Le réveillon d’Apple en RDC :
5G, coltan et enjeux géopolitiques

Jeudi 9 janvier 2025, à Kinshasa, l’ambiance était solennelle lors d’une conférence de presse tenue par la cheffe de la diplomatie et le chef des armées congolais. Patrice Muyaya, porte-parole du gouvernement, s’est exprimé: « Le Rwanda aujourd’hui ne peut pas vivre sans piller la République démocratique du Congo ». Ces déclarations font écho à un rapport des Nations unies publié ce décembre 2024, qui dénonce les exactions économiques dans l’est du pays.
Le document met en lumière la situation à Rubaya, ville du Nord-Kivu contrôlée depuis avril 2024 par les rebelles du M23. Cette région, riche en ressources minières, abrite surtout l’une des plus grandes mines de coltan dans les Grands Lacs. Ce minerai, composé de niobium et de tantale, est essentiel à la fabrication des smartphones, tablettes et appareils connectés, notamment depuis l’essor de la 5G.
Selon l’ONU, le M23 exploite Rubaya à raison de 120 tonnes de coltan par mois, générant près de 800 000 dollars mensuels grâce à une taxe imposée sur les creuseurs. Ces revenus profiteraient ainsi à l’économie rwandaise, selon le rapport.
Kinshasa dénonce une « extraction frauduleuse » et accuse Apple et d’autres multinationales de fermer les yeux sur les « minerais de sang » présents dans leur chaîne d’approvisionnement. En décembre 2024, le cabinet Amsterdam & Partners, mandaté par le gouvernement congolais, a déposé plainte en France puis en Belgique contre Apple pour recel de crimes de guerre, blanchiment et tromperie des consommateurs. « Si vous voulez être sûr de ne pas donner de minerais de sang à Noël, offrez des… pommes ! » plaisante à demi-mot Robert Amsterdam, l’avocat du cabinet, Amsterdam & Partners, qui a porté plainte au nom du gouvernement congolais.
Apple, Tesla, Intel et d’autres entreprises reconnaissent s’approvisionner indirectement en RDC et au Rwanda, mais toujours via une chaîne complexe d’intermédiaires. En 2019 déjà, l’ONG International Rights Advocates avait poursuivi plusieurs géants de la tech, les accusant de tirer profit du cobalt congolais exploité dans des conditions dangereuses, impliquant parfois des enfants.
Depuis les années 2000, les ressources minières de l’est de la RDC alimentent des conflits meurtriers. « Minerais de sang », ces matériaux stratégiques sont au cœur d’un système à la fois opaque et lucratif, où les promesses de traçabilité peinent à être tenues.
Alors que le président rwandais Paul Kagame s’est exprimé à Kinshasa le 9 janvier dernier sans commenter le rapport de l’ONU, les tensions entre les deux pays restent palpables. La RDC affirme sa volonté de poursuivre ceux qui profitent de ces richesses au détriment de la paix et du développement local.
Soucieux de préserver son image, le géant Apple s’engage pour l’instant à suspendre ses approvisionnements en minerais en provenance de la RDC et du Rwanda. Un revirement à accueillir avec satisfaction et prudence…
Mais la route vers une exploitation responsable reste semée d’embûches.