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Gaël Faye, l’amour des mots dits

Par Sabine.CESSOU - Publié en octobre 2016
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Une mère rwandaise, un père français, une naissance au Burundi… Après s’être révélé sur scène, le jeune chanteur et rappeur fait une entrée tonitruante sur la scène littéraire . Son premier roman, Petit pays, est plébiscité par tous. Portrait.
 
Rappeur et slameur sensible de 34 ans, le francorwandais Gaël Faye fait inévitablement penser à Stromae – même génération, physique de beau gosse et parcours musical… Il se démarque aujourd’hui en tant qu’écrivain. Son premier roman, Petit pays (Grasset), a reçu le prix du roman Fnac – premier de la rentrée littéraire – et a été présélectionné pour les prix Goncourt et Médicis. Ses souvenirs d’enfance au Burundi sur fond de tension croissante au Rwanda, avant l’exil en France, alimentent un récit qui sonne juste. Aussi juste que sa chanson Petit pays, écrite en 2012 pour un album intitulé Pili-pili sur un croissant au beurre. Extrait : « Une feuille un stylo apaisent mes délires d’insomniaque / Loin dans mon exil petit pays d’Afrique des Grands Lacs / Remémorer ma vie naguère avant la guerre / Trimant pour me rappeler mes sensations ce rapatriement / Petit pays je t’envoie cette carte postale / Ma rose mon pétale mon cristal ma terre natale. »
 
Son narrateur, Gabriel, garçon métis, semble le placer dans le registre de l’autofiction. D’autant que Gaël Faye, né en 1982, a quitté le Burundi à 13 ans, en 1995, pour la France de son père. Impression trompeuse, qui a laissé supposer à certains critiques une oeuvre éminemment « thérapeutique », compte tenu du déferlement de violence dans les Grands Lacs des années 1990.
 
Méprise ! L’auteur a rectifié sur les ondes de RFI : « Je n’ai absolument pas vécu ce que traverse le personnage. » Et d’une. « Je n’ai pas eu besoin de ce livre pour déposer un fardeau ou pour être dans une forme de thérapie par l’écriture. » Et de deux. La musique, en effet, lui avait déjà permis de franchir ce cap. Il explique avoir surtout écrit par plaisir, pour se replonger dans le passé et faire « surgir un monde disparu ».
 
D’une écriture simple, ponctuée de phrases courtes, Gaël Faye souligne par endroits, l’air de rien, une gravité presque banale dans les Grands Lacs. Au sujet de sa mère rwandaise après le génocide : « J’ai fini par accepter son état, par ne plus chercher en elle la mère que j’avais eue. Le génocide est une marée noire, ceux qui ne s’y sont pas noyés sont mazoutés à vie. »
 
Autre réflexion inspirée par un séisme à peine ressenti : « Les hommes de cette région étaient pareils à cette terre. Sous le calme apparent, derrière la façade des sourires et des grands discours d’optimisme, des forces souterraines, obscures, travaillaient en continu, fomentant des projets de violences et de destruction qui revenaient par périodes successives comme des vents mauvais : 1965, 1972, 1988. » À quoi l’on pourrait rajouter 1993 et 2015. En le refermant, on espère que ce livre incitera une plus large opinion à se préoccuper du Burundi d’aujourd’hui, en crise.