Le G3 des putschistes
Mali, début septembre: 64 morts, dont 49 civils, après deux attaques djihadistes attribuées à une alliance affiliée à Al-Qaïda (contre un bateau sur le fleuve Niger entre Tombouctou et Gao, et contre une position de l’armée). Burkina Faso, le 6 août: une vingtaine de morts civils près de Bittou, dans la région du Centre-Est. Et le 19 septembre: 16 civils tués par deux attaques djihadistes. Niger, le 15 août: 17 soldats tués et 20 blessés dans une embuscade entre Boni et Torodi. L’avant-veille, six autres soldats avaient été tués aux alentours de Tillabéri. Dans la fameuse région dite des «trois frontières», entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Selon tous les observateurs et macabres comptables des meurtres et exactions menés par les islamistes dans ces pays, ils ont encore augmenté depuis les coups d’État et l’entrée «en fonction» des trois nouveaux hommes forts en treillis qui les dirigent.
Ce bilan qui s’alourdit et s’égrène de mois en mois, plus ou moins dans l’indifférence généralisée, est terrifiant. Des milliers de gens, terrorisés du matin au soir, sans savoir s’ils seront en vie le lendemain, habitent dans des zones totalement oubliées, souvent sans eau, sans électricité, sans communication, sans école, sans aucun soutien. Leurs gouvernements, emmenés par des putschistes aux programmes flous, aux visions court-termistes, sont évidemment impuissants. Au sommet de ces États, l’intérêt personnel et les calculs savants pour retarder les scrutins et s’enkyster dans le pouvoir prévalent. À coups de discours galvanisants face à des foules de jeunes perdus à qui l’on vend le concept de souveraineté, d’indépendance, d’avenir plus rose sans l’aide internationale.
Sur le fond, bien sûr, des armées nationales efficaces, capables de bouter les djihadistes hors du pays, sont à plébisciter. Mais pour cela, faudrait-il encore que les pays sahéliens concernés aient de vrais moyens, sortent de la pauvreté structurelle qui les frappent, afin, entre autres, que leurs armées soient fortes, capables de faire le job. Alors, au moment où les trois nations de la zone des trois frontières s’accordent sur la Charte du Liptako-Gourma et signent l’Alliance des États du Sahel, on peut s’interroger sur l’urgence de créer tout à coup cette forme de G3… des putschistes. Une alliance dont le seul but est de se protéger en cas de guerre ou d’ingérence extérieure. Pour être plus clair, au cas où la Cédéao ou une puissance occidentale essaierait de les déloger. C’est une priorité nationale, ça, à l’heure où leurs populations se font décimer à coups de bombes tous les jours sur leur propre sol? Franchement, on est en droit de se poser la question, et de s’inquiéter profondément sur l’avenir du Sahel passé aux mains d’hommes en treillis…