La France, aussi,
a de l'avenir
Au moment où ces lignes sont écrites, et on croise les doigts pour que cela perdure, la France vit des Jeux olympiques hors normes. Malgré le négativisme et les prédictions catastrophistes des uns, les récriminations idéologiques des autres, de ceux qui défendent une France «authentique» qui n’existe d’ailleurs plus, le pays accueille le monde avec classe. Et efficacité. La cérémonie d’ouverture a globalement marqué les esprits, y compris avec ses « provocations ». Il y avait de l’ambition, de l’audace, du talent, une mixité authentique des identités, avec la performance d’Aya Nakamura et celle de Céline Dion. Et s’il y a eu débat, c’était aussi un signe de vitalité et de démocratie, chacun ayant sa liberté d’appréciation. Depuis, le public est là, la foule vibre et chante, les décors sont magnifiques, les transports fonctionnent, et même la Seine, malgré les caprices de la météo, est baignable (un chantier titanesque, et pourtant objet de railleries bien faciles…). L’affaire dépasse la politique. Ce ne sont pas les Jeux d’Emmanuel Macron, ou ceux du gouvernement. Derrière les images, il y a un État fonctionnel, des milliers de personnes impliquées dans l’organisation, la préparation, la sécurité, des volontaires, des artistes, du public, des sportifs, il y a une France particulière, iconoclaste, inclassable, créative, enthousiaste.
L’idée n’est pas de défendre la France à tout prix. Oui, le pays fait face à une crise multiforme, politique, avec une absence de majorité et la montée des extrêmes, une crise démocratique avec un besoin de renouvellement des institutions, une crise financière avec des déficits publics abyssaux. Oui, la France n’est plus une grande nation impériale (ça fait longtemps, d’ailleurs, depuis la Seconde Guerre mondiale, les défaites successives en Indochine, en Algérie…). Oui, la France est redevenue une puissance intermédiaire et elle a du mal comme d’autres, et non des moindres à redéfinir un corpus diplomatique opérationnel. Oui, comme toute l’Europe riche, la France a du mal à secouer cette gangue de conformisme et d’embourgeoisement, elle a du mal à changer, à optimiser, à entrer de plain pied dans l’avenir. Oui, enfin, les fractures sociales et identitaires pèsent lourdement, entre les centres et les périphéries, entre ceux qui ont et ceux qui n’ont pas, entre ceux qui sont en prise avec le monde qui vient et ceux qui se sentent à la fois enracinés, délaissés et dépassés. Fractures, aussi, entre les Français dits «de souche», les nouveaux Français, les descendants d’immigrés, les Français musulmans, ceux des cités et ceux des centres-villes… Oui, il y a de la pauvreté, du racisme, de la solitude, une perte d’efficacité des services publics, mais rien non plus de plus spectaculaire que dans les grands pays voisins.
La théorie du déclassement et celle de la paupérisation alimentent surtout le discours politique. C’est plus efficace de jouer sur l’anxiété que de souligner les vérités positives. Avec près de 70 millions d’habitants, la France reste la septième puissance économique du monde (malgré la montée en puissance des grands pays émergents). Elle est, au cœur de l’Union européenne, l’espace le plus riche et le plus protecteur du globe. Elle se modernise plus vite qu’on ne le croit, en s’appuyant à la fois sur de grandes entreprises de rang mondial, mais aussi sur un tissu de start-up de pointe, sur les acteurs du futur. La French Tech est une réalité, avec l’émergence de licornes comme Mistral, l’un des leaders mondiaux de l’IA. Paris, sous l’effet des JO, connaît une métamorphose rare, avec de nouvelles infrastructures, l’intégration programmée entre la ville et ses banlieues. Le pays s’adapte plus rapidement que ses voisins au changement climatique. L’immigration, source de tensions, fait partie aussi des richesses du pays dans tous les domaines: le business, le sport, l’art… Et la France peut s’appuyer sur une culture et une créativité foisonnantes, c’est une véritable puissance soft, qui peut rivaliser avec les États-Unis. Sans parler de son art de vivre.
Contrairement au paysage atomisé que décrit une classe politique dépassée et enkystée dans des modèles dépassés, la France est un pays singulier, et qui a de l’avenir. Il manque certainement quelques hommes et quelques femmes politiques de bonne volonté, capables de dépasser les frontières idéologiques éculées, pour enclencher un nouveau cercle vertueux.