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Une jeune femme dans le quartier des banques, au Plateau, à Abidjan. JIHANE ZORKOT
Une jeune femme dans le quartier des banques, au Plateau, à Abidjan. JIHANE ZORKOT
Découverte / Côte d’Ivoire

L’évolution sans complexe

Par Dominique Mobioh Ezoua - Publié en juillet 2024
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Les femmes représentent la moitié de la population ivoirienne. Pourtant, le chemin vers la parité économique, sociale et politique reste ardu…

Les chiffres sont parlants. La Côte d’Ivoire compte deux femmes présidentes de conseils régionaux et seize maires de commune. Par ailleurs, elles sont 34 députées (sur 255) et 24 sénatrices (sur un total de 99). Au regard de ce constat, les organisations sont nombreuses à agir pour plus d’autonomisation et de leadership, et ce sur plusieurs volets: la formation, le coaching, la capitalisation des bonnes pratiques, l’information et l’orientation des femmes. Pour Women Caucus for Lobbying-Côte d’Ivoire, comme pour d’autres structures de ce type, le simple fait de voir des femmes occuper des postes de pouvoir, participer à des débats publics ou s’engager dans des activités sociales peut en inspirer d’autres, et ainsi encourager la diversité. Exclure les femmes de l’espace public, leur ôter le droit de se déplacer librement et en toute sécurité, de travailler, d’étudier et de participer à la vie publique, pour les confiner dans la sphère privée… Tout cela limite leurs droits humains fondamentaux. La notion de genre, qui se définit comme une approche du développement, vise à réduire les inégalités sociales, économiques, politiques et culturelles entre les hommes et les femmes, entre les garçons et les filles. Dans le même temps, elle révèle les injustices et les discriminations qui sont encore tolérées dans divers contextes sociaux.

Les lois sur les violences faites aux femmes ont évolué dans le bon sens. Et l’on note également, à ce propos, un engagement plus fort et plus structuré des organisations au sein de la société civile.

UN ACCOMPAGNEMENT DE L’ÉTAT

Le gouvernement, avec ses partenaires nationaux et internationaux, dispose de programmes utiles, élaborés et déployés à travers des institutions financières. Les femmes qui en bénéficient sont essentiellement des personnes vulnérables, exclues des systèmes de financement des banques classiques.

Des mécanismes importants ont été mis en œuvre. Dans le domaine de la scolarisation et de l’alphabétisation de la jeune fille, par exemple, avec des activités d’animation menées dans les instituts de formation et d’éducation féminines (IFEF), ou encore par la mise en place de Fonds spéciaux dédiés à l’entrepreneuriat. Citons, entre autres, le Fonds novateur femmes et développement (FNFD) du ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfant (MFFE), qui a dépensé jusqu’en 2018 près de 600 millions de FCFA, avec des montants moyens de prêts fixés à 180000 FCFA. Ou encore le Fonds d’appui au développement des femmes entrepreneures et l’Agence emploi jeunes, avec ses démembrements spécifiques dédiés à la jeune femme. Surtout, deux structures emblématiques contribuent depuis quelques années à modifier le regard de la société sur le genre féminin.

Il s’agit en premier lieu du Fonds d’appui aux femmes de Côte d’Ivoire (FAFCI), fondé en 2012 par la Première dame Dominique Ouattara. Ce fonds de crédits à taux réduit, doté d’un capital de 26 milliards de FCFA, a permis à ce jour, à travers des systèmes financiers décentralisés, d’investir plus de 58 milliards de FCFA pour financer les activités génératrices de revenus (AGR) de plus de 500000 femmes, avec un taux de remboursement de 98%. En ce qui concerne le PGNFNFD (Projet de gestion novatrice de fonds national femmes et développement), logé au sein du MFFE de Nasseneba Touré, la mise à disposition des fonds répond aux mêmes critères. L’objectif étant de faciliter l’insertion socio-économique des femmes démunies.

Le MFFE travaille avec des systèmes financiers décentralisés. Entre l’année de sa création et 2023, ce fonds a distribué 14764 prêts, et leurs bénéficiaires ont créé 7302 emplois. Ce sont 8907 femmes qui ont pu alimenter leur épargne, au total. Et la plupart de celles qui sont passées par le PGNFNFD ont participé aux instances de décision, pu être bancarisées, participer à la scolarisation de leurs enfants, aux frais médicaux et aux charges du ménage. Et, tout comme le FAFCI, il propose des prêts ou des subventions aux femmes sans exiger épargne préalable, ni aval, ni garanties.

INVESTIR LA VIE PUBLIQUE

Aussi bien par la voix de la Première dame que par celle de la ministre Nasseneba Touré, un même credo est martelé à chaque occasion: plus elles auront le droit, autant que les hommes, de participer à la vie publique, d’influencer les décisions les concernant en s’exprimant, et plus elles seront présentes dans l’espace public. L’objectif étant de changer la perception que l’on a encore des femmes, souvent empreinte de stéréotypes rétrogrades. Bien sûr, des défis restent à relever. Mais le temps est sans doute un allié. Car depuis quelques années, la femme ivoirienne a commencé à investir de nombreux secteurs de la vie publique, de manière intelligente, légale, institutionnelle et adaptée. Et surtout décomplexée.