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Côte d'Ivoire : le retour sur l'échiquier mondial

Par DOUNIA BEN MOHAMED
Publié le 24 novembre 2017 à 10h12
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Côte d’Ivoire is back ! Élue membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU en juin dernier, le pays se positionne dorénavant comme le leader politique sous-régional.
À Cocody, l’hôtel Sofitel Ivoire d’Abidjan et son Palais des congrès accueillent des événements d’ampleur toute l’année, comme les Rencontres Africa.
 
Après une première édition en 2016 à Paris, les Rencontres Africa, une manifestation portée par les ministères français des Affaires étrangères et de l’Économie, se tenaient simultanément dans trois villes africaines. « Une expérience inédite », selon le commissaire général des Rencontres Africa, Marc Hoffmeister. Née des conclusions du sommet de l’Élysée en 2013 et du constat porté par le rapport de la fondation « Africa-France : un partenariat pour l’avenir » cosigné par Hubert Védrine et Lionel Zinzou, l’événement est destiné à redynamiser les relations économiques entre la France et le continent africain – en recul de 50 % en dix ans –, sur les bases d’un nouveau partenariat entre les acteurs publics, mais aussi privés.
 
Avant Tunis, point de rencontre pour les partenaires d’Afrique du Nord ; Nairobi pour l’Afrique de l’Est, les 5 et 6 octobre, ces rendez-vous économiques ont démarré avec une session inaugurale, à Abidjan, les 2 et 3 octobre. La capitale économique ivoirienne apparaît ainsi comme le « point focus d’un new deal entre la France et l’Afrique francophone, suffisamment attractive pour devenir le poumon politique et économique de la région, en termes de croissance, d’investissements, de potentiels et d’enjeux stratégiques… », indique un des membres de l’organisation. Une analyse aujourd’hui largement partagée par les partenaires institutionnels et économiques du continent. « Incontestablement, la Côte d’Ivoire est le hub de l’Afrique de l’Ouest, une pièce maîtresse », assure un diplomate européen.
 
Un rôle tenu par le pays depuis l’époque des indépendances avec Félix Houphouët-Boigny, pilier de la « Françafrique ». La longue crise politico-militaire a par la suite effacé la Côte d’Ivoire des radars. Sous la présidence de Laurent Gbagbo, les relations entre Paris et Abidjan ont été heurtées, à tout le moins, marquées par une défiance mutuelle, dans le contexte d’une crise politique aux enjeux obscurs. Une intervention internationale plus tard, l’élection d’Alassane Ouattara à la magistrature suprême a permis une normalisation du pays. Dans le rétablissement des relations économiques, l’ancien directeur adjoint du Fonds monétaire international (FMI) joue à l’époque de tout son réseau pour rétablir la confiance avec les Français, mais également les Européens, les Chinois, les Américains… En véritable VRP, appuyé par son fidèle bras droit, l’économiste et ancien Premier ministre Daniel Kablan Duncan – actuel vice-président – il parcourt les capitales du monde entier pour vendre la marque « Côte d’Ivoire » et rassurer les potentiels investisseurs.
 
Un slogan illustrera ce retour : « Côte d’Ivoire is back ». De fait, la croissance, depuis 2011, est au rendez-vous jusqu’à devenir aujourd’hui la plus forte de la région ; les investissements reviennent et Abidjan reprend des allures de capitale fréquentable. L’attractivité d’Abidjan dépasse même celle de son passé glorieux. La ville accueille les plus grands événements du continent. Avant les Rencontres Africa, les Jeux de la francophonie s’y sont déroulés en août dernier, et en novembre prochain se tiendra la cinquième édition du sommet Union européenne-Afrique, organisé pour la première fois sur le continent. À Abidjan. Un enjeu majeur pour l’Afrique et pour la Côte d’Ivoire par la même occasion, marquée cette année par des mutineries de militaires, la chute des cours du cacao ou encore les attentats de Bassam en 2016. Ces événements sont venus tester la solidité du modèle ivoirien. Un modèle que le chef de l’État est allé promouvoir aux Nations unies, en septembre dernier à l’occasion de la 72e Assemblée générale de l’organisation.
 
« Dans le cadre de ses objectifs prioritaires de développement, la Côte d’Ivoire a réalisé un taux de croissance de 9 % en moyenne sur les cinq dernières années. Ceci grâce à une bonne politique macro- économique, le travail des Ivoiriens, un environnement des affaires amélioré ainsi que d’importants investissements. Nous nous attelons désormais à distribuer efficacement les fruits de cette croissance, en particulier aux plus démunis et aux couches les plus vulnérables, tout en poursuivant l’œuvre de transformation du pays. C’est tout l’enjeu du Plan national de développement 2016-2020 et des réformes sociales courageuses menées par mon gouvernement. »
 
THE PLACE TO BE
 
Un rendez-vous d’autant plus important que, depuis juin 2017, la Côte d’Ivoire a été élue membre non-permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. « Je voudrais, pour commencer, vous exprimer la gratitude du peuple ivoirien pour la grande mobilisation de vos pays à porter la Côte d’Ivoire au Conseil de sécurité des Nations unies pour la période 2018-2019. Cette élection témoigne de votre soutien à l’engagement constant de mon pays en faveur de la paix et du dialogue. Elle est aussi un appel à partager, avec le monde, notre expérience en matière de gestion de sortie de crise et de coopération efficace avec les Nations unies, comme le prouve le succès de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire. Les leçons de cette opération de paix, reconnue par tous comme l’un des rares succès de notre Organisation mondiale dans le domaine du maintien de la paix depuis plusieurs
Marcel Amon-Tanoh, le ministre des Affaires étrangères.
décennies, doivent inspirer davantage les Nations unies dans leurs initiatives en faveur de la paix. »
 
Réitérant l’engagement de son pays à œuvrer pour la paix et la sécurité à travers le monde, il invite ses pairs à « intensifier leur engagement contre le terrorisme en Afrique, et soutenir davantage les efforts du continent. Ce soutien, nous le voulons et le demandons en faveur du G5 Sahel, dont l’action est capitale pour la sécurité d’une large partie du continent africain. Pour sa part, la Côte d’Ivoire fera du soutien au G5 Sahel et de la lutte contre le terrorisme en Afrique l’une des priorités de son mandat au Conseil de sécurité des Nations unies, car, sans stabilité, il n’y a pas de développement ».
 
Sur la question de la sécurité, comme du réchauffement climatique, ou encore du trafic des êtres humains favorisé par l’immigration clandestine, Alassane Ouattara positionne la Côte d’Ivoire comme l’allié stratégique des Occidentaux. Et pas seulement, des Asiatiques également. La coopération avec la Chine – Pékin est le troisième partenaire commercial du pays – a été renforcée en septembre dernier par la signature d’un mémorandum avec la Société chinoise d’investissement et de développement des infrastructures à l’étranger (COIDIC). Dans l’énergie notamment – un secteur où les Chinois sont déjà très présents après la construction du barrage de Soubré, trois nouveaux projets de centrales hydroélectriques sont prévus –, mais aussi le transport et les télécommunications. Un renforcement des relations sino-ivoiriennes confirmée par l’ouverture, en août dernier, de la première chambre de commerce chinoise en Côte d’Ivoire.
 
DES SECTEURS PLUS STRATÉGIQUES
 
Autre géant asiatique, l’Inde, avec qui les échanges ont crû de 300 % ; les Singapouriens, les Sud-Coréens et autres dragons passent aussi par Abidjan pour s’implanter dans la sous-région. Mais les partenaires privilégiés restent les Européens, avec lesquels les échanges s’intensifient.
 
L’Union européenne a accompagné la Côte d’Ivoire dans le processus de sortie de crise et de reconstruction du pays à travers une enveloppe financière de 531,5 millions d’euros (347 milliards de francs CFA), soit 8,4 % de l’aide totale au pays, rappelait l’organisation en septembre dans son rapport provisoire de l’évaluation de sa coopération avec la Côte d’Ivoire, menée par une équipe de consultants indépendants sur la période 2007-2015. Soulignant néanmoins des « fragilités » telles que la gouvernance, la cohésion sociale et les besoins en termes de santé, l’Union européenne a entrepris de réorienter son soutien dans des secteurs stratégiques à plus fort impact, comme celui de l’énergie ou de l’agro business, des axes précisément ciblés par les autorités pour accélérer le développement et renforcer la stabilité du pays. Sans oublier la jeunesse. Des thèmes au menu du prochain sommet Union européenne-Afrique.