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JEUNESSE

L’emploi en priorité

Par zlimam - Publié en février 2016
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Ils ont eu cinq ans pour panser les blessures de dix années de crise socio-politico-militaire dans laquelle ils avaient, bien souvent, joué les premiers rôles. Aujourd’hui, ces jeunes, tous bords politiques confondus, ont une préoccupation commune avec Alassane Ouattara : arrêter d’associer « problèmes de jeunes » avec « problèmes d’emploi ».

Mamadou Touré, conseiller technique à la présidence en charge de la Jeunesse et des Sports, est catégorique : « Deux millions de postes ont été créés par le chef de l’État ces cinq dernières années. » Et son projet électoral, concernant la jeunesse, « a tenu toutes ses promesses ». Pour attester ses affirmations, il cite divers rapports de la Banque mondiale, du Bureau international du travail et de l’Agence d’étude et de promotion de l’emploi (Agepe). « Ce chiffre peut paraître surévalué pour certains mais il a été estimé à sa juste valeur après des études et enquêtes rigoureuses. Il est tout simplement insuffisant au regard des défis en la matière et nous en sommes conscients. Cela est dû à l’ampleur du retard qu’il y avait à rattraper. Nombreux sont ceux qui n’ont toujours pas de perspectives. » Mamadou Touré maîtrise plutôt bien le sujet. Depuis près de dix ans, ce quadragénaire montre un attachement manifeste à cette question, au point d’en être un spécialiste.

Les différentes résolutions des Assises de la jeunesse qu’il a lancées en 2009 ont participé à l’élaboration de la politique gouvernementale sur ce sujet. Ces rencontres, qui étaient perçues comme une activité politico-militante de jeunes proches du président Ouattara, ont gagné au fil des ans en contenu et en importance. Des institutions de référence telles que le Programme des nations unies pour le développement (Pnud), le Programme d’appui stratégique à la recherche scientifique (Pasres) et le National Democratic Institute (NDI) sont partenaires de ces Assises. Et si le ministère en charge de la Jeunesse a été détaché de celui des Sports et Loisirs pour être arrimé à celui de l’Emploi, c’est une avancée à mettre au profit de ces assises, « car la situation de la jeunesse dans nos États africains ne peut plus être dissociée de la problématique du recrutement », soutient avec assurance Mamadou Touré.

BATTERIE DE MESURES
Aussi, ces dernières années, de nombreuses mesures et dispositions ont-elles été activées dans ce sens. Le Code du travail du 2015, par exemple, dans son article 13.14, impose aux entreprises l’obligation de recevoir en stage des demandeurs d’emploi afin qu’ils puissent acquérir une qualification ou une première expérience professionnelle. « C’est une avancée notable, qui est passée quasi inaperçue. Il n’y a pas eu de communication autour et je n’étais pas informé. C’est tellement difficile de trouver ne serait-ce qu’un stage pour valider un simple brevet de technicien supérieur ! Depuis quatre ans, je suis à la recherche d’une entreprise pour valider mon BTS », déplore Fulbert Alain Konan, un jeune diplômé.

Les entrepreneurs profitent par ailleurs d’incitations et de procédures d’allégement fiscal pour embaucher et plusieurs programmes ont été créés. D’où la mise en place dès 2012 d’un Bureau de coordination de ces programmes, dirigé par Adama Bamba. Ainsi, 27 500 jeunes, avec ou sans diplôme, issus de toutes les régions du pays, ont pu profiter d’un appui au recrutement entre 2012 et 2015. Et 60 000 autres bénéficieront entre 2016 et 2019 du dispositif Programme emploi jeunes et développement des compétences (Pejedec). Prisca Yobouet Nda, une technicienne en électronique de 31 ans, est employée à la Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE) en contrat à durée indéterminée, qu’elle a obtenu par le biais du Pejedec, où elle s’était inscrite en 2012. Elle atteste de l’effort du gouvernement : « J’ai postulé sur le site sans vraiment y croire, puisque je ne connaissais personne, mais à ma grande surprise, j’ai été appelée par la Compagnie pour faire une formation, puis un stage et le Pejedec a pesé de tout son poids pour que la CIE puisse m’embaucher. »

SUJET À CRITIQUES
Du côté du ministère dirigé par Sidi Tiémoko Touré (voir page 108), une vaste opération de financements de projets, « Agir avec les jeunes », a été mise en place. « Sa destination est de gérer les financements nationaux, tandis que le Bureau de coordination s’occupe des financements internationaux », précise Adama Bamba. Comme il faut s’y attendre, ces nombreux programmes pour booster l’emploi font l’objet d’appréciations diverses. « Les agences et les projets ont des coûts en termes de location de locaux, d’achat de matériel, de masses salariales, de charges etc., sans aucun impact réel sur le chômage. Le président Ouattara devrait plutôt penser à libéraliser les secteurs de l’électricité, de l’audiovisuel, de l’aérien et des produits pétroliers. Créer des entreprises dans ces secteurs-là, c’est créer des emplois et permettre à des jeunes de sortir de la pauvreté », critique Nathalie Yamb, conseiller politique au sein de Liberté et démocratie pour la République (Lider), un parti d’opposition. Par ailleurs, continue-t-elle, « le chiffre de 2 millions qu’ont annoncé Alassane Ouattara et son gouvernement est optimiste. Aucune institution ne peut chiffrer les parties informelles de ces emplois créés ! Celles-ci ayant pour particularité d’être exclues de la base statistique ». Pour Mamadou Touré, « les programmes et initiatives en faveur des jeunes ont servi de fondement et d’ossature pour la redynamisation du secteur. Il s’agira de les renforcer et de les compléter par d’autres initiatives les cinq prochaines années ».  Edwige Ashe