Aller au contenu principal
Formation et emploi

La priorité jeunesse

Par Alexandra Fisch - Publié en janvier 2021
Share
img
L’université Félix Houphouët-Boigny, à Abidjan.NABIL ZORKOT

La démographie est un DÉFI MAJEUR. Et l’insertion dans la vie active des nouvelles générations d’Ivoiriens une priorité pour le gouvernement.

Quand on sait que l’Afrique sera le continent le plus peuplé en 2050, la transition démographique est une source de promesse… et surtout un grand défi. D’autant que la population sera majoritairement jeune. Le gouvernement ivoirien l’a bien compris, puisque déjà en 2016, le président Alassane Ouattara qualifiait cette transition démographique de « défi majeur ». Cette jeunesse représente en effet un enjeu pour la stabilité du pays et son développement. Actuellement, les 15-24 ans représentent 20 % de la population, il faut les former et les faire accéder à un emploi. Le programme de décentralisation des universités, mis en place en 2016, a permis de développer régionalement la formation « traditionnelle », pour ancrer les nouvelles générations sur tout le territoire. Reste aujourd’hui à affiner la stratégie, et notamment à mettre davantage en adéquation la formation et le marché de l’emploi. Les jeunes diplômés, peinant à trouver un poste, sont souvent poussés vers le secteur informel, qui représente 80 % de l’économie.

LA FORMATION PROFESSIONNELLE SE DIVERSIFIE

Comment former les 15-24 ans pour qu’ils s’insèrent dans la vie active ? Une vaste question à laquelle tentent de répondre les dirigeants du continent depuis plusieurs années en voyant les chiffres démographiques. Ce thème était d’ailleurs la problématique centrale du sommet entre l’Union africaine et l’Union européenne qui a eu lieu à Abidjan en 2017 et l’axe prioritaire du Plan national de développement vers une Côte d’Ivoire émergente. Le gouvernement a, lui, multiplié les initiatives, notamment en faveur de la formation professionnelle. Les dernières en date concernent l’instauration de chantiers-écoles dans le secteur des mines. Lancé par Jean-Claude Kouassi, le ministre des Mines et de la Géologie, le principe est de former des jeunes – souvent en décrochage scolaire – dans le secteur de la petite mine, où perdure l’orpaillage clandestin, source de criminalité et de pollution. Dix chantiers-écoles sont en cours d’ouverture, dont celui de Nébo, inauguré par le ministre en septembre dernier. Ce petit site minier, situé à une dizaine de kilomètres de Divo, va accueillir une première promotion d’une trentaine de jeunes – dont cinq filles – pour une formation de quatre mois. Il est prévu qu’une centaine de jeunes, chaque année, y apprennent les rudiments nécessaires pour, à terme, peut-être devenir entrepreneurs dans le secteur. Rapprocher les étudiants du monde du travail, c’est également l’idée à l’origine du partenariat entre la Chambre de commerce européenne en Côte d’Ivoire (Eurocham) et l’université Félix Houphouët- Boigny. L’usine de fabrication de chocolat Cémoi a ainsi reçu, en novembre dernier, une dizaine d’étudiants de niveaux master et doctorat pour une visite guidée. Le responsable du développement des ressources humaines de l’entreprise, Doumbia Vassidiki, avait au préalable animé une conférence sur le thème « Préparer son insertion professionnelle », afin de les conseiller dans leurs futures recherches d’emploi. Dans les autres initiatives du gouvernement, l’Agence emploi jeune a lancé le PAE-stage : ce programme d’aide à l’emploi (PAE) propose des stages en entreprise de six mois (renouvelables une fois) financés par l’État. De quoi permettre aux jeunes diplômés de se familiariser avec une société et de se faire une première expérience, qu’ils pourront ensuite mettre en avant pour leur premier emploi.

FORMALISER L’ÉCONOMIE INFORMELLE

Pourvoyeuse d’emplois, mais précaires, cette économie parallèle représente dans les pays en voie de développement un frein considérable à la réduction de la pauvreté, objectif indispensable pour entrer dans l’émergence. Le secteur informel regroupe les travailleurs qui réparent des voitures, fabriquent des meubles, transforment des produits agricoles, vendent dans la rue ou encore animent les marchés.

Source : Banque mondiale, 2020.
Source : Banque mondiale, 2020.

Des travailleurs pour lesquels chaque choc (politique, économique ou sanitaire) a un impact terrible. La pandémie de Covid-19, avec les restrictions qu’elle a entraînées dans les grands centres urbains, a considérablement appauvri cette population. L’Organisation internationale du travail (OIT) a d’ailleurs estimé que les travailleurs de ce secteur dans le monde entier pourraient perdre 60 à 80 % de leurs revenus, et autour de 81 % pour les pays africains. Une véritable menace pour les États, comme la Côte d’Ivoire, engagés sur la route de l’émergence. C’est pourquoi le gouvernement a rapidement mis en place un Fonds d’appui aux acteurs du secteur informel (FASI) de 100 milliards de francs CFA, créé par l’ordonnance n° 2020-385 du 15 avril 2020. Et plus qu’une mesure d’urgence, l’État – comme certains organismes internationaux, telle la Banque mondiale – voit dans cette situation exceptionnelle l’occasion d’allier développement et riposte à la crise. Le FASI pourrait ainsi permettre d’accélérer la transition vers une économie formelle, en développant des outils de base pour appuyer le secteur informel. Le gouvernement a chargé le Comité de concertation État-secteur privé (CCESP) de réfléchir sur les instruments à mettre en place pour assurer la transition. Il prévoit l’identification des travailleurs du secteur informel grâce à leurs transferts monétaires, des subventions pour les microentreprises informelles afin qu’elles continuent à produire et qu’elles puissent rebondir après la pandémie, et l’octroi de prêts pour ces mêmes entreprises pour soutenir leur reprise économique. L’État s’engage ainsi vers la création d’emplois décents, dans lesquels les droits sociaux des travailleurs seront respectés.

Dans son programme 2021-2025 « Une Côte d’Ivoire solidaire », le président Alassane Ouattara a formulé plusieurs propositions pour le secteur : la création de sites dédiés aux artisans pour le recasement et dans le cadre des programmes d’aménagement urbain, la simplification de la fiscalité – notamment avec l’instauration de modalité de paiement numérique –, ou encore la création d’un organisme de promotion des produits des artisans et des TPE. Car agir pour la transition de ces emplois vers le secteur formel, c’est agir pour la réduction de la pauvreté, et donc un pas de plus vers l’émergence.


Les écoles de la deuxième chance : tout un programme

De nombreux jeunes diplômés, lorsqu’ils arrivent sur le marché de l’emploi, y rencontrent leurs aînés, qui, pour certains, n’ont aucune qualification. C’est à cette catégorie de travailleurs que s’adresse le chef de l’État avec son programme de création d’écoles de la deuxième chance. Il souhaite mettre en place, dans les 31 régions, le développement de centres et de programmes départementaux de mise à niveau (rattrapage scolaire et alphabétisation des adultes) financés par l’État, ainsi que d’établissements de formation qualifiante. Tout cela en sollicitant le secteur privé, pour en faire l’acteur principal de ce dispositif global d’accompagnement efficace vers l’emploi. Ces mesures destinées à la jeunesse se multiplient, tout comme les programmes pour l’autonomisation des femmes. Car comme l’a dit Belmonde Dogo, la secrétaire d’État chargée de l’Autonomisation des femmes, le 20 novembre dernier, lors de la 2e Journée de l’entrepreneuriat féminin, « la femme constitue aujourd’hui l’un des nouveaux leviers de la croissance économique du continent africain ». Elle a ensuite rappelé les plans sur le long terme réalisés par le gouvernement, comme la création en 2012 du Fonds d’appui aux femmes de Côte d’Ivoire (FAFCI) initié par la Première dame, Dominique Ouattara, qui s’adresse principalement aux femmes démunies ou travaillant dans le secteur informel. Ce programme national de microcrédit a permis de financer 250 000 entrepreneures en moins de dix ans. Son capital a d’ailleurs été augmenté en mars 2019, pour atteindre 12 milliards de francs CFA.