L’exigence de la modernité

Le nouveau gouvernement en place depuis le 13 janvier à Abidjan aura la lourde charge de conduire le pays vers l’émergence économique à l’horizon 2020, selon une feuille de route très précise remise par le chef de l’État à son équipe. « Le Programme national de développement (PND) 2016-2020 vient d’être adopté par l’Assemblée nationale, il doit être mis en œuvre avec célérité et produire les résultats attendus », a déclaré le président à ses ministres. Deuxième du genre depuis l’accession d’Alassane Ouattara au pouvoir en 2010, le PND 2016-2020 succède donc à celui qui couvrait la période 2012-2015 et dont les investissements se chiffraient à 12 000 milliards de francs CFA. « Le nouveau PND est axé sur cinq chantiers majeurs : le renforcement de la qualité des institutions et de la bonne gouvernance ; l’accélération du développement du capital humain et du bien-être social ; l’accélération de la transformation structurelle de l’économie par l’industrialisation ; le développement des infrastructures harmonieusement réparties sur le territoire national et la préservation de l’environnement ; le renforcement de l’intégration régionale et de la coopération internationale », a expliqué le Premier ministre Daniel Kablan Duncan lors de la réunion du premier Conseil des ministres de l’année 2016, qui s’est tenu au palais présidentiel d’Abidjan. Le PND nécessitera un investissement de 29 311 milliards de francs CFA (44,68 milliards d’euros), financé à hauteur de 62,4 % par le secteur public et de 37,6 % par le secteur privé. « Une rencontre est prévue avec les bailleurs de fonds. La Côte d’Ivoire possède le potentiel pour mobiliser beaucoup de ressources financières », estime Abdourahmane Cissé, le ministre chargé du Budget et du Portefeuille de l’État. Avec la baisse de la dette publique, les conditions sont en effet favorables. D’ailleurs, les agences Fitch et Moody’s vont dans ce sens, puisqu’elles attribuent une notation satisfaisante qui permet de rassurer les investisseurs.

Seulement, pour atteindre l’émergence et consolider sa croissance, stabilisée à environ 9 % depuis 2011, le pays doit moderniser son économie, qui demeure très fortement dépendante des recettes d’exportation du cacao, dont il est le premier producteur mondial, avec 1,8 million de tonnes pour l’exercice 2014-2015. Le gouvernement ambitionne de transformer 80 % de sa récolte de fèves de cacao à l’horizon 2020, contre 35 % actuellement. Cependant, le véritable enjeu porte sur le rétablissement des avantages fiscaux au profit des industriels du secteur. Les négociations se poursuivent avec le gouvernement pour les inciter à transformer massivement sur place. Daniel Kablan Duncan a annoncé une réunion le 25 février avec les principales multinationales. Pour la noix de cajou, dont la Côte d’Ivoire a produit 800 000 tonnes, devançant l’Inde, le même défi de la transformation est lancé. Moins de 15 % de la production est traitée localement. Dans le cadre de ses investissements massifs qui porteront sur des projets structurants, la Côte d’Ivoire a fait appel au partenariat public-privé (PPP) pour quarante-deux chantiers importants, estimés à 7 000 milliards de francs CFA. La réalisation de l’autoroute Abidjan-Lagos (plus de 1 000 milliards de francs CFA) figure dans le programme, tout comme le prolongement de l’autoroute du Nord jusqu’à Ouagadougou, au Burkina Faso. Également envisagée, la construction d’un chemin de fer reliant l’Ouest montagneux, riche en minerais, au port de San Pedro.

DÉMOGRAPHIE
La création d’un fichier unique de la population fait aussi partie des priorités. Cet outil permettra de planifier le développement par la maîtrise de la démographie. L’institutionnalisation d’un identifiant unique pour les entreprises et le lancement de bureaux de crédit sont aussi au programme. Le succès de ce PND sera donc tributaire de plusieurs facteurs comme la disponibilité des ressources financières dans un contexte économique mondial plutôt morose, mais aussi, et surtout, la capacité du gouvernement à mettre en œuvre cette stratégie.