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C'est Comment ?

Le sens du 8 mars

Par Emmanuelle Pontié - Publié en mars 2024
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Scène ordinaire, un 8 mars, dans un bureau à Ouagadougou: «Bonne fête, ma chère! Alors, ce soir, c’est monsieur qui va faire la vaisselle?» Réponse de la collègue: «Oui! Hi, hi, hi...»

Plus tard, le même jour, deux jeunes épouses devisent: «Dis-moi, pour la fête de la femme, ton mari, il t’offre quoi? Les fleurs, ça va bien, hein. Moi, j’ai demandé un bijou!
​​​​​​​- Ah ben, tu as raison. C’est quand même notre jour, non? Donc il faut un beau cadeau.»

Partout en Afrique, c’est la date convenue pour les échanges gentillets, les petits rires étouffés des dames, et le passage à la caisse des maris et amants. Mais de l’évolution de la condition féminine dans le monde, et en particulier en Afrique, point mot. Pourtant, c’était un peu le but de cette journée internationale. Elle rend hommage, certes, mais est aussi l’occasion de faire le point sur le statut du «genre», comme on dit sur le continent. Égalité hommes-femmes, scolarisa- tion des filles, violences, etc.

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Malheureusement, les chiffres qui s’étalent dans les colonnes des études des organismes internationaux à l’approche du jour J démontrent d’année en année à peu près la même tendance: une stagnation du statut des femmes dans nombre de domaines. La pandémie de Covid, les conflits géopolitiques, le réchauffement climatique et l’aggravation des situations économiques dans le monde augurent, selon l’ONU, que plus de 342 millions de femmes et de filles pourraient vivre dans l’extrême pauvreté d’ici à 2030. Et la réduction globale des dépenses publiques impacte en premier lieu la gent féminine.

​​​​​​​Principalement en Afrique, bien sûr. En 2023, une étude de l’Organisation de coopération et de développe- ment économiques (OCDE) sur le continent révélait que les deux pays où le niveau de discriminations femmes-hommes est le plus élevé sont la Mauritanie et le Cameroun, la Côte d’Ivoire et le Zimbabwe étant les meilleurs élèves en la matière. 60% des femmes africaines habitent des pays où ce niveau est classé élevé, voire très élevé. Et au-delà de la discrimination sociale, économique ou professionnelle, s’impose toujours le poids de traditions ancestrales dans la sphère privée, comme le mariage précoce. Un tiers des femmes africaines âgées de 20 à 24 ans ont été mariées avant l’âge de 18 ans. Et c’est le cas de plus de 60% des filles au Niger ou en République centrafricaine. Ces chiffres symbolisent un frein majeur à l’évolution des femmes sur le continent. Encore en 2024.