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PUNGHI/SHUTTERSTOCK
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Soudan

Au Soudan du Sud,
sous l’ombre de la guerre

Par Cédric Gouverneur
Publié le 16 mai 2025 à 13h16
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Le 54e état africain, indépendant depuis 2011, vit au rythme des conflits ethniques attisés par les enjeux pétroliers.

Son indépendance en juillet 2011, obtenue au terme d’une interminable guerre de libération (de 1955 à 1972, puis de 1983 à 2005), avait suscité un espoir mêlé d’appréhension sur le continent. Mais malgré une période de transition de six années (2005-2011), le Soudan du Sud – 11,5 millions d’habitants pour 644000 kilomètres carrés (une superficie supérieure à celle du Kenya) – a plongé dans le chaos. Une nouvelle guerre civile a vite éclaté, alimentée par des rivalités personnelles entre deux chefs de guerre, le président Salva Kiir et son vice-président, Riek Machar, mais aussi par des tensions entre leurs ethnies, les Dinka et les Nuer, ainsi que par la question de l’accès aux ressources pétrolières. En 2013, le président Kiir (ex-commandant en chef de l’Armée populaire de libération du Soudan, qui avait succédé au colonel John Garang après son décès en 2005) limoge son vice-président Machar après que ce dernier a voulu se présenter à l’élection présidentielle. Des combats entre les deux factions éclatent en décembre 2013. Le conflit, sur fond de rivalités pour les terres et les troupeaux entre Nuer, Dinka et Murle, fera des centaines de milliers de morts et provoquera le déplacement de 4 millions de personnes, dont un million en Ouganda. En 2016, des experts des Nations unies alerteront même contre «un risque de génocide». Un accord de paix et de partage du pouvoir est toutefois signé en 2018, mais des combats sporadiques ont perduré jusqu’en 2020… Désormais, le pays se classe comme le dernier au monde en termes d’indice de développement humain (IDH), une dégringolade continue depuis sa jeune indépendance. En mars dernier, des affrontements se sont déroulés à Nasir (ville du nord-est du pays) entre l’armée sud-soudanaise et la «White Army», une milice nuer proche de Riek Machar. Le 26 mars, le président a placé son vice-président en résidence surveillée. Ni l’envoyé spécial de l’IGAD, l’ancien premier ministre kenyan Raila Odinga, ni la mission de médiation des Nations unies n’ont pu lui rendre visite. Salva Kiir cherche à isoler son adversaire, l’excluant de son propre parti: le ministre de la Consolidation et de la Paix, Stephen Par Kuol, vient d’être nommé «président par intérim» du Mouvement pour la libération du peuple du Soudan dans l’opposition (SPLM-IO), en lieu et place de Machar. Le 3 avril, le président Salva Kiir a reçu en grande pompe son homologue et allié ougandais, Yoweri Museveni, dans une visite destinée à mettre en garde les partisans de Riek Machar: des milliers de soldats ougandais ont escorté les deux chefs d’État, se déployant aux abords de l’aéroport et de la capitale. Une démonstration de force qui n’aura pas suffi: fin avril, des combats étaient signalés au sud de la capitale, non loin de la frontière ougandaise. Et début mai, en représailles à des attaques attribuées aux partisans de Machar, l’aviation sud-soudanaise a bombardé Old Fangak (dans la région du Nil supérieur) touchant même un hôpital de Médecins sans frontières (MSF).