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Henri Muyiha

Par Sabine.CESSOU - Publié en avril 2016
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SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA COMMISSION ÉPISCOPALE POUR LES RESSOURCES NATURELLES (CERN)

« Quand on a du pétrole, on n’a pas de démocratie »

Lancée en 2007 par la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), la Cern est une ONG qui sensibilise de la base au sommet pour une meilleure gestion des mines et des forêts.

AM : Qu’est-ce qui a changé dans l’exploitation des minerais « du sang » au Nord-Kivu depuis la défaite du M23 en octobre 2013 ?
Henri Muyiha : Les groupes armés sont loin d’avoir disparu sur le terrain et diverses milices continuent d’assurer la sécurité des opérations minières dans cette province. Nous redoutons la résurgence du M23, sous une forme ou une autre.

Que faut-il faire pour remettre le pays sur les rails ?
Poursuivre le processus de démocratisation, avec de nouvelles réformes qui permettraient de restaurer l’autorité de l’État sur tout le territoire. Encore faudrait-il que la communauté internationale ait la même vision de la démocratie pour tous les pays de la région. Les efforts qu’elle demande à la RDC en matière de droits humains et de liberté d’expression doivent être exigés tout autant de l’Ouganda, du Rwanda et du Burundi. Sinon, l’impression qui domine est qu’on a la possibilité de faire ce qu’on veut avec un système dirigiste, mais qu’il est par moments difficile d’avancer avec une jeune démocratie comme la nôtre. Un état de fait qui peut être décourageant et amener certains à se demander si la démocratie en vaut la peine…

Comment voyez-vous l’évolution politique de la région ?
Partout se pose la question du troisième ou du énième mandat. Ici, le ministre de la Défense est intervenu au Parlement pour dire aux députés de la part du président : « Arrêtez vos histoires, c’est maintenant qu’on a trouvé du pétrole que vous voulez me dire de partir ! » Angola, Tchad, Congo, Soudan du Sud… Quand on a du pétrole, on n’a pas de démocratie – sauf au Ghana et au Nigeria. Si l’on veut que la région se stabilise, il faut en tenir compte.

Quel est votre message à la communauté internationale ?
Chacun peut gagner sa part du gâteau, mais qu’on nous aide à rétablir l’autorité de l’État ! Dans le classement de l’indice de développement humain (IDH), la RDC est passée de la 184e à la 174e place sur une liste de 188 pays. Elle a avancé, mais peut mieux faire. Nous avons réussi à stabiliser le franc congolais, la devise nationale, depuis plus de cinq ans. Des entreprises travaillent dans l’est du Congo, comme Kibali (anglo-sud-africain) et Banro (canadien) dans l’or, Alphamin (canado-sud-africain) dans l’étain. Total a un permis d’exploration sur un gisement de pétrole situé en partie sur le parc national des Virunga, à la frontière avec l’Ouganda. Nous avons besoin des majors pour ramener la paix autour de l’exploitation minière.

Quel est le principal problème en RDC aujourd’hui ?
Joseph Kabila doit partir ! L’autre problème, c’est le Rwanda : il faut préparer l’après-Kagamé. Quand ce bouchon va sauter, que va-t-il se passer ? Que vont faire les gens qui se sentent opprimés dans ce pays ? Est-ce qu’on veut la paix dans la région ? Voilà les questions que les Congolais se posent, à Kinshasa comme à Goma.