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La marina résidentielle Eden Island, reliée à l’île de Mahé, aux Seychelles. STEPHANDB/SHUTTERSTOCK-DR
La marina résidentielle Eden Island, reliée à l’île de Mahé, aux Seychelles. STEPHANDB/SHUTTERSTOCK-DR
Analyse

Coup de frein
sur la bonne gouvernance

Par Cédric Gouverneur - Publié en décembre 2024
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Le dernier rapport de la Fondation Mo Ibrahim souligne les contradictions africaines. L’égalité de genre avance, tout comme les infrastructures. Mais les processus démocratiques et la sécurité régressent. Les opinions ne ressentent pas le changement. Les Seychelles dominent le classement, mais globalement même si chaque pays est différent , le progrès ralentit.

C'est une enquête statistique dont les conclusions sont toujours très attendues : l’effet le rapport de la Fondation Mo Ibrahim (MIF – mo.ibrahim.foundation). Milliardaire anglo-soudanais de 78 ans, ex-magnat des télécoms, Mo Ibrahim consacre depuis près de deux décennies une partie de sa fortune à l’amélioration de la gouvernance en Afrique. Tous les deux ans, l’Ibrahim Index of African Governance (IIAG) cumule une somme considérable de données portant sur des dizaines de domaines, récoltées dans les 54 pays du continent et dont la compilation permet de dresser un tableau précis des évolutions, des progrès et des reculs. «Les données sont extraites de 49 sources indépendantes, et les 96 indicateurs qui composent l’IIAG sont identiques pour les 54 pays. Cela permet à la fois d’évaluer la performance finale et la trajectoire d’un pays dans la durée, et de les comparer à celles de ses homologues Kenya », nous précise Nathalie Delapalme, directrice exécutive de la MIF [interview pages suivantes]. La limite de l’exercice est que l’IIAG rend compte des données nationales, mais ne quantifie pas les inégalités au sein d’un même pays, entre les régions et entre les classes d’âge.

Publié fin octobre, l’IIAG 2024 a de quoi inquiéter: le panorama continental, dans l’ensemble, n’est guère encourageant. Même si la gouvernance globale progresse dans 33 pays sur 54, les conditions de vie de trois Africains sur quatre (77%) se sont dégradées ces dix dernières années en matière de sécurité et de droits démocratiques. La sécurité physique des individus pâtit logiquement de l’escalade des conflits: Sahel, Est de la République démocratique du Congo, Éthiopie, Soudan…Leurs droits sont menacés par le durcissement de certains régimes : vague de coups d’État militaires au Sahel, répression violente des manifestations au Sénégal, au Nigeria et au Kenya – pourtant des pays où les gouvernants sont démocratiquement élus… Pour plus de la moitié de la population africaine, résidant dans 26 pays, l’insécurité a augmenté ces dix dernières années. S’observe même une aggravation de la situation depuis 2019, du fait de l’accumulation de crises (pandémie, inflation, endettement, catastrophes naturelles liées au changement climatique, etc.). Enock Nyorekwa Twinoburyo, économiste ougandais et expert de l’IIAG, souligne «l’urgence de répondre à l’insécurité, à la corruption et aux défis en matière de gouvernance, qui menacent les objectifs de développement durable». Affronter ces problèmes s’avérera «crucial pour forger la future trajectoire de développement de l’Afrique».

​​​​​​RIEN N’EST ACQUIS

Même si plusieurs pays ont accompli des progrès considérables en matière de droits et de participation, la démocratie bat de l’aile: pour trois quarts des Africains, l’espace d’expression de la société civile s’est rétréci ces dix dernières années. Autre phénomène inquiétant :

la diminution de l’adhésion aux valeurs démocratiques, pour lesquelles les Africains se sont pourtant souvent battus dans les années 1990 et 2000… «L’enquête sur l’attitude du public montre qu’un État de droit faible entraîne un déclin de l’engagement populaire envers la démocratie, constate Joseph Asunka, président ghanéen d’Afrobarometer, institut de sondages panafricain qui a participé à l’élaboration de l’IIAG 2024. En d’autres termes, la confiance des citoyens dans la démocratie risque de s’éroder avec le déclin de la qualité de l’État de droit.» Au Mali, au Burkina Faso et au Niger, des gouvernements élus, critiqués pour leur gestion de la crise sécuritaire, ont été renversés par des militaires putschistes avec l’appui d’une partie de la population. Sans que la situation sécuritaire s’améliore pour autant, bien au contraire [encadré].

Autre enseignement de cette enquête : rien n’est jamais acquis ! Aucun progrès n’est pérenne s’il n’est pas sans cesse consolidé. Sans surprise, la Tunisie, où un brutal virage autoritaire a succédé en 2021 à la révolution qui, en 2011, avait marqué l’aurore des Printemps arabes, s’effondre dans le classement. L’île Maurice, démocratie insulaire de l’Océan indien, 1865 km2 pour 1,3 million d’habitants, qui a longtemps caracolé en tête du classement, dégringole, du fait de l’inflation galopante, de scandales de corruption et de reculs sur le plan de la santé et de l’éducation. À l’inverse, en Égypte, pourtant tenue d’une main de fer par le président al-Sissi, les progrès accomplis dans la construction d’infrastructures, la santé, l’éducation, l’environnement et les droits des femmes portent leurs fruits.

Le 25 juin 2024, les manifestations antigouvernementales au Kenya tourneront à l’émeute et feront plusieurs morts.E-ROSH/SHUTTERSTOCK
Le 25 juin 2024, les manifestations antigouvernementales au Kenya tourneront à l’émeute et feront plusieurs morts. E-ROSH/SHUTTERSTOCK

Globalement, l’IIAG constate que la perception publique des opportunités économiques s’est détériorée ces dernières années. Le Fonds monétaire international (FMI), dans son rapport sur les perspectives économiques de l’Afrique subsaharienne rendu fin octobre, observe que « l’interaction complexe entre la pauvreté, le manque de débouchés et la mauvaise gouvernance », conjuguée à l’inflation et aux difficultés du quotidien, «nourrit les frustrations sociales». «Les attentes non satisfaites, en particulier chez les jeunes, alimentent la frustration et la colère, les meilleurs déclencheurs de troubles et de conflits», alerte Mo Ibrahim dans la préface de l’IIAG. Curieusement, même lorsque la gouvernance s’améliore, sa perception par les populations demeure négative, faute d’améliorations visibles au quotidien! C’est l’un des aspects les plus frappants de l’enquête: le décalage entre les améliorations de la gouvernance, quantifiées par les enquêteurs, et la perception de cette même gouvernance par les populations. «Même lorsque les gouvernements progressent dans des domaines tels que les infrastructures et les opportunités économiques, constate Mo Ibrahim, de nombreuses personnes se sentent laissées pour compte.» Un phénomène courant, que la sociologie politique dénomme law of rising expectations, définie par l’Américain Abraham Maslow (1908-1970). Ce psychologue américain avait remarqué que les citoyens se révoltent alors même que s’améliorent leurs conditions matérielles, estimant mériter davantage.

Que cette dégradation des conditions de vie soit tangible ou simplement ressentie, elle a quoi qu’il en soit des impacts politiques et profite aux populistes. En Afrique du Sud, l’ancien président Jacob Zuma – que la classe politique croyait enterré depuis le scandale de corruption «Gupta» a réuni 15% des voix aux législatives de mai dernier, un score sans doute alimenté par les inégalités abyssales et le désenchantement face à l’usure du pouvoir de l’ANC…auquel appartenait pourtant un certain Jacob Zuma! En Afrique francophone, des campagnes de désinformation orchestrées par Moscou tentent d’influencer les citoyens, comme l’ont démontré nos confrères de Radio France internationale [voir «Plongée dans la machine de désinformation russe en Centrafrique», RFI, 21 novembre, ndlr]. Le continent, de plus en plus connecté, n’échappe pas à cette désinformation en vogue dans le monde entier. L’élection de Donald Trump le confirme: l’ancien président américain est de retour, malgré ses mensonges (comme cette histoire grotesque – et raciste – de réfugiés haïtiens qui mangeraient des chats). Sa campagne électorale a bénéficié de la désinformation orchestrée sur X (ex-Twitter), le réseau social de son nouvel ami Elon Musk… En 2016, en Grande-Bretagne, les «brexiters » avaient remporté le référendum de sortie de l’Union européenne avec des arguments et des chiffres qui, pour beaucoup, se sont avérés mensongers. En Europe, l’extrême droite xénophobe a le vent en poupe (RN en France, AfD en Allemagne), malgré le vieillissement de la population, qui rend le recours à l’immigration indispensable à l’économie. Car à l’ère des réseaux sociaux, omniprésents et addictifs, peu importe la réalité des faits: le biais de confirmation vient mécaniquement conforter le citoyen imprudent dans ce qu’il croit savoir. Au détriment de la qualité des débats…et de la démocratie!

DES INFRASTRUCTURES PARTOUT EN PROGRÈS

Vue aérienne d’Abidjan. La capitale économique a investi massivement en matière d’infrastructures.NABIL ZORKOT
Vue aérienne d’Abidjan. La capitale économique a investi massivement en matière d’infrastructures. NABIL ZORKOT

Cette envolée des réseaux sociaux en Afrique pas toujours bénéfique, on le voit est pourtant l’une des conséquences d’une autre évolution, fort positive : la progression des équipements internet et de téléphonie mobile. Pour la quasi-totalité de la population continentale (95,7%), les infrastructures se sont améliorées ces dix dernières années, avec une accélération depuis 2019 dans 24 pays rassemblant environ un tiers des Africains. Les progrès sont notamment très visibles au Maroc, au Sénégal ou au Bénin. Les améliorations sont aussi substantielles en matière d’accès à l’énergie. Et deux tiers de la population africaine vivent dans des pays où, globalement, la situation de l’habitat s’améliore. «Beaucoup reste encore à faire, observe Nathalie Delapalme, en particulier en ce qui concerne les infrastructures de transport intracontinentales  à l’instar, par exemple, du corridor de Lobito», entre l’Angola, la RDC et la Zambie. Autre progrès considérable : l’amélioration de la parité entre hommes et femmes [encadré].

Enfin, la lutte contre le changement climatique et contre les menaces pesant sur la biodiversité s’est généralisée: dans 45 pays, rassemblant 90% des Africains, la prise en compte de la notion d’environnement durable s’améliore même si, une fois encore, le rythme de ces progrès a ralenti depuis 2019 et la succession de crises amputant les budgets ! Le rapport souligne notamment les belles performances du Togo dans ce domaine. Ces progrès quantifiables méritent d’être mis en avant. «La totalité des données de l’IIAG 2024 est librement disponible, précise Nathalie Delapalme.

Mi-novembre, l’IIAG 2024 avait fait l’objet d’une couverture dans 79 pays, dont 39 africains, y compris en langues bambara, foula, haoussa, kinyarwanda et swahili.» Justement, la transparence et la responsabilité des administrations sont en nette progression sur le continent : «Un nombre croissant de pays africains adoptent des lois de droit à l’information», en rendant accessibles au public les textes et les documents, note Joseph Asunka. «Cela s’accorde fortement aux attentes des citoyens», souligne-t-il. Et c’est sans conteste l’un des moyens de résoudre ce décalage entre la réalité et sa perception: «Lorsque les citoyens peuvent aisément accéder à l’information publique, ils font davantage confiance aux autorités et ont moins tendance à les considérer comme corrompues», ce qui en retour « accroît le soutien populaire à la démocratie », poursuit Asunka. C’est aussi l’un des enseignements de cette radiographie du continent : ces dix dernières années, les citoyens africains sont devenus davantage exigeants!

Comment traduire ce regain d’attentes en réalisations, de façon à améliorer concrètement la vie des Africains, redonner espoir à la jeunesse et lui éviter de céder aux sirènes de l’exil ou de l’extrémisme?

Au niveau économique, la mise en place depuis 2021 de la ZLECAf (dont les impacts, trop récents, ne sont pas vraiment quantifiables dans l’IIAG 2024) peut permettre d’accélérer le développement, en maximisant le potentiel considérable du continent africain (notamment pour la croissance verte) ; l’intégration économique peut aussi exercer un impact positif sur la réduction des tensions régionales. Au niveau politique, consolider la démocratie implique de ne plus la résumer à la simple tenue d’élections tous les quatre ou cinq ans : «Il faut accorder une importance croissante à la démocratie locale, beaucoup plus significative pour les citoyens, estime Nathalie Delapalme. Par exemple au Sénégal, le Pastef et sa Yewwi Askan Wi avaient déjà remporté à une large majorité les élections locales de 2022, bien avant l’élection présidentielle de 2024.»

FONDATION MO IBRAHIM
FONDATION MO IBRAHIM

Classement

Entre 2014 et 2023, sur les 54 pays africains, 33 ont vu leur gouvernance s’améliorer, et 21 se détériorer. La Tunisie et les Comores subissent la régression la plus prononcée. La situation en République démocratique du Congo (RDC), 4e pays le plus peuplé du continent, se détériore depuis 2014: elle est désormais classée 48e sur 54. À l’inverse, la Côte d’Ivoire, le Togo, la Mauritanie et Djibouti enregistrent les progrès les plus notables. Les Seychelles prennent la tête du classement continental, devant l’île Maurice. 

 

LES FRAGILES DROITS DES FEMMES

La plupart des pays s’améliorent sur les questions de l’inclusion et de l’égalité de genre,
leviers indispensables à l’essor de toute la société. Mais les freins sociétaux demeurent,
les associations observant même un possible «retour de bâton».

​​​​​​​C'est l’une des bonnes nouvelles de l’enquête: pour la quasi-totalité de la population africaine (94,8%), dans 47 pays sur 54, l’égalité de genre a progressé cette dernière décennie.

Dans 23 pays, rassemblant 60% de la population, l’amélioration s’accélère même depuis 2019 – l’effet sans doute d’une prise de conscience sociétale, générationnelle et généralisée, des violences faites aux femmes et des inégalités. L’IIAG souligne que les évolutions englobent notamment un «renforcement des lois contre les violences faites aux femmes», une plus grande «acceptation sociale du leadership féminin» et, dans une moindre mesure, une «meilleure représentation politique des femmes» dans les cercles dirigeants. «Les résultats sont plus mitigés toutefois en ce qui concerne l’accès des femmes aux opportunités économiques, fortement impacté par la crise du Covid-19», précise Nathalie Delapalme, directrice exécutive de la Fondation Mo Ibrahim.

Dans la quasi-totalité des pays du continent, l’égalité de genre progresse. OLLYY/SHUTTERSTOCK
Dans la quasi-totalité des pays du continent, l’égalité de genre progresse. OLLYY/SHUTTERSTOCK

La plupart des pays prennent cependant des mesures pour favoriser la participation des femmes dans l’économie. La Côte d’Ivoire et le Gabon «montrent l’exemple», estime la Banque mondiale dans une note publiée en novembre 2023, en mettant en place des réformes pour renforcer l’accès des femmes à l’emploi comme au crédit, les prémunir de toute discrimination dans l’obtention de facilités bancaires, et bien sûr les protéger des violences domestiques. Ces mesures «ouvrent de nouvelles voies afin que les femmes puissent accomplir leurs aspirations professionnelles». Le Togo a, lui, voté fin 2022 plusieurs lois pour interdire les discriminations à l’accès au crédit, lutter contre les violences domestiques et favoriser l’égalité des droits des mariés. «Ces réformes ont créé un environnement qui permet aux femmes de participer davantage à l’économie, contribuant au développement socio-économique général», estiment dans une note deux responsables de la Banque mondiale, Paula Tavares (Brésil) et Dion Benetatos (USA). Ils insistent sur le fait que ces réformes profitent aux femmes, mais aussi à toute la société: «En souscrivant à l’égalité des genres, nous déverrouillons le potentiel complet de la moitié de la population, conduisant à davantage d’innovation, de croissance économique et de progrès social.»

Néanmoins, même lorsque des lois ambitieuses sont votées, les progrès tardent parfois à se concrétiser… En mai dernier, l’association féministe internationale Equality Now s’est penchée sur vingt pays d’Afrique subsaharienne. Elle observe que, malgré des avancées législatives réelles, malgré le Protocole de Maputo (signé en 2003 pour garantir les droits des femmes et ratifié par 44 pays membres de l’Union africaine), des «lois coutumières et des traditions religieuses rendent parfois difficile l’application des lois». C’est notamment le cas pour le respect des droits à l’héritage des veuves ou l’interdiction du viol conjugal. La plupart des pays ont par exemple interdit le mariage des mineures. Mais dans le nord du Nigeria, plus de vingt ans après cette interdiction, une fille sur deux est mariée avant son dix-huitième anniversaire… «On assiste, de plus, aujourd’hui à un backlash de mouvements opposés aux droits des femmes», notamment sur les questions des mutilations génitales et du mariage des mineures, observe Esther Waweru, avocate d’Equality Now. En octobre dernier, la Cour de cassation du Maroc a cassé le jugement de la Cour d’appel de Tanger qui, en 2019, avait pour la première fois condamné un viol conjugal. La juriste kényane déplore également la «stagnation» législative, quand des textes de lois restent «dans les limbes pendant des décennies» en attendant d’être promulgués…

 

LE COUP D’ÉTAT: UN REMÈDE  QUI ACHÈVE LE MALADE

​​​​​​​Dans les pays sahéliens où des gouvernements élus ont été renversés par des juntes militaires, la situation sécuritaire ne s’est guère améliorée, bien au contraire.​​​​​​​

Le capitaine burkinabè Ibrahim Traoré, à gauche, aux côtés du capitaine Kiswendsida Farouk Azaria Sorgho, lors du coup d’État du 30 septembre 2022. DR
Le capitaine burkinabè Ibrahim Traoré, à gauche, aux côtés du capitaine Kiswendsida Farouk Azaria Sorgho, lors du coup d’État du 30 septembre 2022. DR

L​​​​​​​’insécurité, en menaçant les citoyens de perdre leurs biens, leur vie et celle de leurs proches, peut les conduire à opter pour la manière forte. À appuyer un coup d’État militaire, afin de renverser des autorités civiles perçues comme incapables de les protéger. Le Sahel est confronté, depuis l’effondrement de l’État libyen en 2011, à un afflux d’armes et d’insurgés, alimentant une galaxie transfrontalière de groupes armés djihadistes, criminels et séparatistes. Depuis 2020, la région a vécu une vague de putschs qui a mis successivement un terme aux institutions démocratiques du Mali (janvier et août 2020), du Burkina Faso (septembre 2022), puis du Niger (juillet 2023).

Dans ces trois pays, les putschistes ont légitimé leurs coups de force par un désir de répondre aux aspirations populaires en mettant fin à l’insécurité et à la corruption, sur fond de rejet de l’ancienne puissance coloniale française et de ses troupes. Le colonel Assimi Goïta (Mali), le capitaine Ibrahim Traoré (Burkina Faso) et le général Abdourahamane Tchiani (Niger) semblent bénéficier d’une certaine popularité: selon les enquêtes d’opinion menées entre 2021 et 2023 par Afrobarometer, près de 80% des Maliens et deux tiers des Burkinabè se disent favorables à un régime militaire. «L’effet d’attentes insatisfaites et de promesses non tenues, mais aussi la difficulté à gérer un risque essentiellement régional dans un contexte d’isolation croissante», commente Nathalie Delapalme, directrice exécutive de la Fondation Mo Ibrahim. Pourtant, la situation sécuritaire s’est dégradée dans les trois pays dirigés par les putschistes, malgré le renfort des paramilitaires russes: «Le calendrier électoral n’a pas été tenu et ni les conditions de vie ni la sécurité ne se sont améliorées», constate la fondation Mo Ibrahim dans un rapport intitulé «Un coup d’État n’est pas la solution», publié en octobre 2023. Le Burkina Faso subit désormais une moyenne de 53 attaques djihadistes chaque mois, contre 47 avant le putsch, et environ la moitié du territoire échappe au contrôle étatique. L’enquête a été réalisée avant le massacre de Barsalogho entre 130 et 300 victimes.

Deux tiers des Burkinabè jugent leurs conditions de vie «mauvaises», contre 40% avant le coup d’État.

Au Mali, la superficie contrôlée par les djihadistes a doublé depuis le putsch. Le nombre d’attaques contre des civils a lui aussi presque doublé (49 par mois, contre 25 avant les putschs). Le Mali se classe désormais 48e sur 54, et le Burkina 49e  il n’existe pas d’informations pour le Niger. «Les données montrent que les coups d’État n’ont eu aucun impact positif sur les situations sécuritaires qu’ils étaient censés résoudre, observe la Fondation Mo Ibrahim. Ils ont au contraire entraîné une augmentation de l’insécurité et une aggravation de la situation intérieure.»