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Oumar Gueye, ministre de la Pêche et de l’Économie

« La pêche illégale n’est pas un fléau africain, il est mondial »

Par Julien Wagner - Publié en mai 2017
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Dans un pays qui a pour plat national le fameux tiéboudiène et où la pêche représente 3,2 % du PIB et 204 milliards de francs CFA de revenus d’exportations, cette activité ne pouvait être absente de la réforme. Le ministre de la Pêche et de l’Économie marine s’en explique à AM.
 
AM : Le pays compte près de 600 000 emplois qui dépendent de la pêche. Des métiers exercés dans des conditions parfois difficiles. Les pêcheurs sont-ils suffisamment considérés au sein du Plan Sénégal Émergent (PSE) ?
 
Oumar Gueye : Nous avons consenti depuis 2015 des efforts très importants et ce secteur fait entièrement partie des « 27 moteurs » définis dans le Plan. La pêche artisanale représente 85 % des débarquements avec près de 20 000 pirogues. Macky Sall a décidé d’aider nos pêcheurs à équiper leurs pirogues de moteurs horsbord tout neufs.
 
Chaque fois qu’un pêcheur achètera un moteur, il bénéficiera d’une subvention de 1 million de francs CFA. Ce seront ainsi 20 milliards de francs CFA qui seront engagés d’ici 2019. Nous sommes également dans une phase de test pour fournir aux pêcheurs des pirogues en fibre de verre, plus résistantes, plus sûres et moins dommageables à l’environnement que celles en bois. Enfin, nous avons considérablement amélioré les conditions de débarquements par la construction de sept nouveaux quais de pêche dont quatre ont déjà été inaugurés. Depuis 2006, aucun nouveau quai n’avait vu le jour.
 
Le Sénégal s’est lancé dans un plan ambitieux autour de l’aquaculture. Vous souhaitez atteindre 30 000 tonnes de production en 2018 et 50 000 en 2023, soit plus de 10 % des débarquements du pays. Comment cela est-il possible ?
 
Rappelons d’emblée que nous sommes partis de très bas : autour de 400 tonnes en 2014. Nous en sommes à 2 500 tonnes en 2016 et la trajectoire est bonne. Nous investirons cette année 2 milliards de francs CFA et nous escomptons qu’ils permettront de lever 9,5 milliards supplémentaires venant du secteur privé et d’institutions internationales.
 
Le but est de développer un pôle de 1 000 hectares capable de produire 10 000 tonnes de produits aquacoles par an dans le nord du pays. Nous allons également développer trois pôles aquacoles, plus petits, dans la région de Matam. Ajoutés aux investissements prévus dans l’aquaculture marine et fluviale, nous espérons donc atteindre les 10 000 tonnes produites dès 2017.
 
La lutte contre la pêche illégale est devenue un enjeu majeur en Afrique. Les pertes subies par le Sénégal sont estimées à 150 milliards de francs CFA par an. Que fait le gouvernement ?
 
En 2015, un nouveau code de la pêche a été voté qui prévoit des sanctions extrêmement sévères contre les pirates, de 500 millions à 1 milliard de francs CFA d’amende. En cas de récidive, le bateau est confisqué de façon définitive. Mais ce problème n’est ni spécifique à notre pays, ni à l’Afrique. C’est un fléau mondial, et le Sénégal a ratifié toutes les conventions en la matière, dont celle de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) afin d’accentuer la coopération entre pays.
 
Le fait que ce soit en partie les mêmes pays – dont la Chine, la Russie… – qui pêchent illégalement sur les côtes sénégalaises et qui investissent dans le même temps dans votre industrie de transformation ne pose-t-il pas un problème en termes de sanctions ultérieures ?
 
Attention : il faut faire la différence entre les États et les bateaux. Aucun État signataire de la convention de la FAO ne peut protéger un navire. Au contraire, il doit participer à une sanction sévère et nous avons confiance en nos partenaires. Le reste est notre travail et celui de la communauté internationale.