
Maroc
L'odyssée 2030
Le royaume sera l’hôte, en décembre et janvier, de la CAN 2025. Une compétition continentale majeure. Et surtout une répétition grandeur nature pour l’événement qui aura lieu dans cinq ans: la Coupe du monde, coorganisée avec l’Espagne et le Portugal. Les enjeux sont multiples et les défis titanesques! Un Mondial, ce n’est pas que du football.

Pour ce rendez-vous planétaire et historique, le royaume entend ériger le plus grand des stades. Non seulement le plus vaste du continent africain, mais aussi du globe. Avec 115000 places, l’enceinte sportive Hassan II d’El Mansouria (dans la province de Benslimane, à 35 km au nord de Casablanca) devrait surclasser d’un millier de sièges le stade de Pyongyang, en Corée du Nord. Son design audacieux combinera tradition et modernité, à l’exemple de l’image que veut se donner le Maroc. Pour dessiner sa toiture, ses concepteurs le couple d’architectes Tarik Oualalou et Linna Choi, associé au cabinet Populous se sont inspirés des tentes des fêtes du Moussem. Ce chantier, d’un montant de 3,4 milliards de dirhams (environ 300 millions d’euros), a été attribué aux groupes SGTM (Société générale des travaux du Maroc) et TGCC (Travaux généraux de construction de Casablanca). Les deux géants du BTP marocain, éternels concurrents, conjugueront leurs forces pour cet ouvrage pharaonique, dont l’inauguration est promise fin 2027. Un délai fort bref, compte tenu de l’ampleur de la tâche! L’omniprésent Fouzi Lekjaa tout à la fois président de la Fédération royale marocaine de football (FRMF), du Comité Maroc 2030, vice-président de la Confédération africaine de football (CAF) et ministre du Budget se montre pourtant aussi confiant que déterminé. Car un rêve aussi grand, qui voit sa concrétisation enfin advenir, ne saurait échouer: le royaume attendait, depuis les années 1980, le privilège d’accueillir le Mondial de football. Et espère être l’hôte de la finale de l’événement en terre chérifienne et en terre d’Afrique.
La route vers 2030 aura été longue et ardue. Elle s’ouvre à partir de 1986, il y a près de trente ans! Cette année-là, la Coupe dumonde a lieu au Mexique. Les Lions de l’Atlas entrent dans l’histoire comme étant la première équipe arabe et africaine à accéder aux huitièmes de finale. Après cet exploit, et alors que le royaume se prépare à accueillir la CAN 1988, Hassan II décide de candidater à l’organisation de la Coupe du monde 1994. En 1989, son ministre des Sports, Abdellatif Semlali, dépose un dossier solide auprès de la FIFA. Les États- Unis, terre du football américain et du base-ball, décrochent le Graal. La FIFA, alors présidée par le tout-puissant Brésilien João Havelange, cherche de nouveaux marchés. Une ligue américaine de football (Major League Soccer) est créée in extremis en décembre 1993, six mois seulement avant le coup d’envoi. Les médias outre-Atlantique multiplieront les articles et les infographies pour expliquer les règles du soccer… La pilule est amère, mais le score honorable de sept voix (contre dix aux USA) conforte le palais dans sa conviction qu’il faut persévérer: la candidature marocaine est donc réitérée pour l’édition 1998… qui sera attribuée à la France. Puis en 2006 à l’Allemagne, alors triple vainqueur du trophée. Puis de nouveau, en 2010, le Maroc doit s’incliner face à l’Afrique du Sud, dont le dossier bénéficie de la stature et de la légende d’un Nelson Mandela en fin de vie. L’année 2026 sera l’avant-dernière étape. L’organisation de la 23e Coupe du monde est attribuée une nouvelle fois – aux États-Unis, associés au Canada et au Mexique. Une édition qui risque d’ailleurs d’être pimentée, compte tenu des relations peu amènes entre les trois pays depuis l’investiture de Donald Trump.

Mais la persévérance du Maroc finit par payer. Le 11 décembre 2024, la FIFA annonce que le tournoi 2030 sera accueilli par le trio Maroc-Espagne-Portugal. Un choix qui n’avait rien d’évident: la candidature rivale du quatuor Argentine-Chili-Uruguay-Paraguay était argumentée. Situer le tournoi en Amérique du Sud aurait été un symbole fort, un siècle après le tout premier Mondial, en 1930, en Uruguay. Dès octobre 2020, l’Espagne et le Portugal annoncent officiellement leur intention de déposer une candidature conjointe pour 2030. Ils cherchent à proposer un projet européen solide, peu coûteux, basé sur des infrastructures largement existantes. L’Ukraine, un temps associée au projet, doit se retirer. Car la guerre ravage son territoire. Le duo cherche à renforcer son dossier. Le Maroc voit alors l’opportunité historique se dessiner. Des contacts tripartites ont lieu à partir de début 2022. Le 14 mars 2023, dans un discours lu en son nom par le ministre des Sports Chakib Benmoussa, le roi Mohamed VI annonce officiellement l’adhésion du Maroc à la candidature conjointe de l’Espagne et du Portugal.
L’opération est politiquement habile. Aux voix de l’Europe et de la toute-puissante UEFA s’ajouteront celles de la très grande majorité des fédérations africaines. Elle est aussi fortement symbolique. Sans précédent dans l’histoire du football, cette candidature commune sera celle de la «jonction entre l’Afrique et l’Europe, entre le Nord et le Sud, entre les mondes africain, arabe et euroméditerranéen. Une candidature de rassemblement du meilleur, de part et d’autre, et la démonstration d’une alliance de génie, de créativité, d’expérience et de moyens». Le détroit de Gibraltar n’est plus vraiment une frontière infranchissable. Et du côté du Maroc, la Coupe du monde devient une priorité royale, un enjeu du règne. Et le souverain va s’engager personnellement dans la montée vers 2030.
Le Galop d'essai de la CAN
Le génie, la créativité, la détermination, l’expérience, les moyens seront indispensables pour organiser une compétition planétaire et hors-norme. Pour la seconde fois seulement après l’édition nord-américaine de 2026 s’affronteront non pas 32 équipes, mais 48. Sous l’enthousiaste cri de ralliement YallaVamos («allons-y» en arabe, espagnol et portugais), il s’agira, pour les trois nations partenaires, d’organiser, entre le 13 juin et le 21 juillet 2030, un total de 101 matchs. Entre 30 et 50 devraient avoir lieu au Maroc, qui aspire donc à accueillir la finale [voir encadré]. Le trio d’organisateurs devra recevoir plus de 15 millions de visiteurs étrangers supplémentaires, dont au minimum 1,2 million au Maroc, sous les yeux d’au moins 5 milliards de spectateurs, tous médias confondus. Qu’ils soient économiques, sociaux, sécuritaires ou diplomatiques, les enjeux sont vitaux. Le Maroc n’a pas droit à l’erreur. Le chantier est immense, mais l’ambition est assumée. Les experts de la FIFA, dans leur rapport sur la candidature ibéro-marocaine, expriment «un haut degré de confiance» et soulignent la capacité d’accueil de pays qui sont des destinations touristiques majeures: l’Espagne a reçu 94 millions de visiteurs en 2024, le Portugal 30 millions et le Maroc, 17,5 millions (ce qui en fait désormais le pays le plus visité du continent, devant l’Égypte).
Au Maroc, comme en Espagne et au Portugal, les infrastructures sportives nécessaires sont, en grande partie, déjà en place. Le gigantesque stade Hassan II sera en effet le seul à être érigé à l’occasion de la compétition, les autres étant déjà existants et leur mise à niveau prévue dans le cadre de la CAN 2025. Une Coupe d’Afrique des nations, en décembre et janvier prochain, qui doit offrir au royaume une répétition à grande échelle. En juillet dernier, la FRMF a déjà pu se féliciter de la réussite de la CAN féminine, au terme de laquelle les Marocaines se sont inclinées, en finale, face aux Nigérianes. «Les travaux en cours dans les villes hôtes avancent conformément au calendrier préétabli», a assuré Fouzi Lekjaa le 11 juillet, à la suite d’une réunion préparatoire. Quatre des neuf stades de la CAN masculine sont opérationnels: le complexe Mohammed-V de Casablanca, le stade Adrar d’Agadir, le complexe sportif de Fès, ainsi que le Grand Stade de Marrakech. Les cinq autres devraient être prêts en septembre, notamment le stade de Tanger et le stade Moulay-Abdellah de Rabat. Les Lions de l’Atlas se préparent pour ce qui sera aussi un enjeu sportif national. En effet, les hommes du sélectionneur Walid Regragui, qui avaient réalisé l’exploit d’atteindre les demi-finales du Mondial 2022 au Qatar, devront aussi faire oublier un parcours en demi-teinte lors de la CAN 2023 en Côte d’Ivoire, où ils avaient été battus en huitièmes de finale par les Bafana Bafana sud-africains. Sur un plan plus structurel, et en visant terme, le royaume continue à structurer un écosystème footballistique ambitieux. En août 2024, la FRMF a annoncé la création d’un Fonds de formation national de football, avec le soutien du groupe OCP (Office chérifien des phosphates) et d’autres partenaires privés. Ce fonds est «dédié à la professionnalisation des centres de formation et à la promotion des jeunes talents dans la discipline», grâce à la «mutualisation des compétences et des ressources des partenaires ». En prenant en charge la formation des générations montantes, ce fonds public-privé doit permettre aux clubs de se focaliser sur l’entraînement des équipes A. Cet accent sur la formation s’inscrit dans la lignée de l’Académie Mohammed-VI de football, centre d’entraînement ultramoderne érigé en 2009 à Salé (près de Rabat) pour un coût de 13 millions d’euros, qui avait participé au réveil des Lions (et des Lionnes), après leur passage à vide des années 2000.
Un levier et un modèle

Pour 2030, il s’agit donc d’être prêt sportivement pour un mondial exigeant sur le plan financier. Le coût de la compétition est estimé au total, pour les trois pays, entre 15 et 20 milliards de dollars. Le Maroc s’est fixé un budget prévisionnel de 5,1 milliards d’euros, englobant l’organisation comme les infrastructures. Lors d’une Coupe du monde, les recettes provenant de la vente des billets, du marketing et de la diffusion vont à la FIFA (qui a réalisé un chiffre d’affaires de 7,6 milliards de dollars en 2023…). Pour les pays hôtes, les revenus sont à chercher ailleurs: emplois directs et indirects, tourisme, hôtellerie-restauration, billets de transports, BTP, événementiel, consommation, nouvelles opportunités pour les entreprises… La FRMF table sur la création de 70000 à 120000 emplois à plein temps, à 40%dans l’hôtellerie-restauration, 30%dans le BTP, 15%dans les services et 15%dans le commerce et le numérique notamment pour les start-up de la tech, dans la mobilité intelligente, la gestion logistique, la sécurité numérique… Les retombées économiques sont, pour l’instant, estimées pour le Maroc entre 2 et 4 milliards de dollars.
Mais pour le Maroc, 2030 va bien au-delà de l’événement sportif. C’est une occasion historique, unique, d’accélérer son développement, d’investir dans ses infrastructures, de changer d’échelle, en termes socio-économiques mais aussi en matière de soft power et d’influence sur la scène internationale. Cinq milliards de téléspectateurs attendus représentent un formidable amplificateur de notoriété pour le pays hôte. Le royaume vise 35 millions de visiteurs annuels d’ici à 2030, et compte bien renforcer son statut de «hub» de l’événementiel international.
«Ce qui va être réalisé en seulement six ans correspond à ce qui devait être réalisé en vingt ans. Le Maroc va donc gagner quatorze ans de développement», calculait l’universitaire Moncef El Yazghi, spécialiste des politiques sportives, dans une interview à nos confrères marocains de Finances News Hebdo en janvier dernier. Le 18 juillet, à Rabat, lors du 8e salon économique Morocco Today Forum (MTF), le chef du gouvernement Aziz Akhannouch a décrit le Mondial 2030 comme un «levier et un accélérateur de transformation stratégique ». Le président de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), Chakib Alj, voit quant à lui dans cette Coupe du monde «une bascule historique», et résume ainsi le sentiment général des décideurs politiques et économiques: «2030 n’est pas une date, c’est déjà une dynamique en marche».
Cette dynamique en marche s’observe notamment sur le plan ferroviaire: «Autrefois, les projets étaient souvent réalisés de manière séquentielle et indépendante, a récemment commenté le directeur général de l’Office national des chemins de fer du Maroc (ONCF), Mohamed Rabie Khlie. Aujourd’hui, l’échéance commune de 2030 impose à tous les opérateurs d’être prêts simultanément, ce qui renforce considérablement l’impact global. » Afin de faciliter la circulation entre les villes, les aéroports et les stades, l’ensemble de l’offre ferroviaire du royaume devrait connaître un bond quantitatif et qualitatif, qu’il s’agisse des lignes à grande vitesse (LGV) à 320 km/h, des trains express à 200 km/h ou des trains de proximité. Près de 100 milliards de dirhams seront investis dans le réseau d’ici à 2030, soit davantage que ces vingt dernières années. Ce sont 430 km supplémentaires de lignes à grande vitesse qui devraient être aménagées, portant le total à 630 km. Toutes les grandes lignes devraient basculer sur les nouvelles infrastructures à grande vitesse: le trajet Fès-Marrakech serait réalisé en 3h40, contre 6h30 actuellement. Anticipant les critiques qui déjà pointent le risque d’une Coupe du monde «vitrine», ne profitant qu’aux grandes villes et aux plus aisés, l’ONCF promet des impacts pérennes pour la population, la densification du réseau apportant «une meilleure intégration territoriale» et «des bénéfices immédiatement visibles sur les temps de parcours».
Les aéroports, sources d’inquiétudes particulières, font l’objet d’un programme massif de mise à niveau, afin d’absorber 80 millions de passagers d’ici à l’échéance, contre «seulement » 38 aujourd’hui. L’aéroport de Marrakech-Ménara, prévu pour recevoir 9 millions de passagers par an et en voie de saturation, devrait voir ses capacités portées à 14,2 millions de passagers en 2030. Celles de l’aéroport de Casablanca passeraient à 23,3 millions, d’Agadir à 6,3 millions, de Fès à 2,5 millions et de Rabat à 2,8 millions. Premier pays africain à avoir signé, dès 2006, un accord open sky avec l’Union européenne, le Maroc est desservi sans obstacle par les avions low cost européens, ce dont se félicite la FIFA, soulignant les facilités de rallier le pays depuis notamment l’Espagne et le Portugal.
Les villes devront également se doter de fan-zones aptes à accueillir des foules de spectateurs, qui visionneront les matchs sur des écrans géants, dans la convivialité. Concernant l’hébergement des visiteurs, la FIFA et le royaume se montrent confiants. Le nombre de lits disponibles devrait passer d’un peu moins de 300000 aujourd’hui à plus de 500000 en l’espace de cinq ans. Il faudra enfin, last but not least, «anticiper et neutraliser les menaces», sécuriser le territoire, protéger les fans, les visiteurs, organiser les flux autour des sites de la compétition et des stades (équipes, staff, journalistes, VIP, supporters…). L’aspect sécuritaire sera essentiel. Le Maroc devra ajuster ses protocoles de sécurité aux normes de la FIFA. Et la coordination avec les coorganisateurs européens ajoute un niveau de complexité inédit. Il faudra harmoniser les protocoles, les logiciels, les processus d’obtention de visas et de transits. Les trois pays devraient ouvrir un pôle de communication commune et créer un canal officiel, afin de vérifier les informations, dissiper les rumeurs et les fake news. Le comportement des supporters étrangers, possiblement en décalage avec la culture marocaine, pourrait aussi susciter des tensions. Même si l’exemple du Qatar en 2022 semble montrer que les fans de foot, dans une Coupe du monde, sont nettement plus respectueux qu’on ne le pense…
Faire la différence avec résilience
En 2021, à la demande du roi Mohammed VI, le pays a adopté une feuille de route ambitieuse, celle du nouveau modèle de développement (NMD). Ce plan fixe un cadre stratégique de référence pour les politiques publiques sur le long terme. Il fixe des objectifs exigeants pour 2035: multiplier par deux le PIB par habitant, atteindre le plein-emploi des jeunes, faire du Maroc un acteur régional influent et résilient sur le plan climatique. Le coeur du NMD repose sur l’amélioration des conditions de vie des citoyens: création d’emplois, éducation, santé, sécurité sociale… On l’a dit, la Coupe du monde est pensée comme un accélérateur de développement. Mais il faudra qu’elle s’insère dans cette exigence d’un bénéfice pour tous, qu’elle n’apparaisse pas uniquement comme une belle vitrine coûteuse des ambitions du Maroc. Le pays est dans une dynamique de progrès et de modernisation rare en Afrique, mais il reste aussi fragile, avec des urgences sociales et des disparités locales importantes, en particulier en zone rurale. Il faudra tenir compte du stress hydrique et des objectifs en termes de développement durable: 2%d’énergie renouvelable en 2030, puis la neutralité carbone en 2050.
Cette mixité des enjeux se ressent peut-être tout particulièrement à Casablanca. La capitale économique concentre un tiers du PIB national. Elle cumule les chantiers afin de se muer, avant 2030, en smart city ultramoderne. Sous l’impulsion de Mohamed Mhidia, nommé fin 2023 et surnommé «le wali bulldozer», des projets de rénovation et de construction, qui jusque-là cumulaient les années de retard, jouissent désormais un coup d’accélérateur inespéré! Mais ces grands travaux s’accompagnent aussi d’un coût social, avec la destruction des bidonvilles ou les arrêtés de démolition, souvent contestés par les habitants. Associations et syndicats s’inquiètent également du risque que des migrants subsahariens, particulièrement vulnérables, soient embauchés dans des conditions abusives dans le BTP, au mépris de leur sécurité.
La Coupe du monde organisée au Qatar en 2022 fut la plus chère de l’histoire de la compétition, avec 220 milliards d’euros dépensés par le pays hôte (à partir de 2010). Avec un impact en termes environnementaux conséquent. En 2034, l’Arabie saoudite sera la première nation à organiser, seule, une Coupe du monde à 48 équipes : le royaume wahhabite devrait construire en prévision onze nouveaux stades, pour un coût minimum, à ce jour, de 100 milliards de rials (plus de 26 milliards de dollars). Avec, là aussi, une empreinte environnementale conséquente. Les États-Unis sont très riches, le Canada aussi, et même le Mexique, comparativement.
Le Maroc pourra chercher à faire la différence, avec des moyens plus limités. Une Fondation Maroc 2030 doit coordonner les actions des protagonistes, et œuvrera à ce que l’événement sportif catalyse l’essor économique et social du royaume, dans le cadre du nouveau modèle de développement: «La Fondation incarne la volonté royale d’adopter une approche participative et inclusive», a déclaré le coordinateur général de la FRMF, Mouad Hajji, à l’occasion de son lancement en juillet dernier. Elle a la responsabilité de «mobiliser l’ensemble des forces vives de la nation – administrations, établissements et entreprises publiques, collectivités territoriales, associations de la société civile, secteur privé, Marocains du monde et compétences africaines». Fédéré, le royaume pourrait ainsi réconcilier la nécessaire ambition planétaire, le coût d’un événement unique, tout en transformant le processus en levier social et développemental puissant. Où chaque citoyen pourra se reconnaître.
Le stade Hassan II en finale? Sur les 101 matchs répartis entre les vingt stades marocains, espagnols et portugais, 30 à 50 devraient se dérouler au Maroc. Et trois matchs d’ouverture auront lieu, les 8 et 9 juin, en Argentine, au Paraguay et en Uruguay, afin de célébrer le centenaire de la compétition. La Co organisation d’une Coupe du monde par plusieurs pays a l’avantage de permettre des économies d’échelle. Mais elle implique des difficultés inédites en matière de préséance, avec trois nations pour une seule finale… Le royaume mettra évidemment tout en œuvre pour que l’événement le plus regardé du globe se déroule au futur stade Hassan II. Le plus grand stade du monde (115000 places) sera en concurrence avec le Santiago-Bernabéu. L’arène du Real Madrid s’avère parfaitement rodée à l’accueil de méga-événements. Autre challenger: le Camp Nou, stade du FC Barcelone de 99000 places, qui fera l’objet de travaux d’extension en 2026 pour voir ses capacités portées à 105000. Dans son rapport d’évaluation sur la Coupe du monde 2030, rendu public fin 2024, la FIFA se garde bien de trancher entre ces trois options… Il faudra sans doute patienter au moins jusqu’à l’inauguration du stade Hassan II, fin 2027, pour être fixé. Afin de persuader la FIFA, le Maroc pourrait arguer de la forte charge symbolique qu’aurait une finale jouée en Afrique, dans un stade flambant neuf, érigé dans ce but. |
Maroc-Espagne, une relation réinventée ![]() L’entente désormais au beau fixe entre le Maroc et l’Espagne ferait presque oublier les tensions qui agitaient, encore récemment, le détroit de Gibraltar. En avril 2021, l’hospitalisation à Madrid de Brahim Ghali, le président de la République arabe sahraouie (RASD) autoproclamé, installé à Alger, avait suscité la colère de Rabat. Les mois suivants, les forces de l’ordre marocaines avaient fait preuve d’une certaine passivité face aux assauts de milliers de candidats à l’émigration contre les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, tandis que se multipliaient les abordages clandestins vers l’archipel des Canaries…Dès mars 2022, Madrid change de cap: le Premier ministre Pedro Sánchez (PSOE), dans un courrier au roi Mohammed VI, qualifie le plan marocain d’autonomie des «provinces du sud» marocaines de «sérieux, réaliste et crédible». Parrain du Polisario, Alger dégaine les mesures de représailles à l’encontre de Madrid: rappel de l’ambassadeur, rupture des relations commerciales, hausse des tarifs du gaz, etc. L’Espagne n’est alors après Trump, fin 2020 que le deuxième pays occidental à valider le plan d’autonomie marocain, déjà reconnu par la plupart des pays africains. Ancienne puissance coloniale au Rif, la nation ibérique s’était longtemps efforcée de maintenir une certaine équidistance dans ses relations avec les deux rivaux du Maghreb. Mais l’offensive diplomatique de Rabat pour obtenir d’un maximum d’États la reconnaissance de sa souveraineté sur l’ancien Sahara occidental a poussé Madrid à choisir avec qui se fâcher en l’occurrence, Alger… Le 7 avril 2022, Mohammed VI scellait la réconciliation en accordant une audience à Pedro Sánchez. Malgré l’absence d’avancée sur la question toujours irrésolue des enclaves de Ceuta et Melilla considérées par Madrid comme «espagnoles» et par Rabat comme des «territoires occupés» , les deux monarchies n’ont de cesse de renforcer leur coopération économique, policière, éducative et culturelle, organisant même en 2023 un forum entrepreneurial afin de stimuler les investissements espagnols au Maroc: infrastructures routières et ferroviaires, usines de désalinisation d’eau de mer, etc. Le Maroc est désormais le premier fournisseur africain de l’Espagne, et son premier client sur le continent. Et l’organisation conjointe de la Coupe du monde 2030 consolidera logiquement cette relation privilégiée. Le 22 juillet, le Portugal a qualifié à son tour le plan d’autonomie de «constructif, sérieux et crédible afin de résoudre le conflit». Et la FIFA, dans son rapport d’évaluation de 2024, écrit noir sur blanc que le Maroc dispose de «3500 km de littoral», avalisant de facto la souveraineté marocaine sur l’ancien «Sahara occidental». Le Maroc remporte déjà, avec ce Mondial, une belle victoire diplomatique. |