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Découverte / Côte d’Ivoire

Georgette Zamblé
«Pour une politique nationale de l’égalité des chances»

Head of Exploration dans le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD)

Par Dominique Mobioh Ezoua - Publié en juillet 2024
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Issue de la société civile et psychologue de formation, elle est spécialiste du genre. Depuis plusieurs années, elle milite pour un plus grand leadership et une meilleure autonomisation des femmes, en particulier dans le monde rural.

AM: Vous œuvrez à une plus grande représentativité de la femme dans l’espace public, tant en Côte d’Ivoire qu’ailleurs en Afrique. Pourquoi est-il important de mener cette bataille? ​​​​​​​

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Georgette Zamblé: Le fait que les femmes soient représentées dans l’espace public est d’abord et avant tout un droit humain. Il est fondamental que la société dans son ensemble les accepte sans discriminations. Il s’agit de la reconnaissance de leur valeur. Cela concerne aussi la participation active des femmes à la vie publique et au développement socio-économique. Ce qui suppose la déconstruction de stéréotypes et autres clichés de genre, ainsi que des normes et limites qui leur sont imposées.

On parle de plus en plus d’égalité hommes-femmes dans le monde. Qu’en est-il en Côte d’Ivoire?

Le pays s’est engagé à faire élaborer une politique nationale de l’égalité des chances, de l’équité et du genre, applicable dans les programmes et les projets de développement, concernant tous les secteurs de la vie publique. Cela s’était traduit dès 2007 par une déclaration solennelle des autorités ivoiriennes. Des textes et d’autres mesures ont été votés par la suite. C’est ainsi qu’un document de politique nationale sur l’égalité des chances a été rédigé, rappelant la nécessaire prise en compte de la dimension du genre à tous les niveaux du processus de développement du pays. Cependant, les pesanteurs socioculturelles sont toujours là, dominées par la pensée patriarcale. Il faut noter également la faible capacité à intégrer la question du genre dans la planification du développement. Cela nécessite, en effet, et au-delà des explications sur le plan national, le déploiement d’outils simples pour faciliter l’intégration des femmes. Afin qu’elles accèdent au contrôle des ressources, participent davantage aux instances de décisions, à la vie publique, etc.

Le gouvernement ivoirien a mis en œuvre de nouvelles lois depuis 2019, dans le but de mieux protéger la femme. Notamment au niveau du mariage ou encore de sa représentativité dans l’espace public. Selon vous, est-ce suffisant? Dans le cas contraire, que reste-t-il à faire?

​​​​​​​Plusieurs lois existent d’ores et déjà. Elles ont été renforcées pour protéger les femmes et promouvoir leur égalité avec les hommes. Il s’agit notamment de la loi n° 2019-870, qui impose un quota de 30% de femmes dans les listes de candidats aux élections législatives et locales. Mais également la loi du 26 juin 2019, qui offre aux femmes mariées la possibilité de ne pas porter le nom de leur mari, et qui interdit le mariage aux mineurs. Et encore la loi n° 2019-574, qui criminalise le viol avec des peines pouvant aller de cinq à vingt ans d’emprisonnement, voire la prison à vie dans certains cas. Et enfin, il faut citer la loi qui protège les droits des femmes enceintes sur leur lieu de travail. Je salue ici toutes les forces vives qui ont contribué à leur élaboration. La question reste de savoir comment ces dernières sont effectivement appliquées au quotidien. Car, malgré leur existence, des filles et des femmes continuent d’être victimes de diverses formes de discriminations. On assiste encore à la banalisation des violences, simplement parce qu’elles sont subies par des personnes de genre féminin. Il faut admettre que les lois sont faites par des humains, pour des humains, et ce dans des contextes dynamiques. Elles ne sont donc ni infaillibles ni figées, tout comme les traditions, et doivent en permanence être revisitées pour s’adapter aux réalités du moment. Dans la mesure où l’idée explicite est d’éradiquer des maux, certaines lois doivent par exemple être suivies de mesures d’application plus dissuasives et plus répressives. Enfin, il faut continuer de vulgariser celles existantes par des canaux appropriés, pour davantage faire connaître les droits des femmes à tous les publics, y compris aux personnes du milieu rural.

D’après vous, quels sont, à ce stade, les combats menés dans ce sens qui ont abouti positivement?

La loi fondamentale de Côte d’Ivoire a été revisitée en 2016, dans le but d’intégrer la parité. Même si certains des aspects qui en découlent mériteraient encore d’être améliorés, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un exemple à suivre. Et tout cela est bel et bien le résultat de plusieurs années de plaidoyers de la société civile, ainsi que de concertations entre les pouvoirs publics et le secteur privé.

Vous avez lancé le réseau LeadAfricaines. Dans quel but?

J’ai fondé LeadAfricaines en 2011. Par la suite, je l’ai dirigé pendant huit ans, avant de passer la main à Karidja Tanou, une consœur experte, et ce dans le but de bien marquer notre adhésion au leadership. C’est la vision d’une Afrique juste et équitable, où les femmes, qu’elles évoluent en milieu rural ou urbain, osent entreprendre avec dignité et ambition et participent à la gouvernance. La mission de ce réseau est d’apporter aux femmes et aux jeunes filles les plus défavorisées des opportunités qui leur permettent d’être autonomes, et ce afin qu’elles investissent les sphères de décision, puissent s’y réaliser et y demeurer, en vue d’une égalité de genre.

Portrait

Georgette Zamblé est docteure en genre et en autonomisation durable en milieu rural. Titulaire, entre autres, d’une maîtrise en psychologie, communication et leadership, elle cofonde, portée par son engagement, la communauté des Praticien·ne·s du genre en Côte d’Ivoire. Elle est aussi experte au sein du programme OKS (Organizational Knowledge Sharing) de la Banque mondiale. Depuis 2019, elle travaille pour le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Georgette Zamblé est également officier dans l’Ordre du mérite ivoirien, fondatrice de la plateforme LeadAfricaines et écrivaine. En mars dernier, elle a sorti un ouvrage, La Femme de mes rêves, aux éditions Mouna, à Abidjan.