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Découverte / Djibouti

Les enjeux de demain

Par Thibaut Cabrera - Publié en juin 2022
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Le terminal pétrolier de Doraleh, une extension du port international de Djibouti. PATRICK ROBERT
Le terminal pétrolier de Doraleh, une extension du port international de Djibouti. PATRICK ROBERT

Djibouti entre dans la seconde phase de son projet de croissance, Djibouti entre dans la seconde phase de son projet de croissance, en s’appuyant sur sa stratégie de long terme, la Vision 2035. en s’appuyant sur sa stratégie de long terme, la Vision 2035. Objectifs : accentuer la compétitivité, s’adapter aux données Objectifs : accentuer la compétitivité, s’adapter aux données du développement durable et favoriser l’inclusivité. du développement durable et favoriser l’inclusivité.

Avec plus de 30 000 navires l’empruntant chaque année, la voie maritime reliant le détroit de Bab el-Mandeb au canal de Suez est l’une des routes commerciales les plus fréquentées au monde. L’éclosion successive de cinq terminaux entre 2004 et 2017 à Djibouti n’est pas due au hasard. IOG a perçu l’immense opportunité qui découlait de la position géostratégique de son pays, et la nécessité de le doter d’un hub portuaire. Rapidement, ces infrastructures se sont avérées rentables : le terminal à conteneurs de Doraleh, créé en 2006, dont le coût de réalisation s’élevait à 397 millions de dollars, a été remboursé en seulement huit ans. 2017 est l’année des 40 ans de l’indépendance de la République. C’est également l’année choisie par IOG pour entrer dans une phase de diversification de l’offre portuaire, avec la construction de deux terminaux minéraliers et d’un port polyvalent. Le port autonome de Ghoubet est utilisé dans le cadre de l’exportation du sel du lac Assal, ressource quasi inépuisable. Le port de Tadjourah est prolongé d’un corridor permettant de mieux desservir l’Éthiopie, principalement en charbon, en acier et en gaz liquide. Enfin, le port polyvalent de Doraleh offre des capacités de stockage importantes et regroupe des installations à la pointe de la modernité. À travers son complexe portuaire, Djibouti fait preuve d’innovation et de modernité. En mai 2022, le Djibouti Port Community Systems a été reconnu comme l’une des solutions numériques portuaires les plus performantes au monde par la Banque mondiale. À cette offre s’ajoute la Djibouti International Free Trade Zone (DIFTZ), qui tend à devenir la plus grande zone franche d’Afrique, et dont la première phase a été inaugurée en juillet 2018. Le complexe apparaît comme le premier jalon de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zeclaf).

La première phase de la Djibouti International Free Trade Zone (DIFTZ) a été inaugurée en juillet 2018.  PATRICK ROBERT
La première phase de la Djibouti International Free Trade Zone (DIFTZ) a été inaugurée en juillet 2018.  PATRICK ROBERT 

Les efforts consentis dans le développement des infrastructures portuaires entrent dans le cadre de la Vision 2035, du président IOG. Djibouti ne doit pas juste être un point de transit de marchandises. Sa stabilité, son poids dans le commerce maritime mondial et ses performances économiques peuvent en faire un pays émergent. C’est l’objectif d’IOG, qui souhaite le voir devenir « la Singapour de l’Afrique », un carrefour incontournable du commerce et des services. Pour cela, les infrastructures et la productivité sont au cœur de sa conception. Deux immenses projets sont en cours de réalisation : le réaménagement du port historique en quartier d’affaires et l’expansion des ports et des zones franches, le Djibouti Damerjog Industrial Development.

Le système portuaire a été reconnu comme offrant une véritable expertise numérique et logistique par la Banque mondiale. Le complexe pétrolier de Doraleh a notamment la possibilité d’accueillir des navires ayant un tirant d’eau de 20 mètres. VINCENT FOURNIER/JEUNE AFRIQUE
Le système portuaire a été reconnu comme offrant une véritable expertise numérique et logistique par la Banque mondiale. Le complexe pétrolier de Doraleh a notamment la possibilité d’accueillir des navires ayant un tirant d’eau de 20 mètres.  VINCENT FOURNIER/JEUNE AFRIQUE

La première phase de ce dernier a démarré en septembre 2020, et son coût atteindra 3,8 milliards de dollars. Il consiste en la conception d’un parc de 30 km2, dont les deux tiers sont gagnés sur la mer. Réalisé sur une période de quinze ans (2020-2035), le parc accueillera deux raffineries, la jetée du terminal pétrolier et les premières unités d’industries lourdes du pays telles qu’une cimenterie et une usine de dessalement d’eau de mer. Un chantier de réparation navale devrait également être livré en 2023. En parallèle de ce projet à dimension locale, le réaménagement du port historique est d’une ampleur plus internationale, en se consacrant notamment à l’innovation, à la fintech et aux télécoms. La réalisation de ces objectifs devrait permettre d’atteindre une ambition cruciale : la création de 200 000 emplois, pour ramener le taux de chômage à 10 % de la population active, contre 45 % en 2019.

Le projet de la zone industrielle de Damerjog, situé à 30 km au sud-est de la capitale. DR
Le projet de la zone industrielle de Damerjog, situé à 30 km au sud-est de la capitale.DR
La Salaam Tower, siège de la Salaam African Bank. VINCENT FOURNIER/JEUNE AFRIQUE/RÉA
La Salaam Tower, siège de la Salaam African Bank. VINCENT FOURNIER/JEUNE AFRIQUE/RÉA

Un hub à quatre dimensions 
Depuis le début du XXIe siècle, Djibouti s’inscrit dans une logique de libéralisation de l’économie. En créant un cadre financier attractif et en assainissant le climat des affaires, IOG souhaite que le pays soit davantage ciblé par les investisseurs. La stabilité monétaire est l’un des réels atouts du pays : le franc Djibouti (DJF) bénéficie d’une libre convertibilité et d’une parité fixe avec le dollar (USD). En effet, la convertibilité en devises est sans limite, et, depuis l’indépendance, le taux de change avec le dollar est resté inchangé (1 USD = 177,721 DJF). Le pays cherche à devenir une place financière régionale reconnue. Les efforts du gouvernement et de la Banque centrale de Djibouti ont renforcé sa crédibilité.

Des techniciens travaillant sur une antenne relais de Djibouti Télécom, leader sur le marché régional.  VINCENT FOURNIER/JEUNE AFRIQUE/RÉA
Des techniciens travaillant sur une antenne relais de Djibouti Télécom, leader sur le marché régional.  VINCENT FOURNIER/JEUNE AFRIQUE/RÉA

Deux des plus grandes banques chinoises s’y sont installées, Exim Bank of China et Silkroad International Bank. Un chantier de modernisation de l’infrastructure financière nationale a été lancé, soutenu par la Banque mondiale. Avec l’arrivée de la dématérialisation des transactions et de l’automatisation des services, Djibouti veut favoriser le développement de la fintech. La création du business district a pour vocation d’en devenir le pôle principal et de bénéficier à toute la région, en particulier à la Somalie. Grâce au développement d’une infrastructure numérique nationale, le pays répond au besoin de modernité, malgré un marché intérieur restreint. L’opérateur public, Djibouti Télécom, est leader sur le marché régional. En se dotant du centre de données le plus performant de la Corne de l’Afrique, celui-ci a attiré l’attention des grandes entreprises du numérique. L’annonce de sa privatisation partielle, en 2021, s’inscrit dans un plan de modernisation de l’économie nationale. Ce processus intervient alors que l’opérateur a les capacités de connecter la sous-région et le continent. Djibouti mise sur sa position centrale dans les systèmes de télécommunications mondiaux en investissant dans ses stations d’atterrissage. Neuf câbles sous-marins reliant trois continents y passent. Plus de 150 millions de dollars ont été investis dans cette couche physique indispensable pour la transmission des données. En février 2020, l’atterrissement du Djibouti Africa Régional Express (DARE1) a permis de relier les deux plus grands points d’accès télécoms de la région : Djibouti et Mombasa (Kenya). Ce projet est le fruit d’un travail avec l’opérateur national, qui a financé 65 des 80 millions de dollars de ce câble de plus de 5 000 kilomètres. D’ici à 2024, Djibouti sera l’un des points d’atterrissage du câble sous-marin le plus long du monde.

Un parc éolien, dont la capacité sera de 60 MW, verra bientôt le jour à Ghoubet.  SHUTTERSTOCK
Un parc éolien, dont la capacité sera de 60 MW, verra bientôt le jour à Ghoubet.  SHUTTERSTOCK

En effet, en mai, le pays a conclu un accord avec Meta (anciennement Facebook) pour héberger le câble 2Africa, reliant l’Afrique, l’Asie et l’Europe, d’une longueur de 45 000 kilomètres. L’attitude proactive de l’État dans le secteur et le dynamisme de son opérateur principal œuvrent à révolutionner la connectivité africaine..

Avec 135 jours d’ensoleillement par an, le pays investit dans le photovoltaïque. SHUTTERSTOCK
Avec 135 jours d’ensoleillement par an, le pays investit dans le photovoltaïque. SHUTTERSTOCK

Un futur durable 
La densité du développement djiboutien s’accompagne de nouveaux besoins énergétiques. Selon les estimations, plus de 1 000 mégawatts (MW) seront nécessaires d’ici à 2024 pour mener à bien les grands projets industriels. L’offre actuelle, d’environ 605 MW, est insuffisante, d’autant que le pays est de plus en plus énergivore. Pour combler ce manque, le président IOG souhaite couvrir 85 % de ses besoins énergétiques avec les énergies renouvelables. Bien que le pays soit dénué de ressources naturelles, ses sols arides offrent un immense potentiel géothermique. La production de cette source inépuisable d’énergie pourrait atteindre plus de 1 000 MW d’ici à 2024. Un financement de la Banque mondiale, à hauteur de 6 millions de dollars (sur un coût total de 31 millions), a permis d’enclencher les premiers forages. Djibouti recourt également aux énergies éolienne et solaire, conforté par un ensoleillement de 135 jours par an. Deux projets matérialiseront ses avancées dans ces domaines : la construction de la centrale solaire de Grand Bara, sur la base d’un partenariat public-privé avec le groupe français Engie ; ainsi que le projet de parc éolien de Ghoubet, dont la capacité sera de 60 MW.

Le territoire regorge d’extraordinaires sites naturels. comme la banquise de sel du lac Assal. ALAMY STOCK PHOTO
Le territoire regorge d’extraordinaires sites naturels. comme la banquise de sel du lac Assal. ALAMY STOCK PHOTO

De la banquise de sel du lac Assal aux cheminées de calcaire dans le lac Abbé en passant par la forêt millénaire du Day, Djibouti regorge d’extraordinaires sites naturels. Situé au nord-ouest, Abourma, l’un des plus importants sites d’art rupestre d’Afrique de l’Est, illustre l’étendue du patrimoine archéologique et culturel du pays. On peut y apercevoir des gravures datant du paléolithique.

Le tourisme responsable 
Face à la richesse environnementale du territoire, IOG a fait de la durabilité l’une des composantes de la Vision 2035. Cela se caractérise d’abord par la promotion du tourisme responsable, au cœur duquel la préservation des sites naturels est prioritaire. Les projets d’urbanisme durable entamés dans la capitale vont aussi dans ce sens. Au cœur du business district, le pays a entamé la construction d’un immense océanorium, dont les besoins énergétiques seront majoritairement produits par des capteurs solaires installés sur sa toiture. Avec une cinquantaine d’aquariums, il mettra en avant toute la richesse des fonds marins de Djibouti. Enfin, de par son climat et sa position proche de l’Équateur, les conséquences du changement climatique sont importantes dans le pays. Les inondations et les épisodes de sécheresse étant de plus en plus fréquents, celui-ci a décidé d’investir dans des moyens innovants pour s’adapter à ces phénomènes. Les autorités associent les infrastructures « vertes », inspirées de systèmes naturels, aux infrastructures « grises », comme les digues, pour s’assurer de l’impact positif sur l’environnement à long terme. À Tadjourah, une digue de 2 kilomètres a ainsi été construite pour protéger des inondations.

En entrant dans une phase de développement soutenue, Djibouti souhaite renforcer son statut de hub à quatre dimensions : logistique, commerciale, numérique et financière.