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Editos

Direction Kigali...

Par Emmanuelle Pontié - Publié en mai 2024
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On en parlait depuis des semaines. Et déjà, ce projet avait déclenché une levée de boucliers parmi les instances internationales. Dans la nuit du 22 au 23 avril, la loi imaginée par Rishi Sunak, Premier ministre conservateur britannique, a été adoptée. Dorénavant, les immigrés clandestins débarquant dans le pays seront reroutés vers le Rwanda, où Paul Kagame a déjà commencé à construire des infrastructures d’accueil. Les premiers vols groupés sont programmés pour juillet. En bref, pour ces pauvres gens qui fuient la guerre ou l’extrême pauvreté, embarquant sur des bateaux de fortune au péril de leur vie, c’est «retour à l’envoyeur».

À Londres, ceux qui soutiennent l’idée parient sur le fait que cette nouvelle mesure découragera les candidats à l’exil. Peut-être. Sûrement... Il n’empêche que cette loi est considérée par l’ONU et la plupart des associations pour les droits de l’Homme internationales comme une atteinte majeure aux droits humains. A minima. On peut aussi, pour l’anecdote, souligner que l’inventeur du projet est hindou, avec un père né au Kenya et une mère au Tanganyika, l’actuelle Tanzanie. Des origines d’immigrés, non?

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Au-delà de la grosse tache que laissera cette décision sur la réputation morale du Royaume-Uni, on ne peut s’empêcher ici de pointer encore et encore l’incroyable inefficacité des forces de police et autres contre les passeurs, qui continuent à spolier des migrants en les envoyant à la mort, s’engraissant en toute impunité sur leur triste sort. Et les premiers responsables sont aussi les pays pourvoyeurs, qui devraient avoir honte de voir leurs ressortissants quitter dans de telles conditions, déplorables, une terre invivable. Si elle est invivable, c’est à cause de politiques défaillantes et du mépris global des populations, des jeunes générations laissées à l’abandon, sans perspectives décentes. Sinon, on peut supposer aisément que ces dernières préféreraient travailler et se construire une vie chez elles, là où elles ont des racines et de la famille. Il est évident que la «bonne idée» britannique sert exclusivement les intérêts de Londres et ne résoudra en aucun cas la question des migrants dans sa globalité. La responsabilité est collective. Il est urgent de s’attaquer aux racines du mal, et de faire en sorte qu’il n’y ait plus de candidats à l’errance. Parce que l’ailleurs ne fera plus tristement rêver.