption Na Stealing»: «Je ne peux parler que pour moi. Je chante ce qui me touche le plus…Je crois que les compositeurs ne sont qu’une partie d’un moyen utilisé par les forces supérieures pour répandre la paix et l’amour.»
Aujourd’hui encore, il estime s’instruire chaque jour davantage grâce à son métier: «J’ai appris à toujours faire preuve d’humilité face à la vie et au succès. La famille est très importante et il ne faut jamais cesser de vouloir en apprendre plus.» Son mantra? «Trouver la paix et l’harmonie, essayer de rester positif et concentré, même lorsque tout semble impossible.»