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Richesse

Le Botswana veut profiter davantage de ses diamants

Par Cédric Gouverneur
Publié le 16 juin 2023 à 10h28
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Gaborone cherche à développer la chaîne de valeur en transformant sur place ses matières premières. Ici, une usine de polissage. SHUTTERSTOCK
Gaborone cherche à développer la chaîne de valeur en transformant sur place ses matières premières. Ici, une usine de polissage. SHUTTERSTOCK

Afin de renégocier au mieux ses accords avec le géant De Beers (qui expirent le 30 juin), le pays premier producteur mondial entre au capital d’une société de traitement de pierres précieuses belge.

«Aujourd’hui marque le début d’une nouvelle ère pour l’industrie du diamant au Botswana», a déclaré le président Mokgweetsi Masisi lors de l’inauguration, dans la capitale Gaborone, de la filiale de l’entreprise de taille et de polissage de diamants belge HB Antwerp, qui devrait créer 350 emplois sur place. L’État va en effet prendre une participation d’un quart (24%) au sein de cette société anversoise. En s’associant avec celle-ci, le principal producteur de diamants du continent (avec l’Afrique du Sud) entend mieux valoriser sa ressource, clé de son développement depuis l’indépendance en 1966 – le pays anglophone, stable et démocratique, est parfois surnommé «la Suisse de l’Afrique», voire «le miracle africain». Les diamants, qui représentent 90% de ses exportations et 20% de son PIB, comptent pour 30% des revenus de l’État, en partie épargnés dans un fonds souverain, le Pula Fund (du nom de la monnaie nationale). Cette manne permet notamment aux pouvoirs publics de financer la gratuité de l’école primaire et secondaire, et l’accès aux soins pour les personnes séropositives (près d’un adulte sur quatre). Mais les autorités estiment que les diamants pourraient rapporter bien davantage aux 2,5 millions de citoyens.

En effet, depuis 1969, le Botswana est en partenariat avec le géant diamantifère sud-africain De Beers, dont il détient 15% du capital, et avec lequel il a établi deux joint-ventures: Debswana, pour l’exploitation des gisements, et Diamond Trading Company Botswana, pour la commercialisation d’environ 45 millions de carats par an. Un accord de vente, signé en 2011 et expirant le 30 juin, permet à De Beers de recevoir 75% des diamants bruts extraits... Même si la part du Botswana a été rehaussée – De Beers s’octroyait 90% jusqu’en 2020 —, cela demeure insuffisant pour le président Masisi, qui menace de rompre si son pays n’obtient pas davantage: un partage à parts égales serait l’idéal.

S’associer à HB Antwerp – une jeune société créée en 2020 – permet au chef de l’État, élu en 2019, de faire pression sur De Beers, en démontrant au mastodonte que le Botswana peut trouver des partenaires plus modestes, mais plus profitables: HP Antwerp achète plus cher les pierres à la mine de Karowe (dans le centre) – exploitée à 100% par le canadien Lucara Diamond –, car les prix sont basés sur l’estimation du futur polissage de chaque diamant brut.

Le Botswana cherche ainsi à développer la chaîne de valeur en transformant sur place ses matières premières, plutôt que de les exporter, s’inscrivant dans un mouvement souverain d’industrialisation observable partout sur le continent depuis la pandémie. Pour rappel, la République démocratique du Congo et la Zambie (d’où sont extraits la plupart des minerais nécessaires à la fabrication des batteries de véhicules électriques) coopèrent depuis un an afin de produire ces dernières dans une future «zone économique spéciale» transfrontalière.​​​​​​​