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Cinéma

I'm Not a Witch : le camp des sorcières

Par Jean Marie Chazeau - Publié en juin 2017
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I Am Not a Witch, film zambien très remarqué au festival de Cannes, raconte comment une orpheline accusée de faits abracadabrants se retrouve internée. Une belle claque aux peurs ancestrales.

Des touristes européens (et africains) derrière une grille demandent à prendre en photo des femmes au visage peinturluré de blanc : nous sommes à l’entrée d’un camp de sorcières, et ce relent de zoo humain ouvre le premier film très original de Rungano Nyoni. Des sorcières parquées, « cela existe surtout au Ghana, explique la cinéaste zambienne, c’est encadré par le gouvernement depuis plus de cent ans. En Zambie, où l’État laisse beaucoup de pouvoir aux chefs locaux, c’est surtout en zone rurale qu’on peut en trouver : l’un de ces chefs fait même travailler des “sorcières” dans son palais… ».

Presque toujours des femmes, vite accusées de sorcellerie par une belle-famille qui veut récupérer la part d’une veuve, ou par un gendre trop heureux de se débarrasser ainsi de sa belle-mère ! « Pour moi, ce film est un conte de fées, j’ai mixé des faits réels et de la fiction », ajoute Rungano Nyoni. Elle a choisi de se concentrer sur une petite fille d’à peine 9 ans, abandonnée et mutique, arrivée dans un village où sa présence effraie les femmes qui vont chercher de l’eau au puits.

S’ensuit une enquête et un procès expéditifs mais plutôt cocasses (le comédien qui incarne le représentant du « ministère  du Tourisme et des Croyances traditionnelles » est très drôle). Baptisée Shula (« la déracinée ») par les femmes de ce camp de travaux forcés, elle se retrouve comme elles attachée par un long ruban blanc relié à une énorme bobine installée sur un camion orange… pour ne pas s’envoler.

 Visuellement, au milieu de la savane zambienne, l’effet est très réussi, et pour la cinéaste, « la situation est tellement absurde que le film va vers l’absurde… ». Le ton n’est pourtant pas si léger, plusieurs scènes montrent le poids des superstitions aujourd’hui, jusque sur le parking d’un supermarché. Et la petite fille au cœur du film est magnétique.