Maroc-Algérie,
la course au PIB

La taille de l’économie du royaume pourrait égaler ou dépasser celle de son voisin, à l’horizon 2025. Un enjeu majeur dans un contexte de rivalité et de tensions diplomatiques.
Le Maroc connaîtra en 2023 une « hausse assez rigoureuse » de sa croissance économique : 3,2 %, selon la banque française Crédit agricole. En 2022, plombée par la sécheresse et pénalisée par la guerre en Ukraine (du fait de l’augmentation du coût des matières premières et de la baisse de la demande dans la zone euro), elle n’avait progressé que de 1,2 %. L’inflation, historiquement haute à 6,6 %, demeure cependant l’une des plus faibles du continent, amortie par les subventions publiques aux produits de base. Aussi, les recettes fiscales ont été meilleures qu’anticipées, et les dividendes versés par le Groupe OCP, le géant des phosphates, se sont avérés conséquents (7,6 milliards de dirhams, soit 750 millions de dollars) en 2023, dans un contexte de hausse du cours des engrais (1 000 dollars la tonne).
L’Algérie a quant à elle profité de la flambée des prix des hydrocarbures provoquée par la guerre en Ukraine: en 2022, sa croissance s’est élevée à 4,7 %. En un an, les recettes de la compagnie pétrolière et gazière nationale Sonatrach ont quasiment doublé : environ 60 milliards de dollars en 2022, contre 34 en 2021 ! « Une performance, relève le Crédit agricole, que le pays n’avait pas connue depuis 2012 », autre année faste pour les exportateurs d’hydrocarbures. Le PIB par habitant s’élève à 4 150 dollars (pour une population de 44 millions d’habitants), contre 3 500 dollars au Maroc (37 millions d’habitants).
Néanmoins, la situation tendue du secteur bancaire aux États-Unis a récemment entraîné une baisse notable du cours du pétrole, à environ 80 dollars le baril. La croissance de l’Algérie pour 2023 a donc diminué à 2,6 % ou 2,7 %, un taux comparable à celui des années 2010 : « Un niveau assez modeste, souligne le Crédit agricole, pour un pays dont la population progresse de 1,9 % par an en moyenne », contre 1,1 % au Maroc. D’autant que l’inflation est relativement forte (9,7 %), la hausse des prix étant davantage marquée dans les pays exportateurs de matières premières. Le défi pour l’Algérie réside dans l’impérative diversification de son économie. À défaut, son PIB pourrait quasiment stagner à un peu plus de 150 milliards de dollars ces prochaines années. À moyen terme, elle pourrait même être rattrapée par le Maroc, où l’économie est davantage diversifiée, en matière de PIB : selon le Fonds monétaire international (FMI), celui-ci va croître de 138 milliards de dollars en 2023 à 146 milliards en 2024, et à 154 milliards en 2025-2026.
Pour rappel, ces perspectives économiques divergentes interviennent dans un contexte de forte tension géopolitique entre les deux pays maghrébins : ils ont rompu leurs relations diplomatiques le 24 août 2021, notamment en raison de leur différend sur la question du Sahara occidental et de l’annonce du Maroc de la normalisation des relations, fin 2020, avec Israël. Dans une interview donnée à Al-Jazeera le 21 mars dernier, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a d’ailleurs estimé que les relations entre les deux voisins avaient atteint « un point de non-retour ».