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Editos

Climat, le challenge du siècle

Par Zyad Limam - Publié en juin 2024
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En moins de deux décennies, le changement climatique et ses conséquences sont devenus une question de première urgence pour l’Afrique. Nous sommes les plus pauvres, les plus fragiles, les moins développés, et nous sommes pourtant lourdement impactés.

Nous avons très peu «contribué» à ce dérèglement. Les chiffres varient, mais disons que le continent génère 3 à 9% des gaz à effet de serre. Miroir de notre pauvreté, un milliard et quelques d’Africains «polluent» moins que 200 millions d’Américains (11%), presque trois fois moins que la Chine et son 1,5 milliard d’habitants. Pourtant, le continent se réchauffe plus vite que la moyenne mondiale (+1,4 °C depuis l’ère préindustrielle contre +1,1 °C), en important le réchauffement des autres. Les canicules, fortes pluies, inondations, cyclones tropicaux et sécheresses persistantes ont déjà des effets dévastateurs. La montée des océans et des mers menace de grandes conurbations: Tunis, Casablanca, Dakar, Abidjan-Lagos, Luanda, Maputo…Les coûts des pertes et dommages dus au changement climatique en Afrique sont estimés entre 290 et 440 milliards de dollars sur la période 2020-2030.

L’Afrique n’est pas soutenue  loin de là à la hauteur du préjudice. Elle est victime d’une injustice climatique majeure. Elle contribue peu au changement climatique, elle utilise peu d’énergie carbonée, elle paie déjà une facture économique, sociale et humaine disproportionnée. Pourtant, elle est encore très peu aidée en matière de gestion des risques et de transition économique. Le financement de l’adaptation au climat ne représente qu’une goutte d’eau dans l’océan de ce dont a besoin le continent. Plus de 50 pays africains ont soumis leurs contributions au niveau national. Pour mettre ces contributions en oeuvre , il faudrait près de 2800 milliards de dollars avant 2030. On en est loin, très loin…Ce devrait être l’un des sujets principaux de la COP 29 à Bakou, en novembre prochain.

Les conséquences concernent en premier l’agriculture (à laquelle on doit ajouter l’élevage et la pêche), un secteur clé pour la stabilité sociale et l’économie du continent .L’ensemble fait vivre six Africains sur dix. À cause du changement climatique, la croissance de la productivité agricole a chuté, selon les Nations unies, de plus d’un tiers depuis 1961 (UN). L’importation de produits alimentaires connaît une hausse continue et la facture pourrait dépasser les 110 milliards d’euros dès 2025. Les cultures de rente, comme le cacao, sont autant touchées que les cultures vivrières, qui constituent la base de la souveraineté alimentaire de l’Afrique.

Dans ce contexte, on lui demande de résoudre une impossible équation, comme par miracle. Elle doit combiner croissance économique et démographique avec adaptation au changement climatique. Elle doit décarboner, alors que son besoin en énergie est vital si elle doit émerger de l’obscurité et du sous-développement. Elle doit devenir un acteur majeur des énergies renouvelables, sans bénéficier, pour le moment, d’un soutien financier et technique massif des pays riches, et tout en ayant à répondre à une multitude d’urgences en matière de santé, d’infrastructures, d’éducation, d’urbanisation…

Il n’y aura pas de solution pour l’humanité, s’il n’y a pas de solution pour l’Afrique. Si, demain, le continent devait atteindre un niveau de développement comparable à celui de l’Inde ou du Vietnam, si nous devions tripler notre revenu par habitant et notre niveau de vie ,ce qui serait un minimum , si nous devions fournir de l’énergie à la grande majorité des Africains, à toutes les entreprises, et pour un coût raisonnable, et si cet effort nécessaire, urgent, devait se faire sans transition vers des modèles renouvelables et durables, alors l’Afrique deviendrait l’une des principales causes du réchauffement et de la catastrophe globale. C’est l’une des données fondamentales du problème: le changement climatique, par définition, n’a pas de frontières.

Une partie de l’avenir est entre nos mains. Par la bonne gouvernance, par la mobilisation de nos entreprises, de nos entrepreneurs, de nos créatifs, de nos ingénieurs, par le soutien actif de la puissance publique, par la mise en place de projets réalistes et bancables, par la remontée de l’urgence dans les circuits de financements multilatéraux, les fonds, les fondations… C’est possible. C’est certainement un facteur de croissance et de développement. Et de toute façon, nous n’avons pas le choix.