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Kamel El Harrachi : sur les traces du père...

Par Michael.AYORINDE - Publié en février 2011
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AH, LE FAMEUX syndrome du « fils de... » ! Avec ses héros qui sont finalement parvenus à exister « à côté » ou ses galériens qui ne sont jamais tout à fait parvenus à « tuer le père ». Avec son lot de drames ou de hauts faits. Kamel, 36 ans, a un passeport pour le succès : il est le rejeton du grand Dahmane El Harrachi, feu le maître incontesté du chaâbi – cette musique populaire algéroise –, idole des mélomanes maghrébins et moyen-orientaux. Et pourtant, à l'entendre, Kamel ne correspond pas à ce que l'on attend d'un « fils de ». Peut-être parce que son géniteur n'entrait, lui aussi, dans aucune catégorie de stars : émigrer en France et interpréter des chansons dans des cafés de travailleurs enfumés de blues entre deux chantiers de BTP, ça remet sacrément en question le statut de vedette ! Et puis, il était absent mais aussi extraordinairement présent.

Rentré à Kouba, quartier populaire de la capitale algérienne, le Baudelaire maghrébin devenait papa poule. « Il ne bougeait plus du pavillon, il était entièrement à nous. C'était un père magnifique, il était sensible et strict à la fois. Il ne voulait pas que mes frères, ma sœur et moi, on joue dans la rue. » Et, bien entendu, il ne cessait d'encourager sa nichée à faire de bonnes études.

Mais le fiston, né à Alger, vivant aux côtés de sa mère, qui ne comprendra ce que représentait Dahmane que lorsqu'il le suivra, enfant, dans l'hystérie de ses concerts algérois, peu de temps avant sa mort en 1980, n'ira pas jusqu'au bac. La faute à la musique. Après moult cris et pleurs du gamin, le père consentira finalement à lui acheter une mini-guitare... à 6 ans. Il fera ses gammes en écoutant ses disques. Comment voulez-vous alors qu'il s'intéresse à autre chose qu'au châabi ? Le jeune homme en tenue mondialisée, jean et veste de training, aime, certes, le reggae, mais son truc, c'est ce bon « vieux » châabi et la beauté de ses textes. « J'ai vraiment compris sa force quand j'ai vraiment compris les poèmes de mon père. Cette musique vient de l'arabo-andalou, mais avec une liberté d'improvisation, sur la scène, qui est géniale, qui te permet de t'évader. »

Alors, il s'évade, depuis ses 12 ans, en jouant dans des mariages ou des fêtes de lycée. Il finira par s'installer à Paris, en 1996, pour poursuivre sa carrière et, surtout, enregistrer un premier album, Ghana Fenou, qui vient de sortir. Un disque attachant, pour moitié hommage à son père, avec l'incontournable interprétation de « Ya Rayah », chanson devenue tube international par la grâce de l'adaptation de Rachid Taha, en 1998. « Je sais qu'un jour, tu vas prendre ma place », lui avouera, un jour, son idole de père. Ce n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd !

Par Jean-Michel Denis