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Parcours

Juste parfait

Par Astrid Krivian - Publié en mai 2023
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« S’il ne va pas développer un pays, un sketch peut toutefois faire bouger les mentalités. ».RINALDI
« S’il ne va pas développer un pays, un sketch peut toutefois faire bouger les mentalités. ».RINALDI

L’humoriste congolais est l'une des étoiles montantes du rire. Entre décontraction et folie douce, avec ses interprétations truculentes, il pose un regard désopilant sur ses contemporains et son pays.

Ses prénoms pourraient l’assigner à l’excellence, mais Juste Parfait Menidio, de son vrai nom, a choisi de cultiver l’autodérision. Ce grand échalas (1 m 96 pour 65 kg) s’est même trouvé le surnom de « smartboy » : « Tel un smartphone, je suis long et plat ! » explique en raillant le comédien congolais, actuellement à l’affiche de la série Kongossa Lounge. Adepte de l’humour d’observation, il puise sa matière à rire dans son quotidien à Brazzaville, brossant un portrait cocasse de la société. « Mes sketchs sont tirés du vécu d’un Congolais lambda. Je vis dans le quartier très populaire de Bacongo, celui des sapeurs [le nom des membres de la SAPE, la Société des ambianceurs et des personnes élégantes, ndlr]. Une énergie inspirante ! » Tandis qu’il planche à l’écriture de son cinquième spectacle, il a joué pour la première fois en Europe (au festival Lillarious à Lille, à Paris, et à Bruxelles) en début d’année. Et s’est familiarisé avec un public différent, qui «écoute, rit, puis applaudit ». Avant d’ajouter : « En Afrique, il communie avec l’artiste, l’interpelle… On débat, c’est de l’inattendu ! »

Enfant, à Pointe-Noire où il grandit, Juste Parfait se rêvait d’abord président de la République du Congo, pour améliorer la vie des citoyens. Profondément marqué par la guerre civile de 1997, il en garde un rejet viscéral pour toute forme d’intolérance et de violence : « Avoir vécu les ravages de la haine, du tribalisme, du racisme, vous apprend à les éviter. » Au collège et au lycée, il est l’agitateur de la bande, l’esprit espiègle toujours prêt à dégainer une vanne. En vue de devenir avocat, il fait ses premiers pas sur scène dans un atelier théâtral, apprivoise la prise de parole en public, l’art de l’éloquence, la maîtrise du trac. Poussé par son père, ce jeune polyglotte (lingala, kituba, lari, français, anglais, portugais, mais aussi quelques notions de chinois…) poursuit finalement des études supérieures de traduction-interprétation à Johannesbourg, en Afrique du Sud. C’est là-bas qu’il découvre la magie du stand-up, au Joburg Theatre : l’évidence de sa vocation d’humoriste s’impose.

De retour à Brazzaville en 2013, il écrit et rode ses sketchs, écumant les scènes de la capitale. Il participe au festival tuSeo, suit des séminaires d’art dramatique, intègre le collectif de comiques Brazza Comedy Show. En 2017, il décroche le Graal de tout humoriste africain francophone : une participation à l’émission référente Le Parlement du rire (diffusé sur Canal+ Afrique). Un accomplissement qui lui fait gagner en visibilité. Aux blagues clivantes, ce jeune talent préfère rassembler les publics de 7 à 77 ans, de classes sociales, confessions et ethnies différentes. Il évite d’aborder certains sujets, susceptibles selon lui de heurter ou de susciter des incompréhensions, voire des polémiques. Ce qui ne l’empêche néanmoins pas de parler de politique. « En me glissant dans la peau d’un humoriste, j’ai le courage d’exprimer mon avis, ma vérité, sans choquer. Mon message passe. » Thérapeutique d’un point de vue personnel, le rire est également salvateur pour la société : « Je me sens utile, car je réunis des Congolais en égayant leur quotidien. S’il ne va pas développer un pays, un sketch peut toutefois faire bouger les mentalités. Notre peuple rassemble plusieurs dizaines d’ethnies : ayons conscience que la différence est une richesse. On a tous à y gagner. »