L’agriculture de demain
Portant à lui seul 40 % du PIB de la nation, le secteur doit à tout prix s’adapter, se moderniser, répondre aux défis de l’eau et du changement climatique.
Au Niger, la population vit principalement en zones rurales. L’élevage et les cultures de subsistance, comme le sorgho ou le maïs, qui constituent la base de l’alimentation, font vivre une part considérable des 25 millions d’habitants. Le secteur agricole représente 40 % du PIB, ce qui en fait le premier générateur de revenus pour les populations et pour l’État.
Or, chaque année, le pays perd 100 000 hectares de terres cultivables, et se trouve donc confronté à des défis majeurs en matière de sécurité alimentaire et de développement économique. Qu’ils soient environnementaux, démographiques ou infrastructurels, ces obstacles poussent le gouvernement à agir pour renouveler un secteur indispensable au développement. Deux tiers du territoire sont situés dans le Sahara, et seule une partie de la zone sud bénéficie d’un climat plus humide. Ainsi, 10 % seulement des terres sont exploitées. Mais les précipitations sont faibles et irrégulières, ce qui limite la croissance des cultures. Entre 2020 et 2021, la production de céréales a enregistré une baisse d’environ 40%. Le manque d’eau pose également problème. Les communautés sont forcées de trouver d’autres façons d’irriguer leurs terres une fois passée la saison des pluies, qui s’étend de juin à septembre. Enfin, la diminution des terres arables chaque année induit une réduction des aires de pâturage, alors même que le secteur de l’élevage représente plus d’un tiers du produit intérieur brut agricole.
Par ailleurs, le Niger est confronté à une pression démographique conséquente, et répondre aux besoins alimentaires de la population est un vrai challenge, d’autant plus que les effets du réchauffement climatique sont bien visibles. Les perspectives de développement du secteur agricole, sous sa forme traditionnelle, paraissent dès lors extrêmement faibles. Le déficit d’infrastructures pèse aussi dans la balance. Les réseaux de transport sont limités, et il est difficile d’acheminer les cultures vers les centres urbains et les marchés. Résultat : la moitié de la population souffre d’insécurité alimentaire, et le taux de malnutrition dans les zones rurales peut atteindre jusqu’à 40 %. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), la nation a été confrontée l’an passé à « une crise alimentaire sans précédent », du fait d’une mauvaise campagne agropastorale et de la crise des prix de l’alimentation, du transport et des engrais. Entre juin et août 2022, 4,4 millions de personnes se trouvaient en situation d’« insécurité alimentaire aiguë sévère ». Redescendu à 2 millions fin 2022, ce chiffre pourrait augmenter à 3 millions lors de la saison des pluies en 2023, affirme l’OCHA. Le bureau humanitaire de l’ONU précise que la crise aurait pu s’aggraver si le gouvernement n’avait pas été réactif. En effet, les autorités ont anticipé la crise dès la fin de l’année 2021, en annonçant un plan d’urgence, en plus du plan de soutien national annuel habituel, qui a grandement contribué à l’atténuation de la crise alimentaire.
CONSTRUIRE L’AVENIR
Plus globalement, l’enjeu consiste aujourd’hui à construire l’agriculture de demain – celle qui répondra aux besoins des 30 millions de Nigériens en 2030 (et 70 millions en 2050). Le ministre du Commerce Alkache Alhada a récemment souligné que le rebond du secteur minier et la structuration d’un secteur pétrolier fort permettront au pays de bénéficier de ressources pouvant transformer durablement le secteur agricole. Plusieurs projets phares allant en ce sens sont prévus par le Plan de développement économique et social (PDES) : une usine industrielle de production d’engrais (à partir du phosphate naturel de Tahoua), un programme de pôles agro-industriels, ou encore la promotion de l’irrigation et de l’utilisation de technologies innovantes. En effet, investir dans l’irrigation paraît crucial pour que le pays améliore sa production et réduise sa dépendance aux faibles précipitations, d’autant qu’il dispose de ressources en eau souterraine et de fleuves. D’après Alkache Alhada, la maîtrise de l’eau permettra d’atteindre l’autosuffisance alimentaire. En mars 2023, le Niger a signé avec la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) deux accords relatifs au volet agricole, à hauteur de 35 millions d’euros. Ces fonds permettront de financer le Projet d’aménagements hydro-agricoles avec des pratiques d’agriculture intelligente résilientes au changement climatique (PAHA-AIC), qui couvrira l’aménagement de 1 750 hectares de terres.
Autre chantier bien engagé, la construction du premier barrage hydroélectrique du pays à Kandadji, à 180 kilomètres au nord de Niamey, a été reportée à de nombreuses reprises, mais les travaux de construction ont pu démarrer en mars 2019. Ce dernier devrait être livré en 2025. D’une part, le complexe permettra au pays de minorer sa dépendance énergétique au Nigeria, d’où proviennent plus de 75 % de l’électricité consommée. Et d’autre part, il pourra faciliter l’accès à l’électricité (à peine 15 % de la population peut utiliser le courant, à l’heure actuelle). Ce barrage sera également à même de réguler l’écoulement des eaux du fleuve Niger, et ses crues parfois mortelles, qui ont lieu chaque année pendant la saison des pluies, diminueront. Quant aux rendements agricoles, ils seront favorisés par la création de 45 000 hectares de surfaces irriguées. Un motif d’espoir pour l’évolution de l’agriculture dans un pays où elle occupe une place on ne peut plus importante, que ce soit pour la population ou le gouvernement.