La papesse de la danse
Un long-métrage illustre l’étonnant parcours de Germaine Acogny, étoile de la scène chorégraphique internationale

À 80 ans passés, crâne lisse et regard saillant, l’icône franco-sénégalaise ondule un corps encore souple au son des percussions sur le sable d’une plage de Toubab Dialao, près de Dakar. Ainsi débute le documentaire de la cinéaste berlinoise Greta-Marie Becker, qui rend compte avec grâce du rayonnement d’une femme d’exception issue du continent africain. Béninoise de naissance, ayant grandi dans le Sénégal de Senghor, qui lui fera connaître Maurice Béjart – un excellent choix d’archives télé montre combien elle a compté dans la danse contemporaine occidentale dès les années 1970 –, la chorégraphe et danseuse a modifié le regard porté sur les corps noirs et contribué à rendre visible l’identité des femmes d’Afrique.

De nombreux extraits de captations de ses chorégraphies au fil des années montre ce corps qui se meut selon des mouvements venus du fond des âges, adaptés à l’époque moderne, en s’inspirant notamment de l’Américaine Martha Graham. Une «technique Acogny», labellisée et enseignée à l’École des sables, inaugurée il y a vingt ans en bord de lagune, au Sénégal. Le documentaire y revient régulièrement: Germaine Acogny y vit avec Helmut Vogt, son mari, et en donne toujours l’impulsion pédagogique, même si elle a confié à d’autres le soin de perpétuer son héritage au quotidien. Une école carrefour, où les apprentis danseurs viennent de toute l’Afrique et de tous les continents. Le film rend également hommage à l’engagement antiraciste de cette artiste. «Papesse de la danse», entend-on dans le film, mais aussi «Myke Tyson de dos». C’est qu’elle est d’une grande force d’expression corporelle, mais aussi orale! Sur scène, elle n’hésite pas, d’ailleurs, à joindre la parole au geste pour mieux dénoncer le regard biaisé du colonisateur. Depuis deux ans, elle combat un danger qui menace directement son environnement: le plus grand port de porte-conteneurs du Sénégal, creusé tout près, va couper son école de l’océan. Mais Germaine Acogny a trouvé là un autre objet de lutte à transcender sur sa terre d’Afrique. Une icône de la danse face au ballet des tractopelles…