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Fabrice Eboué : « Ma seule censure est le rire du public »

Par Michael.AYORINDE - Publié en février 2011
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Aucun doute que cet humoriste remarqué par les deux stars du PAF, Marc-Olivier Fogiel puis Laurent Ruquier, continuera à faire parler de lui après sa tournée qui se terminera au Bataclan. Il part dans quelques jours sur le tournage de son premier film, coécrit avec son ami Thomas Ngijol. Entretien.

Cette envie de scène était plutôt inédite lorsque l’on pense à votre background !
C’est vrai, j’ai passé mon enfance et mon adolescence à Nogent-sur-Marne dans un milieu intellectuel, entouré d’une mère institutrice et d’un père, d’un frère et d’une soeur gynécologues. Ce qui laisse deviner d’intéressantes conversations pendant les dîners familiaux. J’ai donc évolué dans un univers très porté sur les études. Professionnellement, je viens du fond de la classe ! Je suis un autodidacte, rentré dans ce métier par une suite de réels hasards. Des scènes à droite à gauche, des festivals d’humour en France et ailleurs. Jusqu’à la première programmation au théâtre des Blancs-Manteaux, à Paris. Le choix du rire s’est imposé naturellement. La dérision est ma logique. J’ai essayé de résister parce que c’est relativement ringard d’avouer vouloir être comique. Mais foncièrement je savais ce que je voulais.

Comment avez-vous abordé ce dernier spectacle ?
Je prends beaucoup de notes pendant mon temps libre. Je m’inspire plus de la société que du quotidien, je ne suis pas un chansonnier. J’aime tirer le drôle à partir du tragique, du pathétique, du négatif. Je me dois d’être à l’affût de tout pour nourrir mes spectacles.

Y compris pour nourrir vos interventions télé et radio ?
Avec du bon et du mauvais, forcément ! J’ai été propulsé sur la scène médiatique dans une des émissions en direct les plus difficiles, « T’empêches tout le monde de dormir » sur M6, présentée par Fogiel, et je pense m’en être sorti avec les honneurs, et quelques bémols. Ma position était particulière : invité à un dîner, mais à dix mètres des invités ! Je me suis tout de suite donné une posture d’électron libre. Cette expérience m’a beaucoup appris sur le jeu et les enjeux de la TV. Indispensables. Petit à petit, tu appartiens au paysage audiovisuel et ta vie change.

Vos textes et votre jeu de scène ont beaucoup évolué…
À mes débuts, j’étais dans le sketch pur, le déguisement, le café-théâtre, en maillot de bain sur scène. Avec Jamel, je suis passé au stand-up, plus naturel, je me suis déridé. Aujourd’hui, entre le stand-up et le théâtre, je suis plus moi-même.

À votre avis, votre place dans l’humour français est-elle celle du comique cynique, dans la lignée d’un Dieudonné ?
Toute la génération des comiques français qui cartonnent actuellement a été marquée du sceau Dieudonné. On retrouve ses gimmicks, son jeu scénique chez Florence Foresti ou Jamel. C’est quelque chose que j’admire avec toute la retenue que cela implique ! Je ne suis pas consommateur de comiques, mais j’apprécie beaucoup Thomas Ngijol, Stéphane Guillon. J’aime les doubles sens, le rire sociétal. J’ai un humour engagé et ma seule censure est le rire du public.

Vous êtes certainement le moins show-off de la troupe du Jamel Comedy club. Où en êtes-vous ?
J’ai une vie très commune, sans mondanités. Dans le show, je suis très à l’aise, dans la vie, plutôt  observateur. Aujourd’hui, après quatre ans ensemble et notre dernier projet commun, Inside Jamel Comedy Club, la série diffusée sur Canal+, chacun fait son chemin, mais le lien est indéfectible. J’ai coécrit et mis en scène le spectacle de Claudia Tagbo, Claudia Comedy Gospel, et mis en scène la pièce d’Amelle Chahbi et Noom, Amour sur place ou à emporter. Et très naturellement avec Thomas [Ngijol], nous avons coécrit un film que nous tournons dans peu de temps entre les Antilles et la France. C’est l’histoire de deux demi-frères que tout oppose à la recherche de leur identité. Mon premier métier est l’écriture. Être comédien est un bonus pour moi.

Vous ne revendiquez pas vos racines camerounaises. Estimez-vous que ce n’est ni votre combat, ni votre créneau ?
Le contenu de mon spectacle est très axé sur la société française, ce qui est dur à exporter. Par exemple, lorsque j’ai joué au Canada, il a fallu que je réadapte les textes. La notion de francophonie ne suffit pas. Chaque humoriste en parlant de lui, parle de sa communauté. Et c’est volontairement que je ne revendique pas le Cameroun dans mon spectacle. Ma famille a émigré en France, a subi la colonisation, ce qui a influencé mon éducation et c’est quelque chose que je partage avec ma génération. Je veux partager cette base commune avec le plus grand nombre. Aujourd’hui, j’existe au-delà du Jamel Comedy Club, au-delà de l’émission de Fogiel, au-delà des étiquettes, grâce à ma force d’adaptation. Je passe d’un milieu à l’autre. C’est ça, le métissage !

Propos recueillis par Anne Priso