Aller au contenu principal
Parcours

Karine Pédurand

Par Astrid Krivian - Publié en avril 2024
Share

La comédienne Française d’origine guadeloupéenne incarne avec puissance les textes de Léonora Miano dans le spectacle Ce qu’il faut dire. Une performance saisissante qui explore l’histoire du colonialisme, son héritage, les assignations identitaires.

Karine Pédurand. DR
Karine Pédurand. DR

La comédienne porte à incandescence les mots puissants de Léonora Miano dans le spectacle Ce qu’il faut dire, mis en scène par Catherine Vrignaud Cohen. En dialogue avec le jeu expérimental de la guitariste Triinu Tammsalu, Karine Pédurand incarne avec force et justesse ces textes explorant le colonialisme et son héritage, les assignations identitaires, la relation entre l’Afrique et l’Occident, l’altérité, les mémoires. À travers une amplitude d’émotions, tantôt avec malice, révolte ou apaisement, elle navigue sur une ligne ténue, évitant l’écueil du didactisme et donnant vie à cette parole politique, consciente, spirituelle. «Les questions soulevées font écho à mes réflexions sur ma position dans ce monde, en tant que femme guadeloupéenne, caribéenne, française. Partir de soi est nécessaire pour trouver la justesse. Le plateau impose une mise à nu: il faut donc proposer de l’intime», souligne l’actrice, qui s’interroge notamment sur le sens de cette classification des êtres selon leur couleur de peau. «On nous impose des appellations, accompagnées de concepts de race, de couleur, d’idéologie, de caricatures, lesquels ne nous définissent pas, ne nous correspondent pas.» Sensible à la nécessité de fraterniser, elle insiste sur l’importance de réfléchir ensemble aux enjeux de mémoire collective, comme le déboulonnage des statues. «Les héros des uns sont parfois les bourreaux des autres. On doit tous mener une réflexion sur ces questions de représentation, de mémoire à mettre en avant.»

L’actrice grandit en Guadeloupe, dans un quartier populaire de Pointe-à-Pitre. À la maison, avec des parents ouverts sur le monde, on écoute du gwoka une musique traditionnelle de l’île, du zouk, du jazz, de la chanson française ou brésilienne. Marionnettiste, son père l’initie aux arts de la scène. Mais c’est une fois adulte que les planches s’imposent à elle, après une carrière dans la communication et l’événementiel, et à la télévision, en tant qu’animatrice. Lors d’un stage de théâtre, elle se sent dans son élément. Elle approfondit l’apprentissage auprès du metteur en scène et comédien Alain Verspan, qui lui apprend à respirer, à projeter sa voix, à maîtriser le placement de son corps dans l’espace déjà amorcé grâce à la danse, qu’elle pratique en amateur. Après avoir donné une représentation de Pluie et vent sur Télumée Miracle, de Simone Schwarz-Bart, qui laisse le public sans voix et saisi d’émotion par sa vibrante interprétation, la comédienne réalise la puissance de cet art. À l’école du TVI Actors Studio à New York, elle apprend plusieurs méthodes de jeu, puis se forme au conservatoire Jean Wiéner de Bobigny, en France, dont elle sort diplômée avec les félicitations du jury. Depuis, elle multiplie les rôles au théâtre, au cinéma notamment dans 3 Days To Kill, avec Kevin Costner , et nourrit l’envie de travailler en Afrique. Elle a déjà foulé les planches au Bénin, en 2016. «Très émue, je me suis sentie à la maison, tout en étant très loin de chez moi», confie celle qui retrace aussi son histoire familiale faite de métissages. «Comme l’affirme Ce qu’il faut dire, nous sommes nos ancêtres et notre descendance. Ce devoir de mémoire, cet hommage à nos aïeux est indispensable.»