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BASSO CANNARSA/OPALE.PHOTO
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Entretien

Amira Ghenim
«L’histoire est écrite par ceux qui osent en raconter des fragments»

Par Astrid Krivian - Publié en octobre 2024
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L’intellectuelle tunisienne réhabilite la figure méconnue de Tahar Haddad pour mieux raconter la Tunisie, celle d’hier comme d’aujourd’hui. Et surtout pour paver la voie de celle de demain.

Pour son deuxième roman, Le Désastre de la maison des notables (Philippe Rey, 2024), l’écrivaine tunisienne place Tahar Haddad, personnalité historique, au cœur de son intrigue. Dans le Tunis des années 1930, dans un pays en pleine effervescence politique, sociale et culturelle, deux familles bourgeoises, les Naifer, conservateurs, et les Rassaa, progressistes, s’affrontent. Une nuit, Zbeida Rassaa, mariée à Mohsen Naifer, est soupçonnée d’avoir une liaison avec Tahar Haddad. Chacun leur tour, à différentes époques, les membres des familles et leurs domestiques vont raconter leur propre version de l’histoire, narrant les événements et leurs conséquences désastreuses selon leur point de vue, plongeant à la fois dans leur passé comme dans celui du pays. Ceroman choral captivant embrasse plus de cinquante ans d’histoire tunisienne et de combats pour les droits des femmes. Dans cette saga familiale, secrets, mensonges et vérités s’entre mêlent, laissant au lecteur la liberté de rassembler les pièces du puzzle. Agrégée d’arabe, Amira Ghenim enseigne la lin guistique à l’université de Sousse, où elle est née en 1978.Elle est aussi journaliste et chroniqueuse radio, autrice d’essais universitaires et d’un premier roman Le Dossier jaune (2021). Aujourd’hui traduit en français, Le Désastre de la maison des notables a été finaliste de l’Arabic Booker Prize, et a reçu le prix Comar d’or en Tunisie en 2021.

AM: Avec ce roman, vous payez votre dette au militant et auteur progressiste Tahar Haddad, dites-vous.

Le Désastre de la maison  des notables, éditions  Philippe Rey, 496 pages, 25 €. DR
Le Désastre de la maison des notables, éditions Philippe Rey, 496 pages, 25 €. DR

Amira Ghenim: Avant-gardiste, féministe, ce grand homme a été le premier à défendre les droits des femmes tunisiennes. Publié en 1930, mal compris, son essai révolutionnaire Notre femme dans la législation islamique et la société a fait couler beaucoup d’encre. Tahar Haddad y défendait notamment l’égalité dans l’héritage, l’abrogation de la polygamie, la suppression de la répudiation au profit de la légalisation du divorce via la Cour magistrale. Pour ces raisons, il a été ostracisé, persécuté, les cheikhs de la mosquée Zitouna ont tenté d’empêcher la publication de l’ouvrage. Ils ont même démis Tahar Haddad de ses fonctions de notaire. En tant que femme tunisienne, je lui suis très redevable. De même, Habib Bourguiba, premier président tunisien, s’est inspiré de ses idées émancipatrices en établissant le Code du statut personnel, promulgué en 1956, alors qu’il était Premier ministre du bey, avant même la proclamation de la République tunisienne.

Pourquoi l’évoquer aujourd’hui?

Les grands débats des années 1930 ont été rouverts après la révolution tunisienne– du moins l’événement que l’on nomme comme tel. Toute la législation concernant les droits des femmes,quel’on croyaitacquise, a été remise en question avec la montée des islamistes en 2013, 2014. Heureusement, ces mouvements n’ont pas abouti. Les femmes tunisienne sont été un vrai rempart contre ces idées rétrogrades, elles ont su préserver leurs droits. En 2015, la statue érigée à la mémoire de Tahar Haddad dans sa ville, à Gabès, a été vandalisée, sa tombe a été profanée. À l’époque, je sentais le danger venir par cette volonté de salir ce personnage et d’abolir ses idées avant-gardistes. Pour les islamistes, lui et Bourguiba sont les causes de la dégradation de la société islamique en Tunisie. J’ai ainsi pensé à réhabiliter Tahar Haddad, car les jeunes ne le connaissent pas. Ils ne savent pas qui est cet homme donnant son nom à des amphithéâtres de la faculté, à des rues de Tunis. D’un point de vue narratif, mais aussi social et historique, j’ai trouvé pertinent de faire entrer ce personnage dans le monde romanesque.

En quoi les années 1930 ont-elles été cruciales politiquement et culturellement en Tunisie?

Riche en débats sur les questions épineuses concernant la religion, la société, cette période historique très fructueuse a permis la naissance des premières tentatives et réflexions pour obtenir l’indépendance. Beaucoup de sujets abordés à cette époque demeurent d’actualité en Tunisie, et ailleurs dans le monde arabe, notamment concernant les droits et la place des femmes. Dans mon roman, deux familles se disputent au sujet de l’éducation des femmes. Pour les Naifer, il n’est pas nécessaire d’éduquer les filles, leur vraie place se situe à la maison. Selon les Rassaa, leur éducation est très importante, à l’école, mais aussi en ayan t recours à un précepteur à domicile. Cette question centrale de l’émancipation féminine persiste: avec la crise économique en Tunisie, de plus en plus de filles sont déscolarisées, encore davantage dans les régions rurales.

Vous déclarez que la promotion féminine constitue «le titre de gloire de la société tunisienne dans le monde arabe», mais qu’il y a encore du chemin à faire.

Exactement. Par exemple, la femme rurale ne bénéficie pas des mêmes avantages que la femme citadine. Même si elles ont le droit d’hériter, beaucoup de femmes rurales se voient confisquer leur héritage ou ont des salaires inférieurs à ceux des hommes. En ville, la femme émancipée travaille, est indépendante financièrement, mais continue à effectuer tous les travaux au sein du foyer. Peu de familles pratiquent un partage équitable des tâches domestiques. La charge pèse sur les femmes, qui ont plusieurs fonctions en même temps–dans le monde du travail, la tenue de la maison, l’éducation des enfants, les repas, les soins, etc. Les hommes, quant à eux, se contentent bien souvent d’exercer leur travail à l’extérieur. Par ailleurs, les ennemis des femmes ne sont pas seulement les islamistes conservateurs. Certains hommes en costume-cravate tiennent des conférences pour promouvoir l’émancipation féminine, mais adoptent un comportement machiste dès qu’ils sont de retour au foyer. Cela concerne toutes les classes sociales. En Tunisie, pays qui se veut progressiste, le sexisme persiste.

Comment avez-vous eu l’idée de cette saga sur deux familles aux destins liés avec, au cœur de l’intrigue, la figure de Tahar Haddad?

Le président défunt Béji Caïd Essebsi avait, en 2017, pro posé au Parlement une loi pour l’égalité dans l’héritage entre l’homme et la femme. J’étais invitée à écrire un article de presse au sujet de cette proposition, qui émanait de Tahar Haddad. J’ai donc lu son œuvre complète et découvert ses poèmes–ils ne sont pas très bons, mais certains vers ont retenu mon attention. L’un évoquait l’amertume liée à l’absence d’un être cher– un homme ou une femme, on ne sait pas, car la langue arabe peut cacher le genre. J’ai eu l’impression qu’il s’adressait à une femme. Delà m’est venue l’idée d’une idylle improbable entre Tahar Haddad et une fille de notables de Tunis, Zbeida Rassaa. Ces familles représentent les deux forces qui se disputaient le pouvoir dans les années 1930, deux visions du monde qui s’affrontent encore aujourd’hui: les progressistes d’un côté, les Rassaa, les conservateurs de l’autre, les Naifer.

Des conflits minent aussi les relations entre proches. La famille est-elle le lieu des rancunes, des haines, des jalousies? Et donc un potentiel dramatique intéressant pour une romancière?

La famille est une microsociété. Toutes les tensions sociales se retrouvent dans la famille. Au sein d’une fra trie, elles peuvent être liées à la jalousie, à l’impartialité des parents, aggravées dans Le Désastre de la maison des notables par les événements de cette nuit tragique. À mes yeux, tout roman repose essentiellement sur des conflits, et le mien est construit sur des strates– entre générations, époques, classes sociales, membres d’une même famille…

Comment avez-vous imaginé cette construction narrative en gigogne, où chaque personnage livre sa propre version de l’histoire?

J’ai trouvé cette technique productive, car elle tient le lecteur en haleine, le captive à travers des mini-récits. C’est aussi une manière de dire que la vérité n’est pas absolue, qu’elle dépend du point de vue de chacun; elle reste évasive, très subjective. C’est au lecteur de faire son propre cheminement. Selon chaque personnage, chaque narrateur, la vérité peut changer. Qui la détient? Elle n’appartient à personne, elle est une construction mentale et personnelle. La seule qui aurait pu faire démentir tous les récits, c’est le personnage de Lalla Zbeida, que j’ai choisi de faire taire.

Est-ce aussi un livre sur le pouvoir du narrateur?

Oui, c’est une très belle lecture. L’histoire de tous les peuples repose sur cette question: qui est le narrateur? Qui raconte l’histoire? On dit souvent que l’histoire est écrite par les vainqueurs, et c’est vrai. Mais elle est aussi écrite par ceux qui osent en raconter des fragments. Dans ce roman, certains ont osé: disent-ils la vérité ou des mensonges? La réponse est laissée à la bienveillance et à la perception du lecteur.

Ces deux familles font preuve de snobisme, d’arrogance, de mépris de classe…

Les familles de notables de Tunis se croient supérieures au reste du peuple. Cette arrogance, soulignée dans le roman, est le point commun entre les progressistes et les conservateurs. Cette mentalité ne se limite pasauxannées1930,elle persiste au fil des décennies, jusqu’à aujourd’hui. Le snobisme s’exerce aussi envers ceux issus de l’intérieur et du sud du pays. Tahar Haddad était originaire du sud, mon personnage Ali Rassaa refuse de lui accorder la main de sa fille pour cette raison.

De même qu’elles manifestent un racisme envers leurs domestiques noires.

Bien sûr, même la famille progressiste n’est pas complète ment débarrassée de ces idées rétrogrades. La Tunisie a été le premier pays du monde arabo-musulman à abolir l’esclavage par un document officiel, en 1846. Mais les mentalités n’ont pas toujours suivi, les servantes noires ont été considérées pendant longtemps comme des esclaves, souvent maltraitées.

La violence que subit Zbeida, accusée d’adultère, est-elle plus virulente parce qu’elle est une femme?

Dans les sociétés conservatrices, l’adultère commis par une femme est vu comme un acte terrible, qui touche à la respectabilité de la famille. La violence se déchaîne alors sur la femme, car elle a osé défier les carcans imposés. Mais quand c’est l’homme qui est infidèle, la doxa détourne les yeux.

Le livre souligne aussi les différentes revendications pour l’indépendance qui s’affrontaient alors…

C’est un conflit au début des années 1950,justeavantl’in dépendance, entre Bourguiba et Salah Ben Youssef– pour ce dernier, l’indépendance interne ne voulait rien dire, il voulait l’indépendance complète. Bourguiba savait qu’il fallait prendre un peu, pour ensuite avoir plus gros. Il a accepté l’in dépendance interne, une parcelle du pouvoir tunisien, puis a milité pour l’indépendance totale. La crise de Bizerte en 1961 pour faire sortir les derniers soldats français du territoire tunisien a acté de manière ultime l’indépendance totale du pays.

À l’image de votre personnage Hend, qui enquête sur son histoire familiale, un pays doit-il chercher dans son passé pour se construire?

En effet, pour comprendre ce que nous vivons aujourd’hui, il est fondamental de savoir ce que nous avons vécu dans le passé, de bien connaître notre histoire. Pour moi, ce roman, c’est comme se regarder dans un miroir pour voir les belles choses comme les blessures, les cicatrices du peuple tunisien. Il est important de considérer aussi cet aspect moins reluisant pour prendre des décisions de manière éclairée concernant l’avenir du pays.

De quelle manière faut-il faire évoluer les mentalités, et pas seulement les lois, concernant les droits des femmes?

La Tunisie a une législation très forte en faveur des femmes, mais ce n’est malheureusement pas suffisant. Par exemple, bien que des lois punissent très sévèrement les violences conjugales, et toute atteinte physique faite aux femmes, très peu de magistrats les appliquent à la lettre. Une fois devant le juge, des circonstances atténuantes sont souvent invoquées pour minimiser la punition contre l’auteur des violences. Le problème se situe donc au niveau des mentalités. Un travail de fond doit être mené à ce sujet.

Tahar Haddad proposait une lecture moderne du Coran, assurant que le texte sacré ne contenait pas de prescription contre l’émancipation de la femme…

C’était le fond de sa pensée: toutes les lois coraniques doivent être revues en tenant compte du progrès historique, du changement, afin que le texte soit adapté à tout temps et à tout lieu. Car ces lois avaient été édictées à la période où le Coran a été conçu, dans un contexte datant de plusieurs siècles. Tahar Haddad est le fruit de la mosquée Zitouna, il a reçu une éducation islamique; il a essayé de changer les choses non pas de l’extérieur, mais en se référant au texte sacré, avec une lecture progressiste, en prenant en compte cette aspiration à la liberté et à l’égalité au cœur du Livre. Pour lui, l’émancipation féminine n’était pas seulement au profit des femmes, mais aussi de l’islam et du Coran, afin qu’ils soient véritablement adaptés au progrès, à la modernité.

Partisan pour l’indépendance, il était également engagé pour la défense des travailleurs tunisiens…

Tahar Haddad a toujours milité en faveur des plus fragiles, des plus démunis au sein de la société. Le syndicat était français, il a bataillé pour créer un syndicat tunisien afin de défendre les droits des travailleurs tunisiens. Car sous le protectorat, les travailleurs français étaient beaucoup plus privilégiés que les Tunisiens, qui étaient mal payés, ne jouissaient pas des mêmes droits. Cette entreprise n’a, hélas, pas vu le jour.

Comment avez-vous trouvé la justesse pour chaque voix, chaque personnage?

J’ai effectué une recherche sur la langue, en changeant de style, de registre selon les protagonistes. Par exemple, la domestique n’utilise pas le même langage qu’un juge. La traductrice Souad Labbize a aussi travaillé en ce sens. Et j’es saie à chaque fois de transmettre une vision du monde qui appartient au personnage, selon sa personnalité, son vécu, sa condition, son histoire. Concernant la narration de cette nuit désastreuse, chaque narrateur reprend le récit au point où le précédent personnage s’est arrêté. On ne raconte pas deux fois la même chose. Cette technique évite la redondance et laisse le lecteur captivé par les événements.

Le roman évoque aussi les émeutes du pain en 1984et la répression menée alors par le régime de Bourguiba…

Le 25 juillet 1957, Jalila Hafsia, journaliste et autrice militante, salue le président Bourguiba au palais du Bardo, lors de la proclamation de la République. DR
Le 25 juillet 1957, Jalila Hafsia, journaliste et autrice militante, salue le président Bourguiba au palais du Bardo, lors de la proclamation de la République. DR

Ces événements sont très importants dans l’histoire tunisienne. Bourguiba a toujours été autoritaire, mais c’était nécessaire pour la construction du pays après l’abolition du protectorat, à l’indépendance. Dans les années 1980, alors qu’il était affaibli par l’âge, la maladie, ses décisions n’étaient pas toujours bien pensées. Son ministre a proposé d’augmenter le prix du pain, ce qui a provoqué des manifestations. Bourguiba s’est alors adressé au peuple: «On revient au prix initial.» C’est d’ailleurs devenu une expression en Tunisie: «Revenons tel que nous étions avant les augmentations.» Malgré cette dérive autoritaire, il a toujours été apprécié par son peuple.

Professeure à l’université, qu’observez-vous auprès de vos étudiantes, cette nouvelle génération de femmes?

Je ne parviens pas à me prononcer sur cette question: la jeune génération est-elle plus émancipée que la mienne? Je crois qu’il y a un fossé entre deux groupes aujourd’hui. Certaines jeunes femmes sont assurément plus émancipées que celles de ma génération, d’autres beaucoup moins. Parfois, dans ma classe, je suis la seule à ne pas porter de foulard sur la tête. Je ne dis pas que porter le foulard est anti-progressiste, et je respecte parfaitement les libertés individuelles en matière d’accoutrement. Mais je trouve que l’augmentation significative du nombre de femmes voilées en Tunisie peut révéler des changements importants au niveau des mœurs en vigueur. Nous traversons une période très importante de l’histoire sociale de notre pays. J’espère qu’elle aboutira à une vision progressiste.

Comment Le Désastre de la maison des notables a-t-il été reçu en Tunisie?

Très bien. J’ai été agréablement surprise. C’est la première fois qu’un livre écrit en langue arabe classique atteint un tel nombre d’exemplaires vendus en Tunisie. On est un petit pays de 11 millions d’habitants, et pour combien de lecteurs? Or, cette idée répandue que les Tunisiens ne lisent pas s’est avérée fausse. Il suffit d’écrire un livre qui les touche pour que sa réception soit bonne.

Quelles lectures ont forgé votre goût littéraire? 

J’ai vécu une enfance sans tablette ni smartphone, avec une seule chaîne nationale à la télévision. Donc j’ai beau coup lu! Des classiques français– je suis une grande fan de Flaubert, Balzac, Zola, Hugo… Et arabes– Naguib Mahfouz, Taha Hussein, Hanna Mineh, Tawfiq al-Hakim, Al-Jahiz, Attawhidi… Un jour, pendant mes études, lassée d’écrire ma thèse de doctorat, j’ai refermé le fichier pour ouvrir celui de mon premier roman, Le Dossier jaune. C’était une écriture acharnée, passionnelle. L’aventure a commencé ainsi.

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Tahar Haddad, pionnier en son pays

​​​​​​​C’est un personnage historique incontournable dans l’évolution delasociététunisienne.Néen1899 dans la région de Gabès, d’origine modeste, Tahar Haddad est un intellectuel et militant politique aux idées progressistes et féministes, qui a combattu en faveur des plus démunis et des opprimés. Défenseur de la souveraineté tunisienne, engagé pour l’indépendance et la libération nationale contre le protectorat français, il suit des études supérieures en droit à l’université prestigieuse de la mosquée Zitouna, à Tunis.

La Naissance du mouvement syndical tunisien, 2013, édition L’Harmattan, 224 pages, 24€. DR
La Naissance du mouvement syndical tunisien, 2013, édition L’Harmattan, 224 pages, 24€. DR

Œuvrant pour les droits syndicaux des travailleurs tunisiens–son ouvrage Les Travailleurs tunisiens et l’émergence du mouvement syndical (1927) fut censuré par les autorités–, il défend aussi l’émancipation féminine, s’appuyant sur une interprétation moderne et égalitaire du Coran. Dans Notre femme dans la législation islamique et la société (1930), il prône l’accès à l’éducation, à la vie active et publique, propose la réglementation du divorce, l’égalité dans l’héritage, condamne la polygamie, le mariage forcé, la répudiation. Ostracisé pour ses thèses révolutionnaires, Tahar Haddad meurt en 1935 dans le dénuement. Mais ses idées avant-gardistes inspireront le premier président de la République tunisienne Habib Bourguiba dans la constitution du Code du statut personnel, promulgué en 1956, garantissant des droits fondamentaux aux femmes.