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C'est Comment ?

Bas les masques !

Par Emmanuelle Pontié - Publié en avril 2022
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Le 26 mars dernier, un événement – car c’en est un – est un peu passé inaperçu.

Un masque en bois du peuple Fang, spécimen rarissime de la société secrète des justiciers du Ngil, s’est envolé à 5,25 millions d’euros lors d’une vente aux enchères à Montpellier, dans le sud de la France. Un record qui talonne de peu celui de 2006 pour un autre masque de la même ethnie, qui avait été adjugé à 5,9 millions d’euros, à Paris. 

À Montpellier, dans la salle, un membre de la communauté gabonaise locale s’est exclamé : ​​​​​​​

« Le voleur doit être pris avec l’objet volé. Ne vous inquiétez pas, on va porter plainte. On va récupérer cet objet, c’est un bien mal acquis colonial. » Dans ce cas précis, et selon le commissaire-priseur, ce masque a été collecté vers 1917 par un gouverneur français en poste à Dakar, et a dormi dans un grenier durant plus de cent ans. Alors oui, c’est probablement un vol. Mais la vente s’est faite en toute légalité. À l’heure où certains pays d’Afrique de l’Ouest, comme le Bénin ou le Nigeria, demandent (et ont commencé à obtenir) la restitution de leurs oeuvres d’art pillées, la réaction de l’agitateur gabonais est bien entendu légitime.

Pour autant, ce fait divers ouvre un débat assez compliqué. Sur le plan du droit, d’abord. Comment prouver que ces pièces aient été offertes ou pillées ? La plupart du temps, plus aucun témoin n’est là pour en attester. Comment changer le droit à la propriété ?

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Par ailleurs, dans le cas de l’Afrique centrale, il semble qu’aucune nation n’ait à ce jour montré une velléité très prononcée pour récupérer son patrimoine. Elle n’a pas construit de musée d’envergure, sécurisé, capable d’accueillir des pièces aussi exceptionnelles. Alors, certes, la plupart de ces oeuvres ont été volées et devraient être restituées à leur propriétaire ou à leur pays. Et le mouvement ayant été lancé, on peut supposer qu’il va se poursuivre. On le souhaite en tout cas.

Mais ce que l’on souhaite aussi, c’est que l’Afrique en général montre un peu plus de passion pour son art ancien. Que les milliardaires du continent s’y intéressent davantage, par exemple. À ce jour, les vrais collectionneurs africains se comptent sur les doigts d’une main, et souvent, ils sont plutôt séduits par l’art contemporain. Quant aux peuples, l’art ancien n’est pas non plus une priorité pour eux. Loin de là. C’est dommage, car il faudrait peut-être commencer par là. Afin de faire pression et de favoriser des retours, privés ou publics, plus massifs. Un peu plus passionnés, quoi !