MANQUE D'ÉDUCATION...
LES GOUVERNEMENTS AFRICAINS s’enorgueillissent volontiers du nombre d’écoles et de salles de classe construites chaque année dans leur pays. Les programmes de soutien au taux de scolarité pullulent. Dans les ministères de l’Éducation de base (dénomination la plus courante), on se vante d’avoir davantage de jeunes filles qui vont à l’école, on glose sur les mentalités qui évoluent.
Les ONG en rajoutent une couche autour de thèmes du genre « un gosse, un cartable » ou « j’aime mon école de brousse ». Dans les déserts, on finance à grands frais des écoles nomades qui suivent les familles dans leur transhumance ou scolarisent les enfants autour des points d’eau où les chameaux et le bétail doivent séjourner pour boire... Tout ça est super top génial et contribue à créer les conditions pour que l’Afrique aille à l’école. Bravo! Mais une question reste encore en suspens. Aller à l’école, yes, mais dans quelle école? Déjà, sortez un peu des capitales et des grosses villes secondaires. Vous verrez de jolies petites écoles neuves, vides, où un âne ou trois chèvres viennent s’abriter du soleil. Pas d’instit. Donc, pas d’élèves. Premier souci, donc, les instituteurs, fonctionnaires sous-payés qui ne se rendent pas sur leur lieu de boulot, voire n’honorent pas leurs mutations dans des bleds excentrés. Et vu qu’on ne les sanctionne jamais, la plupart du temps au nom de la stabilité sociale, les enfants ne sont pas scolarisés dans les provinces éloignées. Et enfin, autre question qu’il faudrait mettre courageusement à l’ordre du jour, c’est la baisse hallucinante du niveau global de l’enseignement.
En gros, les instits font presque autant de fautes que leurs élèves. Y a qu’à regarder un cahier d’écolier et les étonnantes annotations en rouge qui y sont souvent portées... Il semble que les gouvernements devraient se pencher sur ce gros problème de ressources humaines plutôt que de continuer à se contenter de construire des salles de classe. Elles ne serviront à rien demain si elles sont vides ou remplies de maîtres mal formés eux-mêmes. D’où l’urgence de relever le niveau des écoles normales, de valoriser la profession, de mettre de l’ordre dans les affectations et l’assiduité au travail. Sinon, des générations de jeunes inaptes à faire entrer leur pays dans la mondialisation vont se succéder sur le continent. Et à l’heure des souhaits d’émergence en tout genre, ça serait bien dommage...
Par Emmanuelle PONITÉ