La mobilisation de tous
C’est le leitmotiv du président Alassane Ouattara et de son équipe: le facteur humain est essentiel à une émergence durable. Les PND (Plan national de développement) 2015-2020 et 2021-2025 placent la question sociale au cœur des priorités. Avec des premiers résultats probants.
Dans son propos introductif au Plan national de développement 2021-2025, le président ivoirien, Alassane Ouattara, relevait à juste titre: «Le revenu par tête a doublé de 2012 à 2020 pour s’établir à 2287 US dollars, correspondant à l’un des plus élevés en Afrique de l’Ouest.» De fait, les conditions de vie des Ivoiriens se sont améliorées et le taux de pauvreté (soit les personnes vivant avec moins de 750 FCFA par jour) a fortement reculé depuis son accession au pouvoir: de 51,5% de la population en 2011 à 44,4% en 2015, puis 39,4% en 2018 et 35% en 2020. Et les objectifs restent ambitieux: 30% en 2025 et moins de 20% en 2030.
L’objectif du chef de l’État, avec ce plan de 59000 milliards de FCFA sur la période (attendus principalement du secteur privé), est «d’aller encore plus loin dans la transformation du pays et dans l’amélioration des conditions de vie de toutes les populations dans toutes les régions de la Côte d’Ivoire». Ainsi, le gouvernement compte améliorer l’accès des populations à l’éducation, à l’eau potable, à l’électricité, aux soins de santé, à la protection sociale, à l’emploi, etc. Le cap social, qui est l’un des «six piliers» du PND 2021-2025, est bien l’un des axes prioritaires de l’action publique, qui se fixe comme objectif de doubler à nouveau le revenu par habitant entre 2020 et 2030, et de faire enfin entrer la Côte d’Ivoire dans le cercle des pays émergents, c’est-à-dire «au rang des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure».
«La Côte d’Ivoire solidaire», le thème choisi par Alassane Ouattara pour définir sa politique lors de la campagne pour l’élection présidentielle de 2020, se traduit par la recherche d’une certaine cohérence, à la fois dans le choix des priorités, la structuration de l’action du gouvernement et les politiques menées.
PORTER UNE VISION DE LONG TERME
En matière de santé, par exemple, la qualité du service est encore quelquefois discutée par les Ivoiriens, mais ils ne contestent pas l’effort d’investissements réalisé dans les infrastructures sanitaires sur l’ensemble du territoire: quatorze centres hospitaliers entièrement réhabilités, onze construits. CHU, CHR, hôpitaux généraux, spécialisés… Tous ont reçu des équipements dernier cri.
Il en va de même à l’école. Le programme d’obligation scolaire, l’un des rares de ce type sur le continent africain, lancé en septembre 2015, a permis la construction de milliers de classes dans l’enseignement primaire, de centaines de collèges (552 exactement), et le recrutement de dizaines de milliers de professeurs pour faire face au nombre d’enfants scolarisés. Ce sont 379,294 milliards de FCFA qui ont été investis dans l’éducation de 2011 à 2023. S’il est encore difficile d’absorber l’ensemble des 4400000 élèves accueillis (il n’est pas rare que les classes dans l’enseignement public soient surchargées), l’ambition affichée de scolariser tous les Ivoiriens, y compris les filles, semble aujourd’hui atteinte. Les chiffres officiels parlent d’eux-mêmes: le taux brut de scolarisation (total des inscriptions à un niveau d’éducation donné) a atteint les 100% (contre 89,6% en 2014), et le taux d’achèvement à l’école primaire (pourcentage des élèves qui terminent leur formation primaire) est désormais de 80,5% (contre 64% en 2014 et 59,1% en 2012). Une vision de long terme qui a pour ambition d’élever le niveau général d’instruction de la population. L’enseignement technique a reçu une attention particulière. Il a connu la réhabilitation de 27 établissements d’enseignement professionnel (et sept sont en cours de rénovation). Quant au supérieur, cinq universités ont été réhabilitées et/ou agrandies, trois construites (à Man, San-Pédro et Bondoukou) et cinq nouvelles sont en projet.
Afin d’atteindre ces objectifs, l’organisation mise en place pour piloter l’action publique se veut cohérente. En la matière, le gouvernement a innové. Aux côtés des traditionnels ministères sociaux dédiés à la condition des femmes, l’éducation nationale, la formation professionnelle, la santé, le logement, deux ministères transversaux sont créés, consacrés pour l’un à l’emploi des jeunes, pour l’autre à la lutte contre la pauvreté. Par ordonnance du 8 avril 2015, est fondée l’Agence emploi jeunes, chargée de les accompagner vers leur insertion professionnelle, y compris en promouvant l’entrepreneuriat et en octroyant des prêts remboursables pour lancer des activités rémunératrices. Dès le mois suivant, en mai 2015, c’est un ministère entier qui voit le jour, en charge de la «promotion de la jeunesse et de l’emploi des jeunes», pour coordonner toutes les stratégies mises en place par le gouvernement en vue de leur insertion. Ce ministère s’est trouvé sous les projecteurs depuis qu’Alassane Ouattara a décrété 2023 «année de la jeunesse», lors de ses vœux aux Ivoiriens en décembre 2022.
C’est en avril 2021 qu’est créé un ministère de la Solidarité et de la Lutte contre la pauvreté. Une innovation qui permet de concentrer tous les programmes de lutte contre la précarité dans ce portefeuille transversal, sur le même modèle, celui de coordonnateur, que le ministère de l’Emploi des jeunes.
Au-delà des infrastructures indispensables, les programmes sociaux se multiplient. Certains sont rassemblés dans le PND 2021-2025 sous l’appellation de PS-Gouv (Programme social du gouvernement), qui entend «mettre l’accent sur les zones de fragilité». Il prend place aux côtés du PJ-Gouv (Programme de la jeunesse du gouvernement), qui est l’un des plus médiatisés par le pouvoir. De fait, celui-ci a suscité un net engouement dans la population cible, la jeunesse ivoirienne.
SOUTENIR LES PLUS PRÉCAIRES
L’un des programmes les plus emblématiques du PS-Gouv, les «filets sociaux», lancé avec un appui technique de la Banque mondiale, consiste en l’octroi aux ménages vulnérables d’allocations trimestrielles non remboursables d’un montant de 36000 FCFA (soit 144000 FCFA par an) pendant trois ans. Le paiement est effectué directement sur les téléphones portables offerts aux bénéficiaires. Entré en vigueur en août 2015, il visait dans sa phase 1 (2015-2020) à l’amélioration des conditions de vie des familles les plus pauvres en milieu rural. Considéré comme «l’une des douze mesures phare à impact rapide» du PS-Gouv, il a été reconduit pour la période 2020-2024 et étendu au milieu urbain. 227000 ménages, répartis sur l’ensemble du territoire, ont effectivement bénéficié de ces allocations.
La généralisation de la couverture maladie universelle (CMU) et la gratuité ciblée des soins pour les personnes les plus fragiles (notamment pour la mère et l’enfant) font partie de l’autre grand volet du PS-Gouv, dans le domaine de la santé. Plus de dix millions d’Ivoiriens et de travailleurs étrangers ont été enrôlés fin 2023, et 1685304 actes médicaux ont été délivrés. Chaque salarié contribue à hauteur de 1000 FCFA par mois à la solidarité nationale. De plus, le Régime d’assistance médicale non contributif, à destination des plus pauvres, a touché 2,5 millions de personnes.
Un programme tout aussi emblématique, car porté par la Première dame de Côte d’Ivoire, Dominique Ouattara: le Fonds d’appui aux femmes de Côte d’Ivoire. Doté d’un capital de 10 milliards de FCFA, il vise à l’autonomisation des Ivoiriennes. Mis en place dès l’arrivée d’Alassane Ouattara à la tête de l’État, il a permis de sortir des dizaines de milliers de femmes de la précarité, leur permettant de créer des activités rémunératrices. Il s’agit d’un fonds de crédit à taux réduit. Les sommes prêtées, après examen des projets, sont souvent modestes, mais leur permettent de lancer une activité. À ce jour, 365000 femmes en ont bénéficié, et le taux de remboursement dépasse les 97%. Le succès du programme en a fait, douze ans après sa création, un modèle dont l’Afrique s’inspire.
UN BILAN SOCIAL QUI COMPTE
«Faire de chaque Ivoirien, quelles que soient ses origines et ses conditions sociales, un acteur du développement», telle est l’ambition du chef de l’État. À l’approche de l’élection présidentielle de 2025, Alassane Ouattara a consolidé son «état de grâce» auprès de la population. La victoire de la Côte d’Ivoire à la Coupe d’Afrique des nations, en février dernier, avec ses émotions inédites, y a fortement contribué. Ses concitoyens lui en ont largement attribué le crédit, autant pour la victoire des Éléphants que pour l’organisation. Et pour la nomination d’un nouveau Premier ministre, Robert Beugré Mambé, qui aura su relever le défi au pied levé. Et qui s’est, depuis, imposé comme un rouage particulièrement opérationnel de la machine du pouvoir. Les obsèques nationales, en mai 2024, de celui qui a présidé aux destinées du pays de 1993 à 1999, Henri Konan Bédié, retourné dans l’opposition avec son parti, le vieux PDCI-RDA, ont donné lieu à un autre épisode de consensus national. Le président a honoré comme il se doit «son aîné», comme il l’appelait, même si leurs relations, depuis le début des années 1990, avaient connu des hauts et beaucoup de bas. Un autre geste apprécié des Ivoiriens. C’est dans ce contexte apaisé que la perspective de l’élection présidentielle 2025 mobilise progressivement l’attention.