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XAVIER THOMAS
XAVIER THOMAS
Musique

Kokoko!
Kinshasa
dans tous ses états

Par Sophie Rosemont - Publié en juillet 2024
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Avec son deuxième album, Butu, le collectif congolais revient plus en forme que jamais, la musique se muant en œuvre hybride, entre ancestrales sonorités africaines, électro et kwaito…

​​​​​​​AM: De quoi s’inspire Butu?

KOKOKO! Butu, Transgressive/ Pias.DR
KOKOKO! Butu, Transgressive/ Pias. DR

Kokoko!: «Butu» signifiant la nuit en lingala, le disque s’inspire de ce qu’il se passe à Kinshasa du coucher au lever du soleil. C’est une ville très animée, habitée par 18 millions de personnes, et la nuit tombe tôt toute l’année, vers 18 heures, car elle est proche de l’équateur. Alors les sens sont en éveil, les sons semblent plus forts et une énorme quantité de personnes se précipitent pour faire les dernières courses ou activités avant qu’il ne fasse vraiment très sombre, à cause des fréquentes et longues coupures de courant. On voit beaucoup de silhouettes, des phares de voitures, des parasols colorés avec une ampoule çà et là. Il y a du bruit partout: des vendeurs de rue qui disposent chacun de leurs propres alertes pour être entendus avant d’être vus, des boucles de mégaphone déformées, des klaxons de motos-taxis, des générateurs qui s’allument, etc. Butu reprend toutes ces sensations de la rue, ces fêtes qui se déroulent pendant la nuit. Il peut être surchargé, répétitif, comme un chaos organisé capable de susciter un sentiment de transe, d’excitation… et plus encore!

En quoi l’hybridité sonore est-elle cruciale dans votre musique?

Parce que sa combinaison d’ingrédients constitue notre originalité. Le mélange d’électronique, de sons saturés, d’enregistrements téléphoniques, de voix lingala et d’instruments DIY, de larges influences… Avec tout cela et l’énergie indéniable de Makara Bianko [performeur en chef de KOKOKO!, ndlr], elle doit être unique.

Comment décririez-vous votre lien avec Kinshasa?

Un mélange d’amour et de haine, de frustration et d’excitation. Même si elle est magique, la ville devient de plus en plus difficile à vivre: coupures de courant, mauvaises routes, manque d’argent… Elle peut devenir dangereuse à cause des kulunas (des gangs dont les membres sont reconnaissables à leur machette). En tant qu’artistes, on est en quelque sorte protégés, car les gens accordent de l’importance à la musique, mais la vie reste difficile. C’est pourquoi les habitants de Kinshasa s’échappent à travers l’art et la performance.