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Boké, la ruée vers l’or rouge

Par - Publié en mai 2018
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En trois ans d’activité, la SMB a triplé la production de bauxite, un des piliers du développement. 
 
Détentrice des plus grandes réserves de bauxite, minerai de base pour la production d’aluminium, la Guinée n’a jamais pu exporter plus de 15 millions de tonnes par an, en un demi-siècle d’exploitation. En 2016, cette performance a été doublée, et triplée une année plus tard avec près de 48 millions de tonnes. Ce véritable miracle ne tient pas à la découverte d’un gisement géant mais à l’apparition d’un nouvel opérateur dans le secteur. 
La Société Minière de Boké (SMB), propriété d’un consortium dont la composante explique en partie la réussite du modèle économique qui, en trois ans d’activité, a vu ses capacités de production passer de 12 millions de tonnes, en 2016, à plus de 40 millions, prévues d’ici à la fin de l’année en cours. Voici son histoire. Ils sont quatre, comme les « Trois Mousquetaires ». Leur rencontre est née d’un alignement des astres qui a favorisé la création de cet alliage peu probable. Tout a commencé en 2012, quand l’Indonésie, principal exportateur de bauxite vers la Chine (premier consommateur mondial) décide de transformer sur place son minerai, privant ainsi l’empire du minerai d’un volume important de matière première. Deux ans plus tard, la Malaisie décide à son tour d’interdire l’exportation de bauxite principalement pour des raisons environnementales (ses plus grands gisements se situant en zones urbaines fortement peuplées) mais aussi pour la faiblesse de ses réserves. Deux acteurs du secteur se retrouvent dans un grand désarroi : Shandong Weiqiao, numéro un de la transformation d’aluminium (45 milliards de dollars de chiffres d’affaires), et Winning Shipping, groupe singapourien, leader du transport maritime en Asie (50 millions de tonnes de bauxite acheminées annuellement vers la Chine). 
 
Écoles et centres de santé
Avec ses 40 milliards de tonnes en réserve, la Guinée est la seule alternative. Des représentants de Winning se rendent à Conakry pour y étudier les opportunités. Ils prennent langue avec les dirigeants du groupe United Mining Supply (UMS, spécialiste de la logistique intégrée) et proposent un modèle d’exploitation totalement inédit en Guinée associant deux nouveaux moyens d’évacuer le minerai : le transport terrestre par camion et le transport fluvial. Aux deux transporteurs, le maritime Winning et le terrestre UMS, se greffent naturellement un autre partenaire, le consommateur et donc acheteur, Shandong Weiqiao (l’État guinéen rejoindra les actionnaires fondateurs en 2015 au démarrage de l’exploitation). Les trois associés donnent naissance, en 2014, à un consortium qui, luimême crée dans la foulée, la Société Minière de Boké. Doté d’un plan d’investissement de plus de 1 milliard de dollars, il prévoit la réalisation de deux ports fluviaux sur les rives du Rio Nunez, à Katougouma et à Dapilon, ainsi que la construction d’une voie de chemin de fer d’une longueur de 20 kilomètres pour relier deux sites de production au port fluvial de Dapilon. Mais avant même que le train ne siffle trois fois, une multitude de camions (1 300) sillonnent les 140 kilomètres de routes minières (larges de 50 mètres), une dizaine de ponts et d’ouvrages d’art et une vingtaine de kilomètres de routes pavées (coût du pavage du kilomètre : un million de dollars, soit autant que le prix de revient d’un kilomètre d’autoroute) maillant la zone de production pour ramener la bauxite vers les ports fluviaux. Nul besoin de la construction d’un port en eaux profondes capable d’accueillir des navires de 300 000 tonnes, le minerai est évacué par une quarantaine de barges qui, grâce à six grues flottantes, chargent, au large, les navires au rythme quotidien de 75 000 tonnes de minerai. 
La totalité de la production est destinée au seul marché chinois, et avant même que le navire n’arrive à destination, la Banque centrale de la République de Guinée (BCRG) reçoit le règlement de la taxe d’extraction et la taxe d’exportation, environ 600 000 dollars par cargaison. « Nous payons à chaque navire nos taxes sans attendre, assure Frédéric Bouzigues, directeur général de la SMB (voir ci-contre), conformément à la nouvelle législation minière. Chaque navire chargé est payé dans les trois jours qui suivent. » En termes fiscaux, la SMB a contribué, en 2017, à hauteur de plus de 85 millions de dollars de taxes d’extraction et d’exportation (TEE). De janvier 2018, à la mi-avril, plus de 31 millions de dollars ont été versés à la BCRG, ce qui présage une contribution fiscale proche de 100 millions de dollars pour l’exercice en cours. Cependant, l’apport de la SMB à l’économie guinéenne ne se limite pas aux recettes fiscales. En 2017, près de 400 millions de dollars ont été injectés dans la sphère économique, sous forme de salaires, charges sociales (10 000 emplois directs dans le seul bassin de Boké), paiements des sous-traitants locaux, achats locaux, investissements directs au profit des communautés locales (forages de puits, réalisations d’écoles et de centres de santé, etc.), taxes au cordon douanier, taxes sur le carburant, TEE… La totalité de la production est destinée au seul marché chinois, et avant même que le navire n’arrive à destination, la Banque centrale de la République de Guinée (BCRG) reçoit le règlement de la taxe d’extraction et la taxe d’exportation, environ 600 000 dollars par cargaison. « Nous payons à chaque navire nos taxes sans attendre, assure Frédéric Bouzigues, directeur général de la SMB (voir ci-contre), conformément à la nouvelle législation minière. Chaque navire chargé est payé dans les trois jours qui suivent. » En termes fiscaux, la SMB a contribué, en 2017, à hauteur de plus de 85 millions de dollars de taxes d’extraction et d’exportation (TEE). De janvier 2018, à la mi-avril, plus de 31 millions de dollars ont été versés à la BCRG, ce qui présage une contribution fiscale proche de 100 millions de dollars pour l’exercice en cours. Cependant, l’apport de la SMB à l’économie guinéenne ne se limite pas aux recettes fiscales. En 2017, près de 400 millions de dollars ont été injectés dans la sphère économique, sous forme de salaires, charges sociales (10 000 emplois directs dans le seul bassin de Boké), paiements des sous-traitants locaux, achats locaux, investissements directs au profit des communautés locales (forages de puits, réalisations d’écoles et de centres de santé, etc.), taxes au cordon douanier, taxes sur le carburant, TEE… 
 
Une raffinerie en projet
Le plan de développement de l’entreprise prévoit également la réalisation, à l’horizon 2022, d’une raffinerie pour la transformation de la bauxite d’une capacité de 500 000 à 1 million de tonnes. La transformation locale du minerai est un idéal national en Guinée, même si l’avènement d’une telle industrie paraît semé d’embûches. Les défis à relever sont immenses pour réaliser la transformation industrielle que le pays appelle de ses voeux. Il convient de pouvoir réaliser des études sérieuses d’impact environnemental et social pour s’assurer de minimiser les externalités négatives d’un tel projet. Se pose aussi la question des infrastructures électriques si le pays entend développer durablement sa compétitivité en la matière. Une raffinerie qui transformerait 2 millions de tonnes de bauxite en 1 million de tonnes d’alumine nécessiterait la réalisation d’une centrale électrique de 100 mégawatts, soit un investissement de plus d’un milliard de dollars. Pourtant, l’argument des partisans de la transformation est imparable : la valeur ajoutée. Le cours de la bauxite aujourd’hui tourne autour de 50 dollars la tonne. Celui de la tonne d’aluminium dépasse les 2 050 dollars.