Daouda Coulibaly
« Le taux de croissance attendu pour 2021 est au-delà de 6 % »
Selon le patron de l’APBEF-CI, les banques continuent de jouer un rôle déterminant dans l’économie, malgré les effets de la crise du Covid-19.
AM : Quelle place occupe aujourd’hui le secteur bancaire dans l’économie ivoirienne ?
Daouda Coulibaly : Il est dynamique et prouve tous les jours qu’il dispose de bases solides. De 2011, année de sortie de crise, à fin 2020, les dépôts et les crédits ont progressé respectivement de 80 % et 75 %. Ces dernières années, la trentaine de banques et établissements financiers que compte le pays a ouvert des agences à Abidjan et dans de grandes villes de l’intérieur, et nous faisons partie des domaines qui embauchent le plus. C’est un secteur en croissance, à l’image du pays depuis une dizaine d’années. Il participe de façon importante au développement de la Côte d’Ivoire. En plus de financer les entreprises et les particuliers, nous avons augmenté notre soutien à l’État lors de la crise du Covid-19, à travers des émissions du Trésor public. Enfin, nous assis- tons aussi à l’essor d’une classe moyenne, qui a besoin d’être accompagnée.
La crise sanitaire a entraîné un ralentissement de l'activité économique. Quel a été l'impact sur les banques ?
Globalement, le total du bilan des banques a augmenté en 2020 par rapport à 2019. Le total des crédits et dépôts égale- ment. Ils ont respectivement progressé de 7 % et 25 %. Toutefois, le secteur bancaire a été tout aussi impacté, comme d’autres, par cette pandémie. Nous avons dû prendre, à cet effet, des mesures et nous réorganiser pour faire face à cette nouvelle situation afin de continuer à travailler et d’assurer notre mission de service public. Nous avons financé des clients (des personnes physiques comme des sociétés), qui se sont retrouvés en difficulté, alors que nous aurions pu les déclasser. Heureusement pour l’économie, la BCEAO [Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest, ndlr] a pris des mesures pour soulager les entreprises, en leur offrant notamment un report d’échéance de trois mois renouvelable une fois. L’État a égale- ment mis en place des mesures d’accompagnement des entre- prises impactées, à travers des guichets dédiés visant à aider les PME et les entreprises en difficulté. Ces mesures ont permis de sauvegarder le tissu économique et de limiter la casse. L’ensemble de ce dispositif a permis aux banques et aux établissements financiers de tenir, avec des résultats globalement plutôt en hausse à ce jour. Mais attention, la pandémie continue de sévir et induit encore des effets de récession dans le monde, et donc, par ricochet, ici. Son impact sur certaines sociétés ne se fera sentir que fin 2021, mais aussi dans les années à venir. Il faut donc rester prudent.
Afin de juguler les effets de la crise, le gouvernement a créé plusieurs fonds pour soutenir les entreprises. Le secteur bancaire est-il impliqué dans leur mise en place ?
Absolument. Nous étions représentés dans les deux comités de gestion (pour les entreprises et les PME) créés à cet effet. Deux mécanismes ont été mis en place pour soutenir les PME : un finance- ment direct venu des fonds et un fonds de garantie des PME couvrant 50 % des prêts octroyés aux entreprises par les banques.
Que répondez-vous aux chefs d’entreprise qui estiment que l’accès au crédit reste encore difficile et contraignant ? Que font les banquiers pour assouplir leurs conditionnalités et réduire les taux d’intérêt des crédits ?
Sur le sujet du financement, nulle part au monde, vous ne rencontrerez un homme d’affaires qui soit satisfait des conditions que proposent les banques. Cela dit, il faut relativiser cet aspect. Certes, beaucoup reste à faire, mais beaucoup a été fait. Avant la pandémie du Covid-19, entre 2018 et 2019, le financement en direction des PME a progressé de 24 %. En 2020, malgré la crise économique, les financements de PME ont progressé de 3 %. Ce chiffre est certainement bas, mais au regard de la crise, il faut se féliciter qu’il n’ait pas été en recul, les PME étant parmi les premières victimes. Il faut également, sur ce premier volet, évoquer le taux de créances impayées chez les PME, qui reste très important : un peu plus de 12 % en 2019 et 2020. Ces taux sont élevés par rapport à ceux des pays développés. Nous devons faire une sélection rigoureuse des entreprises demandeuses de crédits pour permettre à nos déposants de rentrer en possession de leurs liquidités quand ils en ont besoin. Le secteur bancaire montre de plus en plus d’intérêt pour les PME qui sont structurées, organisées et capables de faire face à leurs engagements. Cela implique que de l’autre côté elles doivent faire des efforts en matière d’organisation, de bonne gouvernance et de respect de leurs engagements. Le taux de crédit est fixé en fonction de plusieurs paramètres dont les plus importants sont le coût de collecte des ressources (dépôts) et le taux de dégradation du portefeuille que nous avons abordé plus haut. Pour revenir au coût des ressources, pour collecter un dépôt à terme (DAT) d’une durée de cinq années sur notre marché, les banques doivent proposer des rémunérations qui sont supérieures au taux de 5 %. À ce coût de collecte, il faut ajouter le coût du risque, la rémunération des fonds propres, les frais de gestion, et enfin la marge bénéficiaire. Nous vous laissons le soin de faire vos simulations.
Quels sont les mécanismes innovants et les réformes mis en œuvre pour dynamiser davantage votre secteur ?
Une trentaine d’établissements bancaires opèrent en Côte d’Ivoire. Chacun a sa spécialité, ses ambitions, ses points forts et ses points faibles, dans un contexte de vive concurrence. Les banques ont intégré la digitalisation comme un pan impor- tant de leurs activités. Cela a été accéléré avec la pandémie de Covid. Il y a également beaucoup d’innovations en matière de conseils et de formation de nos clients.
Quelles sont les perspectives de l’économie nationale et quelle contribution les banques pourraient apporter pour atteindre l’émergence visée par le gouvernement ?
Les perspectives sont bonnes si la Côte d’Ivoire continue sa croissance. Pour preuve, malgré la parenthèse du Covid-19, le taux de croissance attendu pour 2021 est au-delà de 6 %. Le secteur bancaire a un rôle essentiel à jouer en finançant les entreprises et les PME existantes ou en création, l’État à travers ses grands projets et ses besoins directs via le Trésor, et enfin les particuliers, avec une classe moyenne de plus en plus importante, qui a besoin de consommer. Bref, vous l’aurez compris, il faut un secteur bancaire fort pour accompagner tous ces besoins. Et le nôtre est solide. Il vient d’ailleurs d’être renforcé par le passage aux normes de Bâle II et III.