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C'est Comment ?

Chapeau mossi
et baguette de mil

Par Emmanuelle Pontié - Publié en août 2022
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Juillet, août. Chacun, d’une manière ou d’une autre, va prendre un peu de repos, faire une pause, les pieds en éventail quelque part. Sur sa terrasse ou dans son jardin, à l’étranger, au village. Justement, au village… L’occasion de fréquenter un peu les anciens, de se remémorer leurs habitudes alimentaires, par exemple. Et pourquoi pas, de rêver un peu. En ces temps très alarmistes concernant l’approvisionnement en pain du continent, et sa dépendance assez surréaliste au blé ukrainien (ou russe), dont l’exportation pâtit de la guerre, on peut se demander comment on est passés de la galette de mil au petit déj ou de l’igname bouillie en accompagnement d’un repas, que nos grands-mères continuent à privilégier aujourd’hui, au pain blanc fabriqué à base de blé. Bien entendu, la réponse est dans la bouche de n’importe quel Béotien : le Nord a imposé sa céréale reine au Sud, et la mondialisation aidant, la baguette « parisienne » est devenue incontournable au pays du mil et du sorgho. C’est ballot…

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Alors, en ces temps de villégiature, on peut se mettre à rêver qu’une série de boulangers africains, amateurs de sensations gustatives novatrices et branchées, lancent la mode de la baguette de mil, des croissants d’igname ou des petits pains de fonio. Après tout, la vague healthy food qui s’est abattue en Occident a bien mis la galette de maïs, la miche d’épeautre et les croûtes sésame dans les corbeilles. Le comble du chic chez les « bobo-bread » qui boudent leur pain blanc, accusé de tous les maux contre la santé. On trouve même des baguettes aux neuf céréales, que vous conseillent des vendeurs bien incapables de vous donner leurs noms… Bref, si l’Afrique a décidé que le pain était incontournable sur sa table, autant en fabriquer du local, doper les cultures, créer de l’emploi et lancer la mode. Après les Français « béret basque et baguette de pain », on pourra dire d’un Burkinabé : « chapeau Mossi et baguette de mil » ! On peut rêver plus loin et imaginer déjeuner à Paris avec un pain au sorgho importé du continent…

En tous les cas, depuis le Covid-19, on a dit et redit qu’il fallait privilégier les circuits courts. Une règle confirmée en partie par la guerre en Ukraine et ses retombées. Et si l’on ajoute le réchauffement climatique, il n’est pas exclu que l’Occident se mette à cultiver du mil à la place du blé dans quelques temps. Il est plus résistant à la chaleur. Et tout aussi goûteux. Si, si… On a le droit de rêver que la baguette de mil devienne la baguette magique de demain !