
Chems-eddine Hafiz :
« La femme est l'avenir de l'Islam »

Chems-eddine Hafiz, le Recteur de la Grande Mosquée de Paris, s'est fixé une mission qui dépasse très largement la simple gestion de ce bel ensemble architectural (inauguré en juillet 1926), et dont le minaret, haut de 33 mètres, domine le Quartier Latin. Pour lui, la Grande Mosquée ne doit pas être seulement un lieu de prière : elle doit être aussi un lieu de rencontres, de contacts, et si possible de compréhension entre des mondes tiraillés aux extrêmes, déchirés par des malentendus ou, pour reprendre l'expression de l'écrivain Amin Maalouf, par des « identités meurtrières ».
Avec obstination, il s'efforce, depuis sa nomination au rectorat de l'institution, voici un peu plus de cinq ans, de créer des liens et rechercher l'apaisement, que ce soit sur le mode religieux ou culturel, voire politique si nécessaire. Son expérience d'avocat l'a préparé à cet exercice délicat qui consiste à savoir écouter et comprendre ceux qui ne sont pas nécessairement de son avis, à respecter ses adversaires et à rechercher inlassablement des voies de conciliation.
Chems-eddine Hafiz n'a pas hésité à se rendre deux fois au Vatican rencontrer le pape, à recevoir des hommes politiques de toutes obédiences, à accorder des interviews à des médias de toutes tendances, à assurer le service chaque dimanche sur la chaîne publique, à publier chaque semaine un « Billet » sur les sujets les plus divers, à organiser des expositions, des conférences, des débats, et même à créer un Prix littéraire au jury éclectique, apportant la preuve d'une très grande ouverture d'esprit.
Ainsi a-t-il su à diverses reprises affirmer la compatibilité entre Islam et République, contribuer à faire baisser les tensions entre Alger et Paris, et faire de la Grande Mosquée de Paris un lieu très fréquenté et un havre de paix.
À la surprise des observateurs, la plupart des postes à responsabilité de la vénérable institution qu'il dirige ont été confiés par le Recteur à des femmes. C'est que, sur ce sujet aussi, Chems-eddine Hafiz cherche l'apaisement et tient à dire haut et fort que l'islam n'est pas misogyne.
Afin de se faire mieux comprendre et d'en apporter la preuve, il a réuni dans un petit ouvrage facile d'accès des « Portraits de femmes remarquables » (éditions Frémeaux & associés, 160 pages, 20 euros) ayant marqué l'histoire et la culture de l'Islam. A commencer, naturellement, par celles qui ont appartenu à l'entourage du Prophète : ses épouses, ses filles, ses disciples.
Chems-eddine Hafiz ne s'en tient pas aux seules mystiques et ne limite pas son inventaire aux débuts de l'Islam. Des femmes d'aujourd'hui figurent aussi à son inventaire : des femmes médecins (Nafissa Hamoud), architectes (Zaha Hadid), écrivains (Assia Djebar) et cent autres, d'hier ou d'aujourd'hui.
Il n'y a dans ce passionnant petit livre nulle prétention à l'exhaustivité – juste la démonstration du fait que, contrairement à une opinion largement répandue, y compris et surtout chez beaucoup de bons musulmans, l'Islam ne considère la femme comme inférieure à l'homme. En tout cas, en féministe convaincu, le Recteur de la Grande Mosquée de Paris va au contraire jusqu'à dire que « la femme est l'avenir de l'Islam ». Du moins est-il persuadé que c'est par les femmes que l'Islam pourra connaître un certain renouveau.