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Editos

Demain, après le COVID

Par Zyad Limam - Publié en mai 2021
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Les épidémies, les virus, les bactéries font partie de notre humanité. La lutte est incessante depuis la nuit des temps. Les civilisations ont dû faire face à des vagues meurtrières parfois endémiques et durables. On pense aux grands épisodes de peste du Moyen Âge européen, venue d’Asie sur les bateaux de la première mondialisation, et qui décimèrent une population sans repères scientifiques et qui s’en remettait à Dieu (ou au diable). On pense aussi au typhus, aux maladies dites infantiles, comme la rougeole, la rubéole, aux grippes… Certains de ces vecteurs ont été éradiqués. D’autres résistent (paludisme/malaria). De nouveaux agresseurs apparaissent. On pense au sida, et à la succession d’épidémies à coronavirus qui nous touchent depuis le début des années 2000 : SRAS, MERS, et le tout nouveau SARS-CoV-2 – provoquant le Covid-19 –, qui a mis notre monde à l’arrêt.

Ces pandémies auront souvent induit de véritables bonds scientifiques, comme la vaccination (la toute première en 1796, contre la variole), arme majeure de l’immunité collective et de l’éradication des agresseurs. C’est le cas avec celle du Covid-19 et l’apparition de vaccins ARN de première génération, révolutionnaires dans leur approche.

Toutes les épidémies ne changent pas le monde de la même manière. La peste noire (1347- 1352) tua entre un tiers et la moitié des Européens. En moins de cinq ans… Pour de nombreux chercheurs, le bacille provoqua in fine la chute de l’ordre moyenâgeux. Et de nouvelles recherches assez stupéfiantes estiment que ces épisodes de peste dévastateurs auraient pu atteindre l’Afrique subsaharienne (via l’Afrique du Nord), provoquant de graves ruptures démographiques et structurelles tout au long du XIVe siècle. Les civilisations incas et mayas ont été détruites aussi par l’arrivée des germes portés par des conquistadors avides. Le paludisme aura, lui, décimé les troupes coloniales aux quatre coins du monde, ralentissant souvent leurs avancées vers l’intérieur des terres. Les vagues de choléra du XIXe siècle provoqueront une véritable prise de conscience sanitaire. Et la grippe dite espagnole (mars 1918-juillet 1921) ravagera l’humanité (de 20 à 100 millions de décès selon les études) au lendemain d’une Première Guerre mondiale déjà particulièrement cruelle. Provoquant dans la foulée une éphémère valse des « années folles ».

La pandémie de Covid-19 laissera des marques profondes. Elle a touché au coeur le modèle de globalisation, d’urbanisation, de densification des échanges, des mouvements de populations, du tourisme, qui enrichit l’humanité depuis des décennies. Elle a percuté le mythe de sociétés occidentales invulnérables. La Chine, barricadée, en sort (provisoirement) grandie, mais c’est également le pays des origines de l’épidémie et des secrets qui l’entourent. Le Covid a stoppé net l’évolution positive d’un certain nombre de zones émergentes, l’Afrique en particulier. Le modèle global a déraillé, entraînant chômage, dette et désordres multiples. Enfin, surtout, les vaccins posent une question presque ontologique, celle d’un partage globale, à l’échelle de la planète, au-delà des frontières, des règles dictées par la puissance et la richesse. On ne pourra pas sauver les uns sans sauver les autres.

L’intensité et la fréquence de ces pandémies augmentent. Une situation liée aussi à la destruction des équilibres naturels. Comme jamais dans l’histoire, nous perturbons l’ordre de la nature, par la déforestation, l’urbanisation, l’impact de nos modèles de croissance. En ce mois de mai 2021, personne ne sait vraiment où va la pandémie (variants, résistance et adaptabilité des vaccins, nouveaux foyers, comme en Inde…). Il va falloir que l’on change, que l’on sorte des carcans conceptuels d’hier. Que l’on pense et agisse autrement. Que l’on génère du progrès pour tous avec d’autres méthodes. Les virus, le Covid, la protection de notre écosystème, le changement climatique, le mode de vie, le partage, tout est corrélé.