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Migrants

Droit dans la mer, droit dans le mur

Par Sabine.CESSOU - Publié en mars 2017
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Sans réflexion à long terme, la question des réfugiés ne trouvera pas de solution.

Les Nations Unies ont donné dans les premiers jours de janvier le bilan des morts noyés en mer Méditerranée en 2016 : 5 000 personnes. Le chiffre, sans doute sous-estimé, reste abstrait. Que sait-on de ces destins engloutis, de ces milliers de personnes qui ont décidé d’échapper à la guerre en Syrie, d’aller cueillir des fraises en Espagne ou faire la plonge en Italie au péril de leur vie ?

Dans ses vœux du nouvel an, l’ancien président du Sénégal Abdoulaye Wade a évoqué sa « contrition pour les jeunes morts en mer en raison de notre manque de volonté et de courage ». Il reconnaît son tort, sur le tard. Le problème reste entier, multiforme, global, lié bien sûr aux questions de gouvernance et de développement. Érythréens et Soudanais campent sur les trottoirs de Paris, mais personne ne s’intéresse à leur avenir. Ni même à leur sort, comme on l’a tristement vu à Venise fin janvier, lorsqu’un Gambien de 22 ans, Pateh Sabally, s’est suicidé, en se jetant dans l’eau glacée du Grand Canal, sous les yeux d’une centaine de badauds. « Laissez-le crever, au point où on en est », peut-on entendre s’écrier un Italien sur la bande-son d’une vidéo amateur de sa mort, après que des bouées lui ont été envoyées en vain.

Qui, en dehors de quelques militants, s’intéresse donc aux migrants ? En France, certains s’improvisent défenseurs des droits de l’Homme quitte à aller à l’encontre de la loi. Devenu emblématique d’une attitude qui ne fait pas beaucoup d’émules, Cédric Herrou, 37 ans, agriculteur français de la plaine de la Roya, a écopé début janvier de 8 mois de prison avec sursis pour avoir hébergé chez lui des migrants. Des artistes prennent eux aussi position. Les uns ont tenu un atelier sur l’eau à Dakar, à l’initiative du plasticien Kader Attia, et les autres une « Constituante migrante » au Centre Pompidou, à Paris, portée par Aliocha Imhoff et Kantuta Quiros, deux commissaires d’expositions européens. Cette assemblée d’intellectuels, parmi lesquels figuraient les écrivains Sami Tchak, Abdourahman Waberi et Dorcy Rugamba, a rédigé des propositions de loi, qui seront portées par la plateforme artistique « Le peuple qui manque ». Leurs effets concrets risquent fort de se faire attendre.

Pour le reste, dans les médias comme dans le débat politique, tout se passe comme s’il ne fallait jamais traiter que le présent. Or, la moitié des nouveaux arrivants sur le marché du travail mondial en 2035 viendra d’Afrique subsaharienne, selon le FMI.

Si rien n’est fait, et de toute urgence, c’est l’Europe et l’Afrique qui iront ensemble droit dans la mer (et dans le mur.) Des pansements sont certes posés, avec le système Frontex de surveillance des côtes. Mais aucune réflexion d’envergure n’est faite sur la réforme des systèmes d’enseignement au sud du Sahara, incapables de satisfaire les besoins du marché du travail.

Pire, Bruxelles continue de poser des ultimatums, pour contraindre les récalcitrants à signer des Accords de partenariat économique (APE) qui peuvent précipiter la chute collective de l’Afrique et de l’Europe. En ouvrant la porte aux produits européens sur les marchés subsahariens, pour des gains de court terme, l’UE va tuer dans l’œuf l’industrialisation du continent. Seule la Tanzanie, clairvoyante, refuse les APE. Un pays qui accueille des centaines de milliers de réfugiés venus du Burundi et de la République démocratique du Congo (RDC), et dont les ressortissants n’éprouvent pas le besoin de se jeter dans la mer, pour fuir une existence de mort-vivant.